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"La beauté n'est pas futile mais vitale pour les patients"

Publié le 20/06/2018
femme, miroir, cancer

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Une étude inédite réalisée par la Fondation L’Oréal en 2017 auprès de 1 166 patients atteints de cancer a permis d’analyser l’impact des soins de beauté et de bien-être sur la qualité de vie des malades. Il en ressort que ces soins proposés par des socio-esthéticiennes sont jugés très bénéfiques par les patients, mais qu'ils restent insuffisamment accessibles. 

Le moment des soins onco-esthétiques, c'est le moment de bonheur. Le moment où on se réapproprie un peu son corps... Crédit photo : Fondation L'oréal. 

On appelle soins oncologiques de support ou soins onco-esthétiques des soins prodigués gratuitement à l’hôpital ou dans des structures dédiées en ville, par des socio-esthéticiennes spécialement formées. Organisés individuellement ou sous forme d’ateliers collectifs, ces moments privilégiés associent aux soins de beauté (soin du visage, soin des mains et des pieds, modelage, maquillage) des conseils techniques, une écoute et un moment de détente.

Lorsqu'on pense soins de beauté et bien-être, on pense souvent qu'il s'agit de soins futiles, secondaires, ou peu essentiels. Mais pour les patients atteints de cancers ou de maladies graves, il n'en est rien. Ces soins sont au contraire perçus comme une bulle d'oxygène qui vient non seulement aider à aborder les effets indésirables de la maladie, mais aussi aider à renouer avec l'image de soi, parfois particulièrement dégradée dans ces moments pénibles. Le 12 juin dernier étaient justement réunis dans le 19e arrondissement de Paris, oncologues, anciennes patientes et acteurs du monde médical pour témoigner de l'importance de ces soins oncologiques de support à l'occasion de la présentation de la dernière étude dans ce domaine réalisée par la Fondation L'Oréal.

Cette enquête, effectuée auprès de 1166 patients atteints de cancer a permis d’analyser l’impact des soins de beauté et de bien-être sur la qualité de vie des personnes malades. Il apparaît que le premier bienfait mentionné par les patients interrogés consiste à recevoir des conseils utiles de mise en beauté et de gestion des effets indésirables des traitements (pour 86 % des répondants). Passer un moment de détente et de bien-être physique et psychologique apparait comme le deuxième bienfait le plus important (selon cette fois 84 % des bénéficiaires).

Perçus comme de véritables bulles d’oxygène par les patients dont le corps est agressé par la maladie, les traitements ou la chirurgie, les soins de beauté et de bien-être permettent d’aider les malades à aborder les effets indésirables des traitements et les perturbations de l’image de soi.

Des soins qui améliorent aussi la durée de vie des malades

Julie Meunier, ancienne patiente et créatrice de la marque Les Franjynes - pour laquelle elle a conçu des franges entièrement adaptées à l'alopécie, associées à des turbans qui enveloppent le crâne avec douceur - l'a éprouvé : le moment des soins onco-esthétiques, c'est le moment de bonheur. Le moment où on se réapproprie un peu son corps. Cette jeune femme sait de quoi elle parle, elle qui raconte avoir été chauve pendant un an. Lorsque j'étais malade, je n'avais plus du tout de défense immunitaire, et des microbes me mangeaient le coin de la bouche. J'avais la peau extrêmement sèche... Grâce aux conseils de Cécile Grosjean, socio-esthéticienne, je me sentais de retour, explique-t-elle avant de résumer : la beauté n'est pas futile dans ces moments-là. Elle est vitale

