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L’accompagnement du deuil, partie intégrante des soins palliatifs

Publié le 26/11/2018
L’accompagnement du deuil, partie intégrante des soins palliatifs

L’accompagnement du deuil, partie intégrante des soins palliatifs

La perte d’un être cher bouscule ceux qui restent, les amenant ainsi à remanier leurs émotions, leurs représentations, leurs liens au défunt, ce que certains conceptualisent sous le terme de "travail de deuil". Comment les soignants peuvent-ils participer à cet accompagnement et notamment à la prévention des deuils pathologiques ? Comment peuvent-ils aussi se protéger a minima tout en proposant une relation de soin pleine d'humanité ? Éléments de réponse à l'occasion de la 17e journée régionale des acteurs en soins infirmiers Occitanie Ouest organisée sur ce thème de "L'accompagnement du deuil : partie intégrante des soins palliatifs" le 12 octobre dernier au CHU Purpan-Toulouse.

L’accompagnement des personnes endeuillées passe par des attitudes appropriées telles que "rester présent et disponible, soutenir l’expression des émotions et sentiments, savoir surtout se taire et écouter".

Le deuil est une expérience universellement partagée. Il n'en reste pas moins un phénomène éminemment intime – il est aussi la réactivation de l’angoisse de sa propre mort1 –, qui, entre autres, nous affecte avec une résonnance particulière après la mort d'un être cher. Selon Lacan, il s'agit d'une sorte de trou dans le réel2 que rien ne peut combler.

Troubles du deuil

Plusieurs troubles en lien avec ce deuil peuvent alors apparaître tels que tristesse de l’humeur, sentiment d’absurdité, images et idées intrusives, ruminations, hallucinations, temps figé, handicap, détérioration du fonctionnement... a indiqué Léonor Fasse, maître de conférences à l'université Paris-Descartes et psychologue clinicienne à l'hôpital Gustave-Roussy à Villejuif lors de cette journée régionale de la Sfap Occitanie Ouest. Pour autant, il n'est pas toujours facile de distinguer ce qui relève du deuil normal ou du deuil pathologique, notamment dans la mesure où la personne endeuillée va osciller entre de multiples émotions, pensées, expériences, une oscillation, labilité  qui, en soi, ne sont pas pathologiques, a-t-elle ajouté. Quelles sont donc les représentations d’un deuil pathologique ou compliqué (cf. encadré) ? S’agit-il d’un mal-être lié au deuil qui s’étire infiniment, d’un flamboiement de symptômes ? ou, a contrario, d’une absence de manifestation (silence, froideur, impassibilité) ? S’agit-il encore d’une fascination, polarisation sur la mort ? s’est ainsi interrogée Léonor Fasse. Difficile à dire, difficile de trancher.

Le deuil compliqué

Classifications diagnostiques internationales :

  • CIM-11 (à paraître) : probable "trouble du deuil persistant" avec un facteur temporel supérieur à 6 mois ;
  • DSM 5 (2013) : Persistent Complex Bereavement-related Doisorder/deuil complexe persistant non reconnu comme catégorie diagnostique/mentionné dans les annexes.

Des actions pour aider le deuil

Quoi qu’il en soit, la psychologue clinicienne n’a pas manqué de rappeler que l’accompagnement des personnes endeuillées passe par des attitudes appropriées telles que rester présent et disponible, soutenir l’expression des émotions et sentiments, savoir surtout se taire et écouter. Il convient par ailleurs d’éviter de proposer des injonctions "d’aller mieux" ou d’avoir une attitude jugeante. Reste que, si besoin, il est possible de leur proposer de multiples prises en charge psychologiques ou psychiatriques, qu’elles soient individuelles ou en groupe a poursuivi Léonor Fasse. Celles-ci peuvent s’étayer sur des socles théoriques variés : approche psychanalytique, s’appuyant notamment sur la notion de "travail de deuil", approches cognitivo-comportementales, approches centrées sur la personne, thérapies centrées sur le sens, autres thérapies (hypnothérapie, EMDR, relaxation thérapeutique…), approche médicamenteuse…. Surtout, plus que l’utilisation d’une technique thérapeutique spécifique, cette dernière a pointé combien l’accompagnement des personnes endeuillées nécessitait une disponibilité, un accueil de la douleur.
S’agissant des soignants, la psychologue clinicienne a préconisé de penser en équipe les procédures autour du décès comme celles relatives à l’accueil des proches après le décès, [aux] condoléances envoyées à la famille…. Des procédures sur l’accompagnement des familles3, mais aussi d’autres actions autour du prendre soin du corps du défunt et [du] travail d’équipe4, comme l’ont relaté de leur côté Marie-Françoise Elie et Magali Degeilh, infirmières à la clinique Monnié (31) et autres intervenantes de cette journée régionale.

