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PSYCHIATRIE

Isoler et contraindre : des mesures de dernier recours...

Publié le 25/05/2016
homme dépression tristesse

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La conférence des présidents de commission médicale d'établissement (CME) de centre hospitalier spécialisé (CHS) détaille 12 principes généraux concernant les pratiques d'isolement et de contention en psychiatrie.

La décision d'isolement ou de contention doit faire l'objet d'une concertation avec l'équipe de soins et prendre en compte notamment l'évaluation du bénéfice/risque...

L'isolement et la contention sont des pratiques récemment encadrées par la loi de santé et très régulièrement pointées du doigt par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) Le CGLPL devait présenter mercredi un rapport spécifique sur ces pratiques. Dans son document dévoilé volontairement avant la présentation de ce rapport, la conférence des présidents de CME de CHS rappellait que les pratiques de restriction de liberté en établissements hospitaliers autorisés en psychiatrie sont encadrées par des textes législatifs et réglementaires et qu'elles font l'objet de recommandations et de démarches qualité dans le cadre de la certification des établissements de santé menée par la Haute autorité de santé [HAS].

Elle écrit que ces ces pratiques s'inscrivent dans un processus complexe justifié par l'état clinique du patient et comprenant de nombreux aspects : une décision, un accompagnement humain, une délivrance de soins et une surveillance professionnelle de proximité. Elle insiste sur le fait qu'elles ne peuvent pas relever de la banalité de la pratique quotidienne et en aucun cas constituer une réponse à des questions d'ordre disciplinaire, d'effectifs soignants ou [de] convenance institutionnelle. L'histoire de l'institution hospitalière a montré qu'aucun acteur du soin, quelles que soient ses compétences et son expérience, n'est à l'abri de contre-attitudes négatives et de perte de maîtrise de soi dans sa pratique hospitalière. Il s'agit donc d'un domaine qui exige une vigilance toute particulière d'un point de vue éthique médical et légal ainsi que de prendre la mesure de ce que toute privation ou restriction de liberté implique pour chacun, patient ou soignant, commente aussi la conférence.

Des mesures de dernier recours

Passé ce préambule, elle édicte ses principes généraux. D'abord, il s'agit de mesures dites "de dernier recours" et leurs indications ne peuvent être portées que sur la base de la constatation de son état clinique. Ensuite, la décision doit être prise par "un praticien senior" qui doit justement s'assurer du caractère dit "de dernier recours"  de la mesure. "A cet égard, il retranscrit dans le dossier du patient les actions menées au préalable pour éviter cette mesure et il est informé sans délai de sa mise en place. En cas de nécessité entrant dans le cadre du rôle propre infirmier, le praticien senior confirme s'il y a lieu la mesure dans l'heure qui suit sa mise en place à la suite d'un examen médical, indique aussi la conférence. Troisième principe : la décision d'isolement ou de contention ne peut être anticipée par un certificat médical indiquant si besoin, ni être systématisée, notamment en raison de la situation administrative du patient (soins sans consentement, personne détenue etc.). Ce sont des pratiques que le CGLPL a souvent remarqué, note-t-on.

La décision d'isolement ou de contention fait l'objet d'une concertation avec l'équipe de soins et prend en compte notamment l'évaluation du bénéfice/risque, édicte ensuite la conférence. Dans toute la mesure du possible, les professionnels s'efforcent d'expliquer au patient pourquoi cette mesure ne peut pas être évitée, précise-t-elle. Elle note aussi que la décision d'utiliser la contention ou l'isolement doit être individualisée, assortie le cas échéant d'une prescription médicamenteuse, basée sur la prise en compte de l'intérêt du patient dans un but thérapeutique et évaluée au regard de l'évolution de son état clinique. Cette décision doit être motivée, inscrite dans le dossier du patient et horodatée, avec la précision de sa durée et, le cas échéant, le type de contention, y est précisée ainsi que l'absence de contre-indications somatiques.

