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AU COEUR DU METIER

La profession infirmière toujours vue comme un "travail de femmes"

Publié le 21/06/2019
La profession infirmière toujours vue comme un

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La profession infirmière toujours vue comme un

Les préjugés sur la profession infirmière ont la vie dure. Les femmes restent surreprésentées dans le métier et les stéréotypes de genre brident leur potentiel en matière de leadership. C’est ce que révèle un rapport de grande ampleur paru récemment. Si celui-ci pointe les problèmes de genres, il donne également des pistes pour ouvrir davantage de postes à responsabilités aux infirmiers et surtout aux infirmières !

"Investir dans le pouvoir du leadership infirmier : qu’est-ce que cela coûterait ?", la question à laquelle un important rapport tente de répondre.

Etablissez les mêmes règles pour tout le monde, brisez le plafond de de verre et abandonnez toute notion de "travail de femmes" et les infirmiers changeront le monde, scande Annette Kennedy, la Présidente du Conseil International des Infirmières suite à la publication du rapport sur le leadership des infirmiers (rédigé en anglais). Le texte montre une triste vérité sur les obstacles auxquels sont confrontés les soignants (et surtout les soignantes) pour pourvoir à des postes de décideurs. En effet, une problématique homme/femme demeure dans les métiers de la santé, le texte dénombre quantité d’exemples et constitue une liste de recommandations pour parer à cette situation.

Plus de 2600 infirmiers et maïeuticiens de 117 pays différents (plus d’un tiers venant d’Europe) ont été interrogés avant d’établir ces conclusions. Les auteures ont notamment constaté que, d’après les déclarations, plusieurs facteurs barrent l’accès à des postes plus élevés, notamment l’absence de ressources et d’équipements pour assurer le travail, le manque de formation au leadership et aussi un salaire pas toujours correct et juste. Il est indispensable que les infirmières puissent donner directement leurs points de vue sur les questions d’égalité des sexes et de leadership , pour éclairer le programme mondial sur les soins infirmiers et la couverture sanitaire universelle, affirme Constance Newman, la chef d’équipe sur les questions d’égalité des sexes et de santé chez IntraHealth (association International sur la santé publique) et auteure principale. C’est dans ce but que nous avons conduit cette étude : pour mieux comprendre et déterminer les facteurs, et leur ampleur, faisant que, parce qu’elles sont des femmes, les infirmières ne peuvent accéder à des fonctions de direction, afin que les décideurs mondiaux, nationaux et institutionnels s’y attaquent.

Les hommes sont appelés docteurs par les patients et les femmes infirmières même si elles s’avèrent être médecins

Une profession majoritairement féminine ne veut pas dire métier de femmes

Le rapport qui vient de paraître démontre un certain nombre de barrières pour parvenir à un leadership infirmier. Discrimination de genre, biais, stéréotype, plusieurs facteurs inhibent les soignants et plus particulièrement les femmes, pour développer des compétences et marginalisent leur accès à des rôles décisionnels. Il est facile de s’en rendre compte d’ailleurs : à l’heure actuelle, la gent féminine représente 70 % du total des effectifs de la santé et des services sociaux, mais seulement 25 % ont des fonctions de direction au sein du système de santé.

Malheureusement un des premiers constats des auteures est que des croyances sociaux-culturelles concernant des rôles spécifiques pour chaque genre perdurent et non seulement impactent l’émergence des infirmières comme décideurs mais aussi la profession tout entière. Le métier demeure encore perçu aujourd’hui partout dans le monde comme un travail de femmes et ce autant par les femmes que par les hommes. Même si certains participants à l’étude sont plus positifs que d’autres. Je pense que la société a jugé les soins infirmiers comme un métier genré durant des années, au point que si un homme était soignant, il y avait quelque chose qui n’allait pas chez lui. C’est ridicule ! Aujourd’hui les hommes ont "le droit" d’être dans le prendre soin. C’est aussi "plus accepté" dans la petite enfance. Le grand public doit comprendre qu’infirmier c’est une super carrière pour tous souligne une des répondantes. 

Fait étrange, si 75% des soignants interrogés déclarent qu’ils ne pensent pas que certains aspects du métier sont plus souhaitables pour tel ou tel sexe, lorsqu’on les questionne plus attentivement, la vérité est tout autre. Les hommes sont en santé mentale, et les femmes en maternité et pédiatrie, annonce un répondant. Un autre affirme que les choses changent dans le bon sens : En 1985, quand j’ai débuté dans la profession, la plupart du travail qui s’avérait "très manuel" était pour moi, juste parce que j’étais un homme. En psychiatrie, les hommes devaient se charger des pratiques restrictives. Même si je crois fermement que certaines de ces opinions existent encore et que les décisions basées sur le genre restent involontairement pratiquées, les barrières du genre sont en train de s’éroder.

