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AU COEUR DU METIER

La gestion du risque chez les soignants : prise de décision, prise de risque !

Publié le 18/06/2019
La gestion du risque chez les soignants : prise de décision, prise de risque !

La gestion du risque chez les soignants : prise de décision, prise de risque !

La gestion du risque chez les soignants : prise de décision, prise de risque !

La gestion du risque chez les soignants : prise de décision, prise de risque !

Quotidiennement ou occasionnellement, tous les soignants sont confrontés au risque dans l’exercice de leurs métiers. Ancien médecin de marine, Bruno Sicard a dépeint la notion de risque au cours d’une table ronde médico-soignante à l’occasion du Congrès Urgences 2019 .

"En soins, le propension au risque n’est pas propre aux soignants. Elle concerne aussi les patients et les accompagnants."

Certains passagers disaient qu’ils voulaient voir l’Antarctique et mourir ! Mais notre mission en tant que soignants, était de les garder en vie, ironise Bruno Sicard en racontant son passé de directeur médical au sein d’une compagnie de croisière. Ayant toujours baigné dans un environnement à risques, à la recherche constante du challenge médical, il s’est très tôt intéressé à la notion de risque et en a fait le thème de sa thèse en sciences : Développer un modèle biologique du risque et un outil pour évaluer la propension à prendre des risques.

Le risque, c’est la probabilité qu’un évènement arrive ou n’arrive pas, rappelle le médecin. Ce n’est pas le risque mais la prise de risque qui nous intéresse, le fait de se poser la question : ‘ je joue ou je ne joue pas, je fais ou je ne fais pas’. Dans notre milieu, c’est une prise de décision que l’on fait tous et tout le temps. En pratique, ce qui compte, c’est de savoir régler le curseur. Dès qu’une action se produit, il peut y avoir une incertitude sur le résultat de cette action et donc une prise de risque qui touche le mécanisme de prise de décision. Lorsque nous prenons une décision, nous le faisons en nous basant sur notre connaissance du patient, sur notre formation, sur la compréhension de la situation et sur notre expérience. La prise de risque est aussi liée à un modèle biologique. Elle est déterminée génétiquement, poursuit Bruno Sicard.

Prise de décision, prise de risque !

Lorsqu’un soignant gère plusieurs patients et que plusieurs décisions à caractère urgent lui sont demandées en même temps, le processus de décision peut être altéré. Nous allons analyser le risque et in fine, prendre une décision normale ou pathologique. En pratique, la décision est adaptée ou inadaptée au contexte mais dans certaines situations comme le triage des malades en situation de catastrophe, la décision n’est pas forcément adaptée ou inadaptée. La décision doit être prise pour aller de l’avant. Aussi, suivant le contexte légal du pays, il y a des personnes qui vont hésiter à porter secours à quelqu’un, même si ils sont médecins alors que dans d’autres pays, il ne faut pas hésiter à le faire, au risque d’être pénalement responsable. Suivant le contexte social et l’organisation, la prise de décision sera donc considéré comme adaptée ou inadaptée, décrypte Bruno Sicard.

Risque réel versus risque perçu

Dans l’univers médical, il est nécessaire que les bénéfices soient supérieurs aux risques. Le principe est simple, l’application l’est un peu moins. Si quelqu’un joue à la roulette russe avec un revolver vide et qu’il ne le sait pas, le risque perçu est maximal alors que le risque réel est nul, résume le médecin en témoignant de son expérience personnel : Le nombre de fois où j’ai vécu un conflit avec le patient et la famille est incalculable. Pour moi, il n’y avait pas de risque. Pour eux, le risque était énorme. Cette différence entre le risque perçu et réel est importante dans notre pratique.

La pression temporelle affecte la prise de décision

Les facteurs de la prise de risque

L’invincibilité, le goût du danger, l’énergie, la maîtrise de soi et l’impulsivité sont les cinq dimensions qui sous-tendent la notion de risque. Pour Bruno Sicard, l’impulsivité est un facteur à surveiller de près : Il existe des études qui montrent que l’impulsivité n’est pas significativement supérieure chez des pilotes de ligne ou de chasse, plus jeunes. Être ou ne pas être impulsif, c’est ce qui fait la différence entre un pilote d’un jour et un pilote qui parvient à le rester. Pour assurer la sécurité, l’impulsivité est une dimension fondamentale. Sur une mission de lutte contre le terrorisme par exemple, les pilotes sont souvent en très haute intensité durant 24h, avec des vols de jour puis de nuit et quand on regarde les scores des pilotes après une nuit normale de référence par rapport à une matinée après avoir volé toute la nuit, il y a une dimension qui est statistiquement altérée, c’est l’impulsivité qui augmente. Ça vous rappelle quelque chose ça, après une nuit de garde ? On ne se sent pas toujours très bien ! En soins, le propension au risque n’est pas propre aux soignants. Elle concerne aussi les patients et les accompagnants.

Bruno Sicard énumère les autres facteurs qui agissent sur le risque : Le curseur de prise de risque peut varier ponctuellement en fonction de la privation de sommeil, de la fatigue, de la division de l’attention et de la prise de psychotropes. Ce sont des éléments qui vont modifier la qualité de la prise de décision et la rendre dangereuse. Dans les opérations de porte-avions à très haute intensité nuit et jour, au bout du cinquième jour, il est nécessaire de faire une pause. Après une analyse, il a été constaté que les pilotes arrivaient à maintenir un niveau de risque standard jusqu’au cinquième jour car après, ils étaient épuisés. Enfin, la pression temporelle peut affecter la prise de décision et faire évoluer l’état du risque. Par exemple, après une série de sauts, le niveau de risque des ‘best jumpers’ (meilleurs sauteurs) se normalise car chez les assoiffés du risque, la soif est satisfaite après une prise de risque. D’autres variations sont beaucoup plus faibles comme celles du rythme biologique. La prescription serait mieux faite le matin que le soir selon une étude récente.

En étudiant la propension au risque en milieu aéronautique, Bruno Sicard a constaté que celle-ci était très proche du milieu médical, au niveau des facteurs humains et de la complexité de la prise de décision. Des métiers à risque de haut vol, en quelque sorte !

Lorsque nous prenons une décision, nous le faisons en nous basant sur notre connaissance du patient, sur notre formation, sur la compréhension de la situation et sur notre expérience.

Inès KheireddineJournaliste infirmiers.com ines.kheireddine@infirmiers.com  @Ineskheireddine


Source : infirmiers.com