On sous-estime encore l'impact de ces soins dans l'épreuve de la maladie. Comme le rappelle le Pr Ivan Krakowski, oncologue médical à l'Institut Gustave Bergonié et Président de l'association francophone des soins oncologiques de support (AFSOS), ces soins améliorent indéniablement la qualité de vie des patients mais aussi, et c'est moins connu, leur durée de vie. Chaque fois que quelqu'un entre dans la chambre, c'est pour vous piquer, chaque geste est un geste qui fait mal, se souvient Céline Lis-Raoux, cofondatrice de l'association Rose et atteinte d'un cancer il y a 10 ans. Alors quand quelqu'un entre enfin dans votre chambre pour un moment agréable, vous soufflez. Le moral remonte, c'est le cercle vertueux. Les soins onco-esthétiques jouent un rôle fondamental dans le parcours thérapeutique car ils contribuent à restaurer l’intégrité physique et psychologique des patients, à humaniser la prise en charge médicale et à la réappropriation de soi, affirme pour sa part le Dr Mahasti Saghatchian, oncologue médicale à l’Institut Gustave Roussy et à l’Hôpital Américain de Paris. Certains traitements médicamenteux peuvent avoir des conséquences dermato-cosmétologiques source d’une dégradation de l’image corporelle des patients et par conséquence souvent de leur moral. Intégrés au parcours de soins et à l’équipe pluridisciplinaire, les soins de beauté et de bien-être apportent un soutien précieux, assure le Professeur Ivan Krakowski.

Lorsque j'étais malade, je n'avais plus du tout de défense immunitaire, et des microbes me mangeaient le coin de la bouche. J'avais la peau extrêmement sèche... Grâce aux conseils d'une socio-esthéticienne, je me sentais de retour.

Renforcer l’accès à ces soins 

Alors que les soins de beauté et de bien-être permettent d’améliorer significativement la qualité de vie des patients atteints de cancer, l’étude révèle que seulement 4 patients sur 10 déclarent y avoir eu accès et plus d’1 sur 4 ne même pas en connaître l’existence. Comment, dès lors, faire en sorte de les favoriser ? Nous aimerions les intégrer dans le panier de soins remboursables, souligne Alexandra Palt, directrice générale de la Fondation L’Oréal, qui agit pour déployer les soins de beauté et de bien-être à l’hôpital et en ville, notamment via des partenariats bâtis avec des structures hospitalières, telles que Unicancer, et associatives, comme l’association Rose. Pour Pascale Flamant, Déléguée générale d’Unicancer, l'ambition est ainsi de développer l’accès aux soins de beauté et de bien-être au sein de ses Centres de lutte contre le cancer. Aujourd’hui, seuls 8 à 10 % de patients ont pu y avoir accès, nous aimerions que, demain, 30 % puissent en bénéficier, soit 3 fois plus qu’aujourd’hui. Nous souhaitons bien sûr à terme que tous nos patients puissent bénéficier de soins de socio-esthétique

L'accès à ces soins passera aussi certainement par un vrai travail sur la reconnaissance du métier de socio-esthéticienne. Elles sont aujourd'hui 1 200 à s'être formées, mais exercer cette profession présente encore des difficultés, confie Cécile Grosjean, elle-même socio-esthéticienne au Centre Antoine Lacassagne, à Nice.  En 40 ans que ce métier existe, il n'existe pas de fiche de poste. C'est donc comme si l'on n'existait pas. Il n'y a pas de reconnaissance. Sans parler de la précarité. Les socio-esthéticiennes travaillent souvent en auto-entreprenariat ou bien sont payées par des associations. 

Le patient redevient un être humain dans la Maison Rose

Dans la Maison Rose, il n'y a pas de jugement, assure Céline Lis-Raoux, cofondatrice de l'association Rose, les femmes arrivent et posent leurs perruques parce qu'elles se sentent chez elles. Créée en 2016, cette résidence dédiée aux femmes atteintes de cancer se situe dans l'hyper-centre de Bordeaux. Nous avons voulu ce lieu en ville, explique Céline Lis-Raoux. Le pari, c'est d'accompagner l'ambulatoire. Pour ces femmes-là, qui se soignent à domicile, la solitude est encore plus grande. C'est pourquoi nous avons imaginé cette maison-sas, entre l'hôpital et la vie civile, où elles peuvent échanger, où l'on prend soin d'elles... 600 femmes passent chaque mois à la maison Rose et s'y rendent pour des soins de bien être ou de beauté. Avec les soins, il y a aussi le contact, le toucher qui est extrêmement important lorsqu'on est atteint d'un cancer. On propose par exemple des séances de "Nursing Touch", une technique de toucher permettant d'établir ou de restaurer une forme de communication non verbale entre deux personnes. Ici, les femmes réapprennent en douceur la socialisation

Susie BOURQUINJournaliste susie.bourquin@infirmiers.com @SusieBourquin


Source : infirmiers.com