Au Royaume-Uni les hommes représentent 11% de la profession mais ils sont 17% à être à des postes décisionnaires !

Le plafond de verre, toujours d’actualité

Les hommes, bien que plus rares dans la profession, arriveraient plus facilement à grimper les échelons que leurs collègues féminines. Plus de la moitié des répondants estiment qu’ils sont favorisés en cas de promotion. Pire encore, 35% prétendent que la croyance affirmant que les hommes doivent ou devraient dominer est encore bien présente. Cela demeure un frein pour les femmes désireuses d’évoluer à des postes clés. Je continue de penser que cette idée fausse comme quoi les hommes sont des leaders subsiste. C'est pourquoi dans les CV que nous devons examiner, nous constatons que tous les candidats sont des hommes. Les femmes ne postulent pas ces postes ou les femmes ne sont pas choisies ? Telle est la question qui doit nous interroger, souligne une infirmière décisionnaire en Afrique Subsaharienne.

Certaines autres femmes ayant obtenues des postes à responsabilités ont évoqué leur manque de temps pour tirer partie des différents réseaux et ainsi accélérer un potentiel avancement. J’avais pris l’habitude de voir que le travail était souvent fait de manière informelle, tard le soir, au pub. Les médecins et les membres de l’administration s’y rendaient (les hommes principalement) et les femmes, qu’elles aient des enfants ou non choisissaient de rentrer chez elles. Je me souviens d’une de mes collègues, directrice des soins infirmiers. Elle avait eu une réunion formelle où de nombreuses décisions avaient été prises. Plus tard les hommes sont allés au pub, elle est rentrée chez elle. Le lendemain, elle s’est retrouvée devant le fait accompli : la moitié des décisions prises la veille avaient été changées, raconte une infirmière décisionnaire européenne.

Mes collègues, les hommes comme les femmes, ont commencé à sous-estimer mes capacités professionnelles et réduire mes responsabilités dès que j’ai annoncé être enceinte - une infirmière.

Être au four et au moulin

Différentes raisons sont citées pour expliquer pourquoi les membres de la gent masculine progressent plus vite que les femmes. D’après une enquête, les femmes si elles sont mariées, doivent gérer leur travail mais aussi les responsabilités d’ordre domestiques et l’éducation des enfants. Leur temps est donc plus limité pour s’occuper de l’avancement de leur carrière.

On attend des femmes qu’elles jonglent avec leurs responsabilités familiales ce qui constitue un obstacle de taille. Si la plupart des personnes interrogées jugent que les hommes comme les femmes font tous deux face aux défis que représentent les engagements professionnels et personnels, 65% d’entre eux ont déclaré que les femmes sont plus impactées que les hommes. Les femmes ont au moins deux emplois à temps plein, à la maison et au travail, alors que les hommes ont des responsabilités limitées à la maison, argumente une répondante. J’avais l’habitude d’emmener mes enfants avec moi quand je partais en voyage d’affaire. Certaines personnes s’imaginaient que j’étais trop accaparée par ma famille. Mais à un moment donné, ma fille a eu des soucis de santé, j’ai donc dit que je ne pouvais pas partir. Mes collègues n’ont pas apprécié, c’était presque comme s’ils pensaient que je ne voulais y aller, raconte une infirmière dirigeante en Afrique Subsaharienne.

La société peut penser que les femmes sont plus à même de devenir infirmière car les infirmières sont comme des anges. Dans mon pays, les gens s’imaginent que les infirmières sont des anges - une infirmière décisionnaire en Asie de l’Est.

La profession entière souffre d’un manque de reconnaissance !

Autre préjugé et cliché démontré par l’étude, si la profession est toujours vue comme typiquement féminine par certains, elle est, de plus, perçue comme secondaire face à la médecine et leurs compétences sont cantonnées généralement au rôle de soutien des praticiens aux yeux du grand publicLes infirmiers dans mon pays sont vus comme les esclaves des médecins, la mentalité des praticiens devraient changer. Les infirmiers ont autant besoin de diriger que les médecins, s’énerve une répondante. Une infirmière ayant atteint un poste élevé en Afrique Subsaharienne souligne justement ceci quand une profession est majoritairement féminine, les gens ne la prennent pas aux sérieux.

