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Julie, infirmière française à l’île Maurice

Publié le 23/05/2016

Aujourd’hui, Julie nous parle d’une île qui fait rêver : l’île Maurice, la soeur et voisine de l’île de la Réunion. Certains s’y envolent pour leur lune de miel, Julie, elle, a décidé d’y vivre et y exerce son métier d’infirmière depuis presque deux ans. Elle a accepté de nous raconter son expérience et nous donne un aperçu de sa vie sur cette île paradisiaque. Merci à Flo & Yo pour le partage de leur article.

Flo & Yo -  Est-ce que tu peux te présenter ?

Julie exerce depuis bientôt deux ans à l'île Maurice.

Julie - Je m’appelle Julie, j’ai 27 ans et     ai obtenu mon diplôme en novembre 2011. À propos de mon parcours professionnel, j’ai travaillé six mois aux urgences d’un des CHU de Toulouse après mon diplôme. Puis je me suis envolée pour l’île de la Réunion où j’ai travaillé pendant 2 ans en réanimation polyvalente au CHU de Saint Denis. Et depuis bientôt deux ans, je suis installée à l’île Maurice.

Flo & Yo -  Où travailles-tu sur l’île Maurice ? 

Julie - Je travaille dans une clinique privée (d’environ 130 lits), au service des urgences. La clinique est située à Curepipe, une ville qui se trouve au centre de l’île.

Flo & Yo - Quelles démarches as-tu dû effectuer pour pouvoir travailler là-bas en tant qu’IDE ?

Julie - Au niveau des démarches, ça a été très facile. La clinique s’est occupée de tout : permis de travail et de séjour, inscription à l’ordre des infirmiers… Je n’ai eu qu’à lui fournir les documents requis pour les démarches administratives (documents d’État Civil, extrait du casier judiciaire, descriptif détaillé de ma formation en IFSI, certificats et tests médicaux…). Mon employeur a aussi réservé et pris en charge mon billet d’avion aller et ce sera de même pour le billet retour à la fin de mon contrat de 2 ans.

Il faut savoir qu’il m’a aussi proposé de me loger et de prendre en charge les frais d’eau et électricité. Mais je ne souhaitais pas vivre en colocation avec des collègues, et encore moins vivre à deux pas de mon lieu de travail, alors côté logement je me suis débrouillée seule.

Pour l’équivalence de diplôme, je n’ai eu aucun souci, ils embauchent pas mal d’expatriés venant d’Inde, Philippines, Madagascar, France, Canada…

Comme à la Réunion, la composante héréditaire, les habitudes diététiques font que le taux de diabète par exemple est très élevé.

Flo & Yo -  Est-ce que ça a été facile de trouver un poste ?

Julie - J’ai trouvé mon poste facilement ; ils cherchent régulièrement des infirmiers diplômés, car beaucoup de Mauriciens choisissent de partir travailler à l’hôpital public plutôt que dans le privé.

Flo & Yo - Qu’est-ce qui t’a marquée en arrivant ?

Julie - Beaucoup de choses m’ont marquée en commençant à travailler à l’île Maurice. Tout d’abord, il faut savoir que la culture a une place fondamentale ici. La mixité est assez riche. Sur 1,2 million d’habitants, environ 60 % des Mauriciens sont d’origine indienne (les cultures hindouiste et tamoule y sont fortement représentées), 30% sont créoles ou métisses, 3 % sont d’origines chinoises et une minorité est blanc-mauricien (2 %, ce sont les grandes familles descendant des anciens colons français). Les religions les plus représentées sont les religions hindouiste et tamoule (50 %), 20 % sont musulmans, environ 15 % chrétiens et 2% bouddhistes. La religion tient une place très importante dans la culture mauricienne et il s’agit de respecter cela au maximum, jusque dans les soins. Par exemple, par respect pour les coutumes, nous essayons tant que possible d’attribuer la prise en charge d’un patient de sexe féminin à une infirmière, de même pour les patients masculins qui seront pris en charge si possible par un homme. Notamment par respect pour la pudeur. Par exemple, si un de mes collègues hommes s’occupe d’une femme et que le médecin lui demande de pratiquer un électrocardiogramme, il demandera à une infirmière de le réaliser. Celà aussi permet d’éviter d’avoir à faire face à d’éventuelles plaintes contre des employés pour atteinte à la pudeur ou autre…

