Le nouveau modèle de financement du secteur de la psychiatrie, actuellement en crise , a été présenté lors d’un congrès le 20 septembre dernier. Deux articles spécifiques apparaitront dans le PLFSS 2020 et devraient préciser le contenu du budget consacré à l’investissement nécessaire en psychiatrie. Ce nouveau mode de financement devrait être mis en place, in fine, d’ici janvier 2021.
Elle était attendue, elle était espérée, mais la réforme sur le financement de la psychiatrie semble enfin se concrétiser ! En effet, des membres de la « Task force » du ministère de la Santé chargée de cette réforme ont évoqué comment ils comptaient révolutionner le modèle de financement du secteur lors des 8e journées de l’information médicale, du contrôle de gestion et des finances en psychiatrie. Apparemment, une partie des mesures passeront via le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) 2020. Quoi qu’il en soit, la mise en place de ce nouveau modèle est programmée pour janvier 2021 de façon progressive avec une période de transition durant l’année 2020, toujours d’après la Task Force.
Un objectif national de dépenses en psychiatrie et santé mentale
Les deux articles que contiendra le PLFSS devront définir « un objectif national de dépenses ». Celui-ci regroupera l’ensemble des dépenses des établissements psychiatriques. D’après nos confrères d’Hospimedia, ce budget dépendra de dotations fixés par arrêté ministériel
. Il comprendra, par exemple, une dotation populationnelle qui sera répartie par région afin de réduire les inégalités dans l’allocation interrégionale des ressources
. En parallèle, des dotations complémentaires prendront en compte l’activité des établissements ainsi que leurs missions spécifiques. En outre, une autre dotation aura pour but « l’incitation financière à la qualité » (Ifaq) en psychiatrie.
Aucune région « ne verra ses moyens octroyés diminuer
Les grandes lignes de la réforme
Didier Guidoni, un des membres de la Task Force énumère les grandes lignes de la refonte de ces financements. Parmi elles, figure la dotation populationnelle (citée plus haut), censée assurer l’équité entre les régions
, un budget dédié à de nouvelles activités pour donner les moyens aux régions de développer de nouveaux modes de prises en charge, de les diffuser et de les pérenniser
ainsi que des crédits associés à la recherche propre à la psychiatrie et pas seulement dans les CHU
. En outre, une part du financement sera également attribuée à l’activité pour intégrer la dynamique des établissements
et inciter à l’activité ambulatoire
ainsi qu’un financement à la qualité. Un module de financement pour soutenir les établissements dans le codage exhaustif et qualitatif de leur activité
est aussi envisagé. De plus, des moyens seront spécifiquement alloués pour les activités interrégionales, telles que les unités pour malades difficiles (UMD) ou encore les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA).
D’après Didier Guidoni, le principal vecteur de ce financement
sera la dotation populationnelle. Elle sera modulée en fonction de quatre ou cinq critères en cours de définition
qui devraient être arrêtés prochainement. Il a, pour l’instant, évoqué la survalorisation des mineurs, le taux de pauvreté, la densité de médecins généralistes et de psychiatres, le nombre de places disponibles en structures médico-sociales pour les patients psychiatriques et le taux d’isolement de la population comme critères potentiels.
La Task Force explique que le but est d’effectuer un rattrapage interrégional. Elle stipule néanmoins qu’aucune région ne verra ses moyens octroyés diminuer. Les régions bien dotées pourront bénéficier d’une augmentation de leurs moyens après le rattrapage des régions en retard
. Par ailleurs, l’allocation régionale et la dotation populationnelle seront encadrées par des principes nationaux et soumis à concertation
.
Un budget spécifique pour sortir de la crise ?
Enfin, présentée séparément des autres, une dernière enveloppe serait destinée à l’accompagnement à la transformation des établissements » dans les régions. « Nous la présentons à part car elle n’a pas vocation à être pérenne mais à être là pendant cinq ans
», souligne Didier Guidoni. Toutefois, elle devra être conséquente afin de donner aux régions les moyens d’amorcer une importante transformation
avec une survalorisation de certaines régions
. Une information confirmée par Franck Bellivier, le délégué ministériel à la santé mentale, lors de son audition au Sénat le 25 septembre où il a déclaré officiellement que ce budget s’élèvera à 30 millions d’euros et sera aussi notifié dans le PLFSS (voir encadré).
Cette transformation n’aura pas lieu sans que les établissements soient consultés
Des plans de transformation stratégiques à l’échelle des régions
Cette transformation n’aura pas lieu sans que les établissements soient consultés
, éclaircit la Task Force. Il y aura un plan de transformation stratégique spécifique dans chacune des régions qui s’appuiera sur les projets territoriaux en santé mentale (PTSM). Ces plans seront sujet à concertation avec les fédérations avant que le ministère ne valide et ne notifie les crédits.
Cette hausse de moyens au niveau régional va bien sûr entraîner une augmentation au niveau national l’enveloppe de la psychiatrie en France va globalement augmenter
. Lors de son audition au Sénat Franck Bellivier a d’ailleurs rappelé que les réformes coûtent : c’est cela qui est anticipé au travers de ces crédits exceptionnels
. Il avait déjà auparavant tenu ce discours devant l’Assemblée Nationale le 19 septembre la réforme en psychiatrie sera un investissement pour la nation
.
Cependant, on observe que si effectivement certains budgets stipulés dans la réforme sont garantis aux régions comme la dotation populationnelle ou l’enveloppe allouée pour développer les activités interrégionales, certains sont dépendants des résultats (activité, qualité, codage…). D’autre part, si apparemment aucune région ne verra ses moyens chuter, rien ne garantit qu’au sein de ces régions certains EPSM ne voient pas leurs budgets alloués baisser. Question à laquelle Didier Guidoni répond que pour la distribution de la dotation populationnelle entre les établissements dans la région, comme les nouvelles activités ou encore les plans stratégiques régionaux, il y a nécessairement la consultation des fédérations
. Un décret est prévu en milieu de l’année prochaine. Le membre de la Task Force conclut qu’il sera nécessaire de clarifier la manière dont cette concertation sera conduite
.
30 millions d’euros prévus pour moderniser les EPSM
De son côté, Franck Bellivier, délégué ministériel sur la santé mentale, a stipulé lors de son audition devant la commission des affaires sociales du Sénat le 25 septembre dernier que, dès 2020, une première enveloppe de 30 millions d’euros est prévue dans le cadre du PLFSS pour accompagner la transformation des EPSM. Il a précisé qu’elle sera distribuée aux ARS pour concevoir les plans régionaux stratégiques. Par ailleurs, il rappelle que la réforme vise à accompagner un certain nombre d’urgences
du secteur, a souligné le délégué ministériel.
De son côté, Thierry Kurth, chef du bureau prises en charge post-aiguës, pathologies chroniques et santé mentale, était également présent. Il a affirmé que les 80 millions d’euros de crédits « exceptionnels mais pérennes
alloués en première circulaire budgétaire 2019 ont permis d’engager un effort de réduction historique des écarts de financements constatés
au niveau régional. Dans la nouvelle circulaire budgétaire qui arrive dans les prochaines semaines, une deuxième tranche de financement à hauteur de 6M d’euros sera allouée aux ARS
afin d’accompagner le développement de l’offre de soins en réhabilitation psychosociale sur les territoires. Dans cette prochaine circulaire, nous renforçons également les prises en charge ambulatoire
avec des moyens à hauteur de 4 millions d’euros.
Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com @roxane0706
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