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IDEL

La coordination échappe-t-elle aux infirmières libérales ?

Publié le 19/01/2016

En dehors des expérimentations Paerpa, la coordination du parcours de soins des personnes âgées fragiles ne fait l’objet d’aucune rémunération pour les IDEL, sauf à faire partie d’une maison de santé à statut de SISA (société interprofessionnelle de soins ambulatoires). Rien donc pour la coordination libérale avec des négociations interprofessionnelles au point mort. Merci à la revue de la FNI « Avenir et santé » de partager avec la communauté d'infirmiers.com cet article.

Sur la base du constat d’une amélioration nécessaire de la prise en charge des personnes âgées à risque de perte d’autonomie, les projets pilotes Paerpa ont été lancés en septembre 2013 en vue d’expérimenter une coordination à deux niveaux : d’une part une coordination clinique de proximité autour du médecin traitant et de l’infirmier, d’autre part une coordination territoriale d’appui qui vient en support des professionnels de santé de ville dans les cas complexes. Cela permettait de suivre les recommandations du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie en faveur d’une meilleure coordination et fluidification des parcours des personnes âgées. Cette répartition a du sens pour les infirmiers libéraux qui trouvent toute légitimité à investir la coordination clinique de proximité, sauf qu’en dehors des expérimentations Paerpa dont la généralisation est plus que jamais incertaine, aucune rémunération n’est prévue pour les équipes libérales. Un rappel, tout d’abord, coordination clinique de proximité (CCP) et coordination territoriale d’appui (CTA) doivent être bien différenciées et le rôle des idels en leur sein clarifiés.

La coordination clinique de proximité : un espace à investir

La CCP est au cœur du dispositif Paerpa. Son cahier des charges stipule qu’elle formalise la mobilisation des professionnels de proximité au plus près des personnes âgées et au plus tôt dans le parcours. Cette CCP est constituée d’une équipe pluriprofessionnelle de proximité qui s’articule autour du médecin traitant, de l’infirmier libéral le plus souvent ou du coordonnateur de SSIAD, auquel peuvent se rajouter le pharmacien ou un masseur-kinésithérapeute, tout autre professionnel en lien de proximité avec la personne âgée. Elle se réunit, évalue la situation du patient avec le plus souvent, une visite à domicile, et élabore si nécessaire un Plan Personnalisé de Santé (PPS) dont elle sera alors chargée de la mise à jour. Pour la rémunérer, un forfait annuel de 100€ financé par l’assurance maladie est réparti entre les membres de l’équipe (60€ pour le médecin traitant, 40€ pour l’IDEL)1. Si la CCP exerce au sein d’une structure, ce forfait est versé à la structure (maisons, pôles ou centres de santé). Les professionnels de santé regroupés dans la coordination clinique de proximité sont ceux qui sont en charge de la personne, dans le respect du libre choix de son praticien par le patient. L’objectif de cette CCP est double : soutenir autant que possible la personne âgée à domicile, limiter son recours inapproprié à l’hôpital en urgence en améliorant les pratiques autour de quatre facteurs de risque d’hospitalisation des personnes âgées : les problèmes liés aux médicaments, la dénutrition, la dépression, et les chutes.

La coordination territoriale d’appui : le niveau de la complexité

La coordination territoriale d’appui (CTA) a pour vocation de permettre le rapprochement des différents dispositifs de coordination. Elle repose sur les structures de coordination du territoire existantes type CLIC, MAIA, réseaux, HAD... Selon le cahier des charges Paerpa elle agit selon un principe de subsidiarité, c’est-à-dire qu’elle n’intervient que sur sollicitation des professionnels, des personnes ou de leurs aidants. Elle couvre bien sûr un territoire plus vaste que celui de la CCP. Ses missions principales sont d’informer et d’orienter des malades, aidants et professionnels, d’activer les aides sociales et médico-sociales, de garantir une expertise gériatrique, d’optimiser les transitions ville-hôpital et d’élaborer le volet soins du PPS des malades complexes ou en cas d’indisponibilité (cf. encadré ci-dessous). Cette CTA est une plateforme dans laquelle les libéraux n’ont pas à intervenir. Ils peuvent la solliciter pour demander une expertise gériatrique ou pour des demandes d’aide sociale.

Les professionnels de santé regroupés dans la coordination clinique de proximité sont ceux qui sont en charge de la personne, dans le respect du libre choix de son praticien par le patient.