J’ai aussi dû m’adapter à un fonctionnement et une organisation bien différents de ceux que je connaissais en CHU. La clinique est privée, ce qui signifie que le patient paye pour un service, tout comme un client. On doit toujours penser à le satisfaire, selon le discours que tient la clinique auprès de tout nouvel employé… D’un certain côté, cela nous pousse à fournir une prise en charge de qualité. Alors, ici, pas question de faire ce que l’on appelle dans notre jargon « recadrer » un patient, qui se montrerait peut-être trop exigeant… Aussi, au fur et à mesure de mon expérience ici, je me suis rendu compte que la relation entre les infirmiers et les spécialistes ici est dans certains cas (ou plutôt surtout avec certains médecins) assez délicate. Ces derniers ont le pouvoir de nous faire passer en conseil de discipline assez facilement. Il n’a pas été rare que je surprenne un médecin insulter un de mes collègues, et ce devant le patient. Durant mon premier mois, j’en ai même fait les frais lorsqu’un chirurgien est entré dans un box où je faisais le pansement post-opératoire d’un de ses patients. Il était apparemment de très mauvaise humeur et s’est littéralement mis à me hurler dessus jusque dans le couloir du service. Simplement parce qu’on ne l’avait pas appelé pour faire lui-même le pansement. Il s’est plus tard excusé (un mois et demi après) pour cet état de colère, mais ce souvenir est assez ancré dans ma mémoire tant cela m’avait abasourdi. Même le patient en question avait été choqué par la réaction du médecin, jusqu’à aller à s’excuser auprès de moi, voyant que je n’avais rien fait de mal. Bref, tout ça pour dire que j’ai l’impression que la relation infirmier-médecin reste un peu archaïque dans certains cas. Ici, les représentations du médecin, et en particulier celle du chirurgien, placent souvent celui-ci sur un haut piédestal et certains d’entre eux l’ont bien compris…

J’ai aussi dû m’adapter à un fonctionnement et une organisation bien différents de ceux que je connaissais en CHU. La clinique est privée, ce qui signifie que le patient paye pour un service, tout comme un client.

Flo & Yo -  Quelle langue faut-il parler pour travailler là bas ?

Julie - La langue officielle à Maurice est l’anglais. Les papiers administratifs sont tous réalisés dans cette langue, et dans la clinique les dossiers aussi. Il est donc préférable d’être assez à l’aise en anglais. Certains médecins, infirmiers étrangers et même des patients (surtout les touristes) s’expriment en anglais. Mais la langue couramment parlée est le créole mauricien, qui est un créole tiré de la langue française. Avec quelques semaines d’immersion, il est assez facile de comprendre une conversation en créole. De ce fait, les gens comprennent généralement très bien lorsqu’on s’exprime en français, et beaucoup sont capables de le parler.

Flo & Yo - Les pathologies que tu rencontres à Maurice sont-elles les mêmes qu’à la Réunion ?

Julie - Les pathologies sont en effet similaires. Comme à la Réunion, la composante héréditaire, les habitudes diététiques font que le taux de diabète par exemple est très élevé. Et même si Maurice est doté d’un système de santé qui semble assez bien fonctionner au vu de sa faible population, la prise en charge des patients diabétiques n’est pas au même niveau. Du coup je rencontre un bon nombre de patients victimes de complications liées à un diabète mal équilibré (troubles oculaires, insuffisance rénale, amputations…) ; de même pour les pathologies cardiovasculaires qui ont une incidence importante. On trouve aussi des cas de maladies tropicales bien sûr, comme la leptospirose, pathologie que j’avais découverte à la Réunion.

Flo & Yo -  Le travail et l’organisation de l’IDE sont-il similaires qu’en France ?

Julie - Ici l’infirmier fait tout de A à Z pour les patients qu’il prend en charge : brancardage, aller chercher les médicaments et le matériel nécessaire à la pharmacie… et ceci tout seul la plupart du temps. Nous devons aussi lister le moindre matériel utilisé pour le facturer au patient. Au final on passe encore plus de temps  à faire la paperasse qu’auprès du patient.

De plus, j’ai rarement trouvé des cas de travail en binôme, comme j’en ai eu l’habitude avec les aide-soignants dans mes postes précédents. Chacun doit s’occuper de ses patients ; la charge de travail est lourde dans les services alors la plupart du temps je dois me débrouiller seule.

