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SÉCURITÉ DES SOINS

Culture de la sécurité des soins : des progrès à faire chez les professionnels de santé

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Publié le 11/12/2023

La première campagne de mesure de la culture sécurité menée par la HAS livre ses premiers résultats. S’ils sont de prime abord mitigés, ils s’appuient sur les perceptions des soignants et sont surtout un prétexte pour les encourager à s’emparer du sujet.

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Commanditée par la Fédération des organismes régionaux et territoriaux pour l'amélioration des pratiques en santé (FORAP) et réalisée en partenariat avec la Haute autorité de santé (HAS), la toute première campagne de mesure de la culture de la sécurité des soins livre ses premiers enseignements. « Cette enquête vise à évaluer les aspects dits "psychologiques" des professionnels de santé, ce qu’ils ressentent », a précisé Sandra Genevois, co-référente du projet Culture de sécurité en établissement de santé à la FORAP. En clair, les mesures se sont appuyées sur la perception subjective des personnels en matière de culture de sécurité des soins, telle qu’elle peut être mise en application dans leurs établissements.

Une mobilisation importante pour un premier état des lieux
La campagne de mesure a été proposée à l’ensemble des établissements sanitaires en France métropolitaine et ultramarine, à l’échelle de collectifs de travail, et s’est déroulée entre les 1er mai et 30 juin 2023.
- 661 établissements y ont participé, dont 51% d’établissements, dont 30% d’établissements publics, et 19% d’ESPIC.
- 121 801 professionnels étaient éligibles au questionnaire, dont 50 078 qui y ont effectivement répondu, soit 41% des professionnels concernés par la mesure.
- La filière paramédicale, la plus importante en termes d’effectifs dans les établissements, est la plus représentée avec 33 803 répondants, suivie de la filière médicale (4 590). 3 432 personnes ont choisi de ne pas préciser la nature de leur activité.
10 dimensions relatives à la culture de la sécurité des soins ont été définies, et leur score a été calculé à partir de 945 mesures dans les établissements et auprès des collectifs. En-dessous de 50% de réponses positives aux différentes questions, les dimensions sont considérées comme « à développer » ; entre 50 et 75%, elles sont considérées comme « en cours de développement » ; et comme « développées » au-dessus de 75%.

Manque de ressources humaines, mais fort esprit d’équipe

Des dix dimensions abordées dans le questionnaire,  c’est celle relative au travail en équipe qui atteint le plus haut  niveau de perception positive. Les professionnels de santé sont ainsi 73% à estimer qu’ils se soutiennent mutuellement, ce qui contribue à améliorer leurs pratiques de sécurité des soins. « Pour plus de 500 mesures [réalisées auprès des établissements et des collectifs] cette dimension est développée. Les collectifs dont le pourcentage se situe entre 50 et 75% ont certainement déjà initié des réflexions pour améliorer le travail en équipe, et qui vont permettre de faire évoluer celui entre les équipes », juge Sandra Genevois. La dimension associée à la communication entre les différentes équipes d’un même établissement (coordination des différents services, transmission des informations concernant les patients entre équipes…) plafonne en effet à 39%. Un score qui rejoint plus ou moins celui relatif à la mise en place d’une réponse non-punitive face à une erreur constatée par un professionnel (35%). « Il est important de rappeler que le questionnaire interroge les professionnels sur leurs perceptions. Il ne faut donc pas interpréter ce chiffre comme l’affirmation qu’il existe une réponse punitive à l’erreur », insiste Véronique Garcia, l’autre co-référente du projet. Sans surprise, c’est toutefois au niveau des ressources humaines que les manques se font le plus sentir : ils ne sont que 32% à déclarer « qu’il y a suffisamment de personnel pour faire face à la charge de travail ».

Déclarer les événements indésirables graves associés aux soins (EIGS) a du sens, c’est pour en tirer des enseignements.

Parmi les autres dimensions mesurées, sont également en cours de développement la fréquence des signalements des événements indésirables liés aux soins (52%), la mise en place d’une organisation apprenante favorisant l’information et la formation des professionnels après la survenue d’erreurs (57%) ou encore la liberté d’expression, avec la possibilité pour les soignants de s’exprimer facilement s’ils voient se produire quelque chose qui peut nuire aux patients (57%). A contrario, des marges de progrès importantes sont possibles sur la perception globale de la sécurité, surtout par rapport au rendement : elle n’atteint un score positif que de 48%.