Le sixième principe concerne le programme individualisé de surveillance de l'état clinique et de prévention des risques, qui doit prévoir notamment un examen médical somatique dans les deux heures qui suivent le début de la mesure d'isolement, un minimum de deux examens médicaux quotidiens et une évaluation infirmière au minimum toutes les heures, et la possibilité pour le patient de solliciter un soignant si nécessaire. Septième principe, la contention est décidée pour une période maximum de 12 heures, l'isolement pour une période maximum de 24 heures et sa reconduction nécessite systématiquement un examen par un praticien senior et les mêmes justifications qu'à l'origine de la mesure. Là encore, la conférence insiste la nécessaire traçabilité de toutes les décisions prises.

Ensuite, l'isolement et la contention sont réalisés dans des espaces dédiés dont l'architecture a été conçue pour contribuer à la qualité des soins dans ce contexte particulier et par un personnel suffisamment expérimenté et formé aux enjeux éthiques et aux difficultés de mise en oeuvre de ces pratiques, souhaite la conférence, insistant sur les conditions matérielles et notamment d'hygiène et de sécurité. Par ailleurs l'utilisation de vêtements autres que ceux du patient ne doit être strictement limitée et réservée qu'à de rares situations motivées par des arguments cliniques et/ou d'hygiène. Elle ne peut en aucun cas être systématisée pour des motifs institutionnels. Le CGLPL s'est étonné à plusieurs reprises de mises en pyjama parfois un peu trop systématiques, note-t-on. La conférence précise enfin que la disponibilité de sa chambre doit être assurée au patient à tout moment dès l'amélioration de son état clinique.

Des données transmises à l'ARS

Les derniers principes concernent l'organisation institutionnelle des établissements de santé. Ainsi, le début et la fin de toute mesure d'isolement ou de contention sont portées à la connaissance du praticien hospitalier d'astreinte, de l'interne et du cadre de garde et est signalée en temps réel au service de sécurité incendie de l'établissement. De plus, les situations des patients en isolement ou contention sont reprises lors des réunions institutionnelles de l'unité d'hospitalisation, au minimum de façon hebdomadaire et la traçabilité en est assurée dans le dossier du patient et elles sont portées à la connaissance du JLD [juge des libertés et de la détention] à chacun de ses passages dans l'établissement. Enfin, la gestion de la disponibilité des chambres d'isolement engage la solidarité institutionnelle des responsables médicaux et administratifs des pôles.

Par ailleurs, la CME de l'établissement est enjointe à faire de la réduction au strict minimum des pratiques de contention et d'isolement un axe fort de sa politique de qualité et de sécurité. Cet aspect doit faire systématiquement l'objet d'un volet spécifique de son projet médical. Dans cette perspective, la CME est informée chaque trimestre dans le cadre de son agenda qualité de la situation quantitative et qualitative de ces mesures. Sur la base du registre prévu par la loi [de santé, NDLR], l'établissement établit annuellement en lien avec la CME et le DIM [département d'information médicale] un rapport rendant compte des pratiques d'isolement et de contention, et de la politique qu'il définit et met en oeuvre pour en limiter le recours.

Ce rapport est transmis à la commission des usagers, au comité d'éthique et au conseil de surveillance pour avis, ainsi qu'à l'agence régionale de santé (ARS) pour une analyse régionale de ces pratiques, précise la conférence. Le 12ème principe édicté est plutôt un souhait. Elle demande à nouveau la mise en place d'un observatoire national de ces pratiques dans les établissements publics de santé. Cet observatoire serait de nature à assurer un traitement objectif de ces pratiques, pour réaliser une analyse critique des données fournies régionalement par les ARS et en interpréter qualitativement et quantitativement les évolutions dans la perspective d'en limiter à terme le recours, estime-t-elle.

Principes généraux concernant les pratiques d'isolement et de contention en psychiatrie, conférence nationale des présidents de CME de CHS, mai 2016 (PDF)


Source : infirmiers.com