7 missions de la CTA

  1. Accueil, information et orientation vers les ressources sanitaires, médico-sociales et sociales du territoire grâce :
    • à un annuaire ou un répertoire des ressources sanitaires, sociales et médico-sociales
    • à un numéro unique ouvert sur des plages horaires étendues y compris le week-end
    • à un guichet intégré réservé aux personnes âgées
  2. Information sur les personnes âgées en risque de perte d’autonomie
  3. Activation des aides sociales en s’appuyant sur des coordinateurs d’appui sociaux
  4. Aiguillage, à la demande des acteurs de la CCP vers l’offre d’éducation thérapeutique, des prestations médicales et paramédicales complémentaires
  5. Activation de l’expertise gériatrique pour élaborer lors d‘une visite à domicile le projet personnalisé de santé sur saisine ou en absence de la CCP
  6. Activation de l’expertise psychiatrique et en soins palliatifs
  7. Appui à l’établissement de santé pour la mise en contact avec les professionnels de santé en charge de la personne (en particulier lors de l’accueil aux urgences) et avec les coordinateurs sociaux, notamment pour  préparer la sortie d’hôpital.

Force est de constater que nous assistons aujourd’hui à leur multiplication. Dans toutes les régions, des cellules territoriales se constituent, « plateforme autonomie seniors » à Bordeaux, Symbiose dans les Hautes Alpes, Pascaline en Rhônes-Alpes, Cap Santé Trégor en Bretagne avec un financement de 425 000 € de l’ARS… Mais on voit déjà que cette notion de CTA s’étend bien au delà du Paerpa et il est évident que ces cellules d’appui vont se généraliser à l’ensemble du territoire. Dans le même temps en octobre a été lancé « Santé landes » pilotée par l’ARS Aquitaine, une cellule d’appui aux personnes atteintes de maladies chroniques pour aider le médecin généraliste dans la prise en charge des ses patients. On voit là une extension du principe de plate forme et l’émergence d’un risque majeur de voir s’étendre leurs prérogatives sur la coordination bien au-delà de la perte d’autonomie.

Les dispositifs parcours des PAERPA

  • MC Médecine chirurgie
  • SSR Service de suite et de réadaptation
  • DLU Dossier de liaison d’urgence
  • VMS Volet médical de synthèse
  • CRH Compte rendu d’hospitalisation

Si l’expérimentation Paerpa est généralisée à tous les territoires, on se demande comment l’Etat pourrait leur réserver un avenir durable quand il ne finance pas leur évaluation. Ainsi, il était prévu qu’une évaluation d’impact permette d’identifier les interventions susceptibles d'être efficaces et reproductibles pour en améliorer la qualité et l’efficience. Or, au moment où est censée démarrer l’évaluation qualitative, nous apprenons qu’il n’y a plus de fléchage budgétaire pour le faire. Dès lors, tous les doutes sont permis quant à leur hypothétique implémentation après la phase expérimentation. Il est plus raisonnable de penser que le gouvernement va capitaliser sur les expériences Paerpa pour diffuser les outils (PPS, évaluation) et en garder les plate-forme d’appui. En revanche, pour ce qui est la coordination de proximité, hors Paerpa, toute rémunération se limite au cadre strict des maisons de santé par la voie des Nouveaux Modes de Rémunération. « Nous n’avons clairement ni les outils en terme de partage d’informations ni les moyens financiers d’une coordination libérale », résume Daniel Guillerm, vice président FNI. Si les négociations sur l’ACIP ne réouvrent pas rapidement pour aboutir sur un accord, la coordination de proximité dans son ensemble passera dans le giron soit des équipes MSP de premier recours (excluant libéraux qui n’adhèrent pas au projet professionnel d’une SISA), soit dans celui de l’HAD ou des plateforme et autres structures d’appui qui ne connaissent pas les problématiques individuelles du patient à son domicile. Qu’on ne s’étonne pas ensuite d’une déshumanisation des soins et de retours fréquents aux urgences parce qu’on ne parvient à joindre la cellule le week-end… le trou de la sécu, comme les files actives des urgences, ont encore de beaux jours devant eux.

Note

  1. Si la CCP est un trio, les 100€ se répartissent comme suit 40 pour le médecin, 30 pour l’IDEL et 30 pour le pharmacien.

Nathalie PETIT  Rédactrice en chef adjointe de la revue Avenir et Santé

Cet article est paru dans la revue Avenir et Santé de janvier 2016 (n° 440) de la Fédération nationale des Infirmiers (FNI) p. 22-23.


Source : infirmiers.com