L’étude a donc aussi exploré le degré de pouvoir décisionnel dont bénéficiait les infirmiers dirigeants. Au niveau des services cliniques, les hommes comme les femmes ont signalé des degrés similaires de responsabilités. Plus précisément, 50% d’entre eux affirment qu’ils ont un pouvoir de décision sur les soins à apporter au patient mais un peu plus de la moitié déclare aussi n’avoir aucune responsabilité en matière d’horaires de travail ou de politiques gouvernant les prises en soin. Pire, 80% n’ont aucun pouvoir décisionnel sur les allocations budgétaires et 50% aucune autorité en matière de développement professionnel, pour eux comme pour les autres. Que l’on soit homme ou femme donc, le degré d’autorité semble limité lorsque l’on est issu de la profession.

Certaines dirigeantes de formation infirmière vont jusqu’à décrire des expériences où les médecins ne partagent pas les décisions. Ils pensent que le métier c’est juste les assister. J’ai parlé à un des membres de la direction sur comment optimiser l’organisation du personnel infirmier et alors, il est allé demander aux médecins d’évaluer la situation. Comment des praticiens peuvent le faire si tout se passe bien au centre de santé ? Ils ne comprennent pas le concept de la profession. Ils ne connaissent pas les standards de bonnes pratiques en soins infirmiers alors comment pourraient-ils les évaluer efficacement ?, s’agace une infirmière à un poste à responsabilité en Asie de l’Est.

Malgré l’influence formidable des infirmières au quotidien, la société leur refuse la reconnaissance qu’elles méritent et les moyens d’exercer des responsabilités. Il est temps que l’on élabore des systèmes favorables et solidaires, permettant aux infirmières d’exprimer leur potentiel.

Il existe aussi des leviers facilitateurs 

Point positif, l’enquête révèle aussi qu’il existe quelques facilitateurs pour permettre aux infirmiers et surtout infirmières de parvenir à des postes à hautes responsabilités. Plus de 90% des répondants ont notamment cité le soutien familial, la formation au management et enfin recevoir des attributions ou des missions qui les préparent à cela. La présence d’un coach ou d’un mentor est également importante pour 86% des soignants interrogés. La première femme que j’ai rencontrée quand j’ai débuté mon doctorat infirmier, je l’admirais et je voulais juste être comme elle. C’est une gynécologue en Norvège qui m’a aidé. Elle m’a dit : "Je veux que tu deviennes un professeur en sciences infirmières un jour, et je veux travailler là-dessus avec toi. On a qu’à faire les recherches ensemble, je vais te tenir par la main". Elle l’a fait. J’ai pu écrire, être promus et construire ma réputation, raconte une infirmière dirigeante en Afrique Subsaharienne.

Les auteures concluent qu’il est nécessaire de modifier la vision de la profession et d’améliorer son statut. Des organisations comme l’OMS devrait promouvoir des campagnes pour mettre en lumière les connaissances significatives et la rigueur nécessaire pour effectuer ce métier. Il est également préconisé de s’attaquer aux facteurs alimentant la discrimination professionnelle, et éliminer les stéréotypes des employeurs fondés sur le genre, notamment le rôle dévolu aux femmes les cantonnant au rôle de mère de famille. Les gouvernements devraient instituer des congés payés nationaux permettant à ceux ayant des obligations familiales de mieux les gérer, cela peut être prendre soin d’enfants comme de personnes âgées.

Renforcer la confiance des infirmiers en eux-mêmes pour qu’ils se sentent aptes à s’engager dans les hautes fonctions est recommandé et ce dès les études en soins infirmiers. Les étudiants devraient être connectés à des programmes de développement de management ainsi qu’à des réseaux d’employeurs. Il faut que les professionnels désireux d’évoluer aient l’opportunité de se former pour ensuite parvenir à des postes à responsabilités.

Pour Annette Kennedy, la conclusion est simple : Les voix des nombreuses infirmières qui ont contribué à ce rapport doivent être entendues par les gouvernements et les dirigeants du secteur de la santé, partout dans le monde. Les infirmières peuvent être la réponse à tant de problèmes de santé, mais uniquement si des mesures sérieuses et durables sont déployées pour éliminer les obstacles qui se dressent régulièrement sur leur chemin.

Notes

Retrouvez l’intégralité du rapport Investir dans le pouvoir du leadership infirmier : qu’est-ce que cela coûterait ? écrit en anglais.

Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com  @roxane0706


Source : infirmiers.com