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AU COEUR DU METIER

La pratique avancée infirmière en ordre de marche...

Publié le 03/07/2015
infirmière consultation patient

infirmière consultation patient

Le 24 juin dernier, au Palais du Luxembourg à Paris, un colloque à l'initiative de l'Ordre national des infirmiers réunissait quelques 120 participants autour d'un sujet d'actualité et porteur de belles perspectives : la pratique avancée infirmière. L'idée était de proposer, au regard des expériences en la matière déjà développées dans de nombreux pays, un état des lieux mais aussi de mieux en comprendre les enjeux. Rappelons en effet que l'article 30 du projet de loi de modernisation du système de santé, projet en cours d’examen par la Commission des affaires sociales du Sénat, devrait prochainement en fixer les conditions et règles d'exercice...

L'expertise clinique, une des qualités requises pour l'infirmière de pratique avancée (IPA)

Ce colloque se voulait pluriel, choral, réunissant chercheurs, experts, parlementaires, représentants institutionnels, économistes de la santé, universitaires, représentant des usagers et infirmières « expertes ». Pour Didier Borniche, président de l'Ordre national des infirmiers, ce fut surtout l'occasion de démontrer, au travers d'un colloque ouvert, vivant et interdisciplinaire, la vitalité de la réflexion en faveur d’une évolution des modèles professionnels pour mieux répondre aux besoins croissants dus aux pathologies chroniques. Il s'agissait également d'éclairer les parlementaires, et notamment les sénateurs, en plein examen du projet de loi de modernisation du système de santé et de son article 3.

Infirmiers de pratique avancée : un tournant professionnel, une révolution sanitaire ? 

Il faut en effet faire encore preuve de pédagogie mais aussi démystifier un futur exercice en « pratique avancée » auprès des Pouvoirs publics et des tutelles, et plus encore au sein même de la profession. Reconnaissons-le, bien souvent, face à ce dossier en pleine évolution, seuls les initiés ou les infirmières de pratique avancée (IPA) elles-mêmes, constituées en association depuis peu savent exactement de quoi il en retourne, parlant le même langage et d'une même voix pour expliciter et défendre - à l'oral, comme à l'écrit - les contours d'un exercice « expert » pour lequel elles ont été formées . Les formulations mêmes n'aident pas la profession infirmière à s'y retrouver : infirmière clinicienne, infirmière praticienne, infirmière experte, infirmière spécialiste clinique, infirmière de pratiques avancées d'abord au pluriel puis vocable adopté au singulier, infirmières de pratiques élargies… quand il n'y a pas confusion avec les expérimentations de protocoles de coopération qui ne relèvent en rien de la pratique avancée…

Une infirmière qui exerce en pratique avancée est une infirmière diplômée qui a acquis des connaissances théoriques, le savoir faire nécessaire aux prises de décisions complexes, de même que les compétences cliniques indispensables à la pratique avancée de sa profession. Les caractéristiques de cette pratique avancée sont déterminées par le contexte dans lequel l'infirmière sera autorisée à exercer.

Conseil international des infirmières. Réseau de pratiques avancées en soins infirmiers (2002).

Rappelons en effet, qu'un exercice infirmier en « pratique avancée » inscrirait au sein du code de la santé publique des missions ou compétences aux IPA avec un élargissement du champ de pratique portant par exemple vers la formulation d’un diagnostic, la réalisation d’une analyse clinique, le renouvellement ou l'adaptation de prescription médicamenteuse et d’examens complémentaires, ou l’accomplissement d’activités d’orientation, d'éducation, de prévention ou de dépistage. Tout ceci bien entendu en collaboration avec le médecin (et non sur sa délégation) et au sein d’une équipe de soin. À la différence du protocole de coopération, l’IPA pourrait exercer de façon autonome sur certains champs définis dans un modèle de complémentarité et non de substitution . Le député du Rhône et rapporteur du projet de loi de modernisation du système de santé, Jean-Louis Touraine a d'ailleurs appelé à l’introduction de la pratique avancée en France dans une logique de « complémentarité ». Si chacun connaît sa responsabilité, il n’y aura pas de conflit mais une saine complémentarité au bénéfice du patient chronique. Patrick Bouet, président du Conseil de l'Ordre des médecins, s'est clairement positionné sur ce point : Il faut valoriser nos métiers et leurs contenus spécifiques et ce, au service des patients. Travailler ensemble dans cet esprit est indispensable. L'Ordre des médecins ne fait d'ailleurs pas frein pour la mise en œuvre de la pratique avancée infirmière. Un point de vue qui fait du bien en entendre ! Quant à la voix des patients, elle n'a pas été oubliée. Le président de l’Association Française des Hémophiles et représentant le CISS, Thomas Sannié, a souligné ardemment que la prise en charge des patients est un tout qui nécessite l’engagement des professionnels de santé et des patients eux-mêmes, experts de leur maladie. Et de poursuivre sa mise en garde, la pratique avancée infirmière ne doit pas réserver la haute technicité aux médecins et les tâches mineures du soin aux infirmiers… Les patients ne sauraient l’accepter.