Au niveau des soins techniques, l’organisation est similaire à celle en France. Le matériel est le même de façon générale. Je réalise régulièrement des pansements sur des plaies traitées par pression négative (type VAC), même plus que je n’en ai réalisé en France…

Il faut savoir qu’à Maurice, on trouve deux types d’infirmiers au niveau des soins : les infirmiers qualifiés (ou diplômés), et les infirmiers auxiliaires ; ces derniers n’ont pas forcément fait des études de « nursing care » et apprennent généralement « sur le tas ». Les infirmiers qualifiés sont ceux qui sont responsables des soins, ils sont seuls habilités à effectuer des actes invasifs comme la pose de cathéter. Dans mon service, nous sommes généralement un ou deux infirmiers qualifiés « en charge » du service par garde, et nous sommes alors responsables de trois à cinq auxiliaires. Cela implique d’acquérir des compétences en terme de management. Et cela n’est pas une mince affaire ! J’ai éprouvé pas mal de difficultés dans ce domaine au départ et ça reste parfois difficile. La formation d’infirmier ne nous forme pas à coordonner efficacement une équipe de soignants et obtenir leur coopération. Alors on essaie de se débrouiller pour trouver un juste milieu entre la bonne relation entre collègues et l’autorité nécessaire pour que les auxiliaires travaillent efficacement et assurent la qualité et la sécurité des soins.

Au niveau des horaires, je dois réaliser 195 heures par mois, ce qui équivaut presque à 45 heures par semaine. Les horaires de travail sont comme suit :

  • travail de jour : 7h15 à 17h15, avec une heure de pause repas – 9 heures effectives ;
  • travail de nuit – 17h15 à 7 h 15, avec une heure de pause repas et deux heures de repos – 13 heures effectives.

Nous avons droit à 16 jours de congé annuel et 21 jours de congé maladie par an.

Mon roulement est assez fatigant. Nous n’avons pas de périodes de « jours » ou de « nuits » comme je l’ai connu en France. Mon planning est basé sur le roulement suivant : un jour, une nuit puis deux repos et on recommence, un jour, une nuit et deux repos… Mais si on compte sur ce roulement, je ne complète pas mes 195 heures nécessaires sur un mois. Alors, l’un de mes deux repos est remplacé parfois par un jour ou une nuit de travail. En sachant que ce qu’on appelle un jour de « récup » en France, après une nuit n’existe pas ici… Il m’arrive plusieurs fois par mois de devoir faire l’enchaînement suivant : nuit – repos – jour. Pour y voir plus clair : sur un mois de 31 jours, je peux travailler par exemple 7 jours,10 nuits et avoir 14 jours de repos ; ou encore 13 jours, 6 nuits et avoir 12 jours de repos.

Flo & Yo – Quel est le salaire moyen d’un IDE à Maurice ?

Julie - Pour les étrangers, la loi est assez stricte à l’île Maurice. Selon le Gouvernement, un employeur qui choisit d’embaucher un étranger doit lui assurer un salaire minimum de 60 000 roupies mauriciennes par mois, soit environ 1 500 €. À l’époque de mon embauche, ce salaire de base était de 40 000 roupies. Si seulement… Au final, la clinique m’a embauchée avec un salaire de base bien moindre (660 €), prétextant que le Gouvernement lui accordait de baisser le salaire minimum au vu de la pénurie d’infirmiers qualifiés. J’ai obtenu une compensation financière pour mon logement, vu que j’avais refusé d’être logée par la clinique. Cela me permet de payer la moitié de mon loyer et de mes charges. La clinique me verse aussi des indemnités de déplacement basées sur le prix des tickets de bus sur le trajet domicile-lieu de travail. Il faut ajouter aussi 500 roupies (12,50 €) d’allocation pour les repas, et les heures de travail les jours fériés et dimanches sont payées doubles pour les 8 premières heures, triple au-delà de 8 heures. À la fin de l’année, l’employeur nous verse un treizième mois, comme le prévoit la législation.

Flo & Yo - Quel est le coût de la vie ?

Julie - Mon salaire peut sembler ridicule d’un point de vue occidental, mais je ne peux pas dire que je vis dans la misère, la vie à Maurice n’étant pas excessivement chère. Mais il m’est difficile de mettre de l’argent de côté et je dois surveiller mon budget. Si je dois comparer avec le pouvoir d’achat que j’avais à la Réunion, ce dernier était bien plus important.

Au niveau du logement, tout dépend où l’on choisit d’habiter. Pour ma part, je vis dans une petite maison avec jardin dans le sud de l’île, près de la mer. Mon logement me coûte environ 200 € par mois, charges comprises. Les voitures à l’achat coûtent un peu plus cher qu’en France, vu qu’elles sont exportées. L’essence coûte environ 1 € au litre. Concernant la nourriture, il faut savoir s’adapter aux produits locaux si on ne veut pas vider son porte-monnaie ! Mon budget courses (nourriture + divers) est compris entre 120 et 180 € par mois, sachant que je ne fais pas de folies et que je compare bien les prix.