Des pistes d’amélioration existent

Des solutions existent déjà pour améliorer ces scores. Certes, les déclarations des événements indésirables graves associés aux soins (EIGS) ne correspondent a priori pas à la réalité. Elles seraient, selon l’enquête ENEIS * de 2019, bien en-deçà du nombre estimé. 4,4 EIGS surviendraient par mois pour 1 000 habitants. Par extrapolation, le nombre estimé d’EIGS se situerait entre 160 000 et 375 000 par an, rien qu’en Médecine, chirurgie, obstétrique. Mais la fréquence de signalement augmente toutefois. « C’est une tendance positive », observe le Dr Laëtitia May-Michelangeli, chef du service évaluation et outils pour la qualité et la sécurité des soins de la HAS. Car « déclarer les EIGS a du sens, c’est pour en tirer des enseignements. » Pour améliorer cette déclaration, elle préconise : un engagement, jugé « essentiel », de la gouvernance sur le sujet pour « accompagner et sensibiliser les professionnels et établir un climat de confiance favorable à cette déclaration », la mise en place des formations ou d'une sensibilisation pour les nouveaux arrivants, ou encore la simplification des systèmes de déclaration en interne. Elle insiste surtout sur la nécessité de communiquer sur les mesures correctives mises en œuvre à la suite des déclarations car « si ceux qui déclarent des EIGS n’en voient pas le bénéfice, ils ne le feront plus. »

L’erreur est humaine, elle est une contrepartie des performances, indissociable de l’intelligence humaine.

Concernant la réponse non-punitive, il faut avant tout rappeler que « l’erreur est humaine, elle est une contrepartie des performances, indissociable de l’intelligence humaine », poursuit-elle. Or, la culture nationale repose plutôt sur un réflexe qui consiste à sanctionner les professionnels, l’inverse provoquant la crainte de ne pas punir « les personnes qui le méritent vraiment », notamment dans le cas de comportements qui mettraient volontairement les patients en danger. Sanctionner permet aussi « d’apaiser l’incompréhension des victimes, la douleur des familles », liste-t-elle. Il s’agirait donc d’instaurer « une notion de culture juste », décrite comme « une atmosphère de confiance dans laquelle les professionnels sont encouragés voire récompensés quand ils fournissent des informations essentielles en matière de sécurité. »

Enfin, côté travail entre équipes, il faut « « travailler sur des compétences non techniques : leadership, gestion des conflits, aide réciproque… », donne-t-elle en exemple. « Beaucoup d’EIGS surviennent parce que la communication n’est pas efficace. » Charge donc aux équipes, dans une prise en charge transversale des patients, de se coordonner pour se partager les rôles, les responsabilités et les prises de décision, de partager un objectif commun, et de s’assurer que les compétences de chacun sont bien utilisées de manière appropriée. « La sécurité des patients est l’affaire de tous, avec une prise de conscience partagée des risques et une liberté pour alerter qui est indispensable. »

La culture de la sécurité est très longue à construire, elle s’entretient, et son niveau peut s’abaisser quand tous les moyens ne sont pas mobilisés.

Confronter la perception des soignants avec la réalité

Si les chiffres issus de cette première campagne de mesure ne sont pas très bons, « ce n’est pas très grave. Ces résultats sont surtout un prétexte pour aborder les concepts relatifs à la sécurité des patients, pour en parler avec les équipes et en faire des valeurs partagées » et confronter les perceptions des soignants avec la réalité, défend Sandra Génevois. Voir stagner les résultats n’est en soi « pas alarmant », l’important demeurant la forte mobilisation qui s’est opérée au sein des établissements de santé autour de ce premier état des lieux. « La culture de la sécurité est très longue à construire, elle s’entretient, et son niveau peut s’abaisser quand tous les moyens ne sont pas mobilisés », prévient, en conclusion, Noémie Terrien, vice-présidente partenariat de la FORAP.

La feuille de route de la DGOS pour la sécurité des patients
Depuis la publication de ces résultats, la DGOS a présenté une feuille de route pour améliorer la sécurité des patients. Elle se décline autour de deux objectifs transversaux : communiquer auprès des professionnels de terrain et des usagers pour qu’ils s’approprient la question, et les former à la culture sécurité, et de 5 axes :
- Valoriser et accompagner le travail en équipe et les temps collectifs.
- Agir sur la sous-déclaration des EIGS.
- Améliorer la capitalisation des retours d’expérience.
- Poursuivre des actions ciblées dans certains secteurs.
- Promouvoir la place du patient et de ses proches pour améliorer la sécurité.

*Enquête nationale sur les événements indésirables liés aux soins (ENEIS)

 

Source : infirmiers.com