Les cinq piliers de la pratique avancée en soins infirmiers : pratique clinique consultation,  formation, leadership, recherche

Bien que l'article 30 du projet de loi de modernisation du système de santé  précise assez clairement les contours réglementaires de l'IPA, ce cadre, le plus précis soit-il, est indispensable, souligné par l'ensemble des participants à ce colloque : quel encadrement de la pratique, quelles compétences (formation) requises et exercées, dans quelles circonstances, sous la responsabilité de qui ? Christophe Debout, infirmier, Phd, l'a rappelé, la question de la formation est un pré-requis de première importance. Les formations de pratique avancée infirmière doivent se réaliser dans les universités en mode LMD. Le niveau doit être celui d'un master, les programmes doivent être accrédités, incluant formation théorique et clinique et enseignés majoritairement par des infirmiers qualifiés... Des propos repris et soutenus par Ljiljana Jovic, infirmière PhD, directeur des soins et conseillère technique à l'ARS Ile-de-France. Frédérique Decavel, directeur des soins au CHU d'Angers, a souligné de son côté, que ce nouveau métier d'IPA met en exergue une expertise rare et très pertinente face aux besoins de santé actuels. Les tutelles doivent y être très attentives et surtout en mesurer l'impact.

Quant à Lucie Tremblay, présidente de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), invitée de ce colloque en qualité de « grand témoin », elle a argumenté sur l'idée qu'une telle réforme ne pouvait aboutir que si elle était accompagnée et valorisée par l'institution ordinale. Les ordres, au service de la population, s'allient au service des patients pour offrir de nouveaux services. L'ordre protège le public par et avec les infirmières. Les infirmières de pratique avancée sont des vigies de la profession, riches d'une qualité : l'anticipation.

Pour conclure, Didier Borniche a appelé de ses vœux la profession infirmière dans son entier - même si la pratique avancée ne va concerner qu'un pourcentage infime d'infirmières dans un premier temps - à prendre en main cette réforme. La pratique avancée infirmière constitue une évolution importante dans laquelle nous mettons un grand espoir et son introduction sera une réussite si nous parvenons à le faire dans un esprit de consensus, de coordination et dans une logique pluriprofessionnelle.

Les infirmières de pratique avancée sont des vigies de la profession, riches d'une qualité : l'anticipation.

De source sénatoriale, le rapport de la commission sénatoriale sur le projet de loi de modernisation du système de santé sera rendu le 22 juillet prochain et sa discussion (une seule lecture) à l'Assemblée nationale ne devrait avoir lieu qu'à la mi-octobre. Enfin, à l'occasion de ce colloque au Sénat (une démarche lobbyiste de l'ONI après sa suppression dans la nuit du 10 avril dernier à l'Assemblée nationale ?) Alain Milon, sénateur du Vaucluse et président de la Commission des affaires sociales du Sénat, a exprimé son soutien à la mise en œuvre du LMD pour la profession infirmière, rappelant également qu’en tant que médecin il était profondément attaché au rôle infirmier, à sa reconnaissance et au cadre institutionnel de la profession incarné par son ordre national. Si on supprime un ordre, on les supprime tous . Donc, on maintient l'Ordre infirmier, a-t-il affirmé. Le vote de la loi de modernisation du système de santé, à l'automne, nous en dira plus… 

13e congrès européen francophone des infirmiers cliniciens(nes), consultants(es) et de pratique avancée, les 1er et 2 octobre 2015, en Avignon

Sous l'égide de l'Anfiide, ce congrès a choisi comme thématique phare « Qualité des soins, qualité de vie : quelle place pour l’expertise dans la pratique infirmière ? De novice à expert, osons maintenant. Deux jours durant, des intervenants de haute volée débattront de l'impact positif pour les personnes soignées, les établissements de soins et les équipes soignantes des interventions des infirmières cliniciennes et de pratique avancée. Le développement de l’expertise infirmière est en effet l’une des réponses aux enjeux majeurs en matière de santé, en France comme en Europe. L’amélioration de l’accès aux soins, de la santé et de la qualité de vie des usagers comme de la santé au travail des infirmier(e)s donne toute son ampleur à cette expertise. Rassembler la profession autour de ces pratiques soignantes, mettre en valeur la plus-value apportée par leur contribution au service des concitoyens, du système de santé et de la profession sont les ambitions de ce congrès.

Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern


Source : infirmiers.com