En tant que soignant, accepter d’être vulnérable

En effet, le travail d’équipe se révèle un soutien important car, comme l’a souligné Marie-Claude Vallejo, cadre supérieur de santé, formatrice à l'IFCS du CHU de Toulouse, dans le cadre de son exposé sur la mort brutale en réanimation, il est difficile parfois pour les soignants de trouver la juste présence qui nourrisse la relation sans l’étouffer, qui permettre d’entendre la souffrance sans être submergé. Et pour y faire face autant que possible, elle a quelque peu invité les soignants à accepter leur vulnérabilité, leur sensibilité, gage de chemin, d’accès à l’Autre, preuve d’humanité. Cela demeure toutefois compliqué pour un certain nombre comme a pu en témoigner une infirmière en équipe mobile de soins palliatifs lors des échanges avec la salle : Lorsqu’on propose de l’aide aux soignants, on s’aperçoit qu’il y a une certaine fuite. Il va falloir poser les valises et tous n’y sont pas prêts. Mais comment proposer des aides lorsque l’on est pas capable soi-même de les recevoir ?

Quid de l’accompagnement du deuil en libéral ?

L’accompagnement du deuil à domicile a par ailleurs été abordé. Comme leurs collègues hospitalières, les infirmières libérales sont en effet bien sûr potentiellement amenées au cours de leur exercice à accompagner des proches de patients en fin de vie, qui viennent de décéder, voire qui décèdent en leur présence. Afin que ce soutien s’effectue dans les meilleures conditions qui soient – pour les proches mais aussi pour elles-mêmes – elles peuvent, comme l’a expliqué Céline Rodrigo, IDEL à Lespinasse (31), s’appuyer sur plusieurs ressources, parmi lesquelles un dossier de soins accessible et complet comprenant antécédents, traitement en cours, courriers médicaux, fiche urgence palliative, coordonnées importantes, personne de confiance, mesure de sauvegarde, directives anticipées, démarches discutées avec la famille…), mais aussi des savoirs pratiques et/ou savoir-faire/savoir être (connaissance des démarches de décès, fonctionnement des gardes le WE, gestion du stress, gestes à connaître en cas d’urgence, accompagnement en soins palliatifs…), ou encore des outils de communication qui pourront notamment permettre au soignant d’initier une prise en charge globale, de donner du sens, faciliter l’échange entre professionnels, d’avoir une approche spirituelle…. Autres ressources à disposition : l’équipe via la communication ou l’appel à un autre professionnel (Ssiad, HAD, kiné, orthophoniste, pédicure, AVS…) pour enrichir la prise en charge avec pour le soignant, aussi la possibilité de verbaliser la situation et prendre du recul avec une prise de relais si nécessaire.

Les réseaux d’aides extérieurs sont encore également un soutien potentiel non négligeable, en apportant à l’entourage un accompagnement au domicile, leur permettant également d’anticiper les problématiques mais aussi de compléter les intervenants/conseils. Côté soignants, ils sont des plus utiles pour le soutien professionnel, l’échange, l’apprentissage et/ou un complément de connaissances et éviter l’épuisement. Par ailleurs, l’IDEL experte a mentionné d’autres ressources plus personnelles comme la lecture, les films, la musique, l’activité physique, les réseaux sociaux, la relaxation, la rencontre. Autant de moyens pour l’entourage pour prendre soin de l’autre et pour le soignant pour prendre soin de soi.

Et Céline Rodrigo, au final, de rappeler que certes, toutes ces ressources n’enlèveront pas la lourdeur du moment, le chagrin que cela entraîne, la nécessité de faire le deuil du patient ou du proche. Pour autant, cela pourrait permettre de ne pas surcharger l’évènement dramatique et d’être aidant en cas de difficultés. L’accompagnement au deuil de l’entourage et notre travail personnel de deuil pourraient y trouver quelques piliers nécessaires.

Notes

  1. Selon Emmanuelle May, psychologue, pôle maladies neurodégénératives, Toulouse et intervenante lors de cette journée.
  2. Lacan J., Le désir et son interprétation, 1858-59
  3. Pendant le séjour du patient et à l’approche du décès, ainsi qu’au moment et après le décès.
  4. Formation, groupe de parole, réunion pluridisciplinaire, intervention réseau.
  5. Resomip, Maia, HAD, réseau Relience, pôle MND, EMDSP, USP, lits identifiés de soins palliatifs – LISP, dispositif d’aide au domicile spécifique et bénévoles (ASP, Petits frères des pauvres, adhésion à des regroupements de professionnels type Sideral, Domcica, Pomad)

Ressources utiles

Pour l'entourage/les aidants :

  • Plateforme nationale d'écoute "Accompagner la fin de vie : s'informer, en parler" : 0 811 020 300
  • Ligne des aidants "Allo, j'aide un proche" : 0806 806 830 (consultation psychologique gratuite 7j/7 de 18h à 22h)

Pour les soignants :

  • depuis avril 2018, dispositif national d'entraide pour tous les soignants en détresse : 0 800 800 854 (disponible 24/24 7j/7)
  • association SPS – soins aux professionnels de santé au 0 805 23 23 36 (disponible - 24/24 7j/7)

Valérie HEDEFJournalistevalerie.hedef@orange.fr


Source : infirmiers.com