Flo & Yo -  Y a-t-il de l’insécurité/délinquance sur Maurice ?

Julie - Bien sûr comme partout, il faut être prudent. Je déconseillerais fortement à une jeune fille de se promener seule après la tombée de la nuit à Maurice. Les faits divers dans les journaux m’ont donné raison… Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut dramatiser la situation. Pour ma part, je pense être prudente, j’essaie de sortir accompagnée le soir, je sais dans quels endroits je ne dois pas m’aventurer seule ; et je me sens plutôt en sécurité en agissant ainsi.

Flo & Yo -  Est-il facile de s’intégrer avec les locaux ?

Julie - Un grand OUI ! Les Mauriciens sont très avenants, ils aiment beaucoup « cozer », ils vous demanderont d’où vous venez, si vous êtes en vacances, quel métier vous exercez... Les rencontres se font tout naturellement et avec beaucoup de bienveillance en général. Pour ma part, la grande majorité de mes amis et des personnes que je côtoie ici sont Mauriciens. Je me sens ici comme chez moi, je crois que c’est le plus important…

À Maurice, on trouve deux types d’infirmiers au niveau des soins : les infirmiers qualifiés (ou diplômés), et les infirmiers auxiliaires ; ces derniers n’ont pas forcément fait des études de « nursing care » et apprennent généralement « sur le tas. »

Flo & Yo - Que fais-tu de ton temps libre ?

Je dors ! Enfin surtout après une nuit de travail, évidemment… Le rythme imposé par le roulement sur le planning est quand même assez épuisant et je le ressens d’une manière générale.

En dehors de ça, j’essaie de profiter à fond des plaisirs qui s’offrent à moi dans ce cadre paradisiaque. Je vis près de la mer, alors il m’est très facile de partir nager, passer un moment sur la plage ou encore faire une virée en bateau avec des amis.

Quelques restaurants de temps en temps, ça ne coûte pas forcément cher si on n’est pas trop exigeant. Mais je suis plutôt du genre à passer du temps entre potes chez les uns ou les autres, alors, niveau sorties, je me réserve surtout pour suivre mon copain et des amis qui sont musiciens, lors de concerts ou festivals autour de l’île.

Il faut savoir que l’île Maurice est une bonne destination pour les kites-surfeurs, on y trouve pas mal de spots intéressants dans le lagon. Pour ma part je n’ai pris que quelques cours, le prix étant assez conséquent pour un salaire local (50 € minimum par cours) mais pour quelqu’un qui a déjà son matériel et qui maîtrise, c’est juste parfait ! Pour les amoureux de la plongée, que ce soit en bouteille ou en snorkelling il y a de quoi se faire bien plaisir. Enfin l’île offre de belles possibilités pour des ballades. Niveau randonnées, on est loin des milliers de kilomètres de sentiers de l’ile de la Réunion, mais il y a de quoi s’en mettre plein la vue ici aussi.

Flo & Yo - Deux soignants à la conquête du monde !

En novembre 2011, Yohan, alors âgé de 31 ans, aide-soignant  - et Florence, 28 ans, étudiante manip radio en 2éme année, férus de voyages et d'expériences insolites ont créé « Care Conception Through the World », une association loi 1901 dont le nom peut être traduit en français par « La conception du soin autour du monde ». Son but ? Réaliser des reportages photos et vidéos, à travers le monde, sur les différentes façons de concevoir le soin. En résumé : voyager, découvrir, et surtout partager avec la communauté soignante et même au-delà ! Ils nous ont présenté leur projet sur Infirmiers.com, partenaire de leur aventure maintenant en cours. Yoan est désormais infirmier, Florence Manipulatrice en électroradiologie et tous deux sillonnent les routes du monde ! Ils ont aujourd'hui posé leurs valises à La Réunion, le temps de pouponner... Ils sont en effet depuis peu les heureux parents de Julia, née le 8 avril 2016 ! Retrouvez l'intégralité sur www.floetyo.com

Florence et Yohan MAUVE   Rédacteurs Infirmiers.com contact@floetyo.com

Cet article a été publié le 15 mars 2016 par Flo & Yo que nous remercions de cet échange.


Source : infirmiers.com