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Comment prévenir les risques de fausses routes chez les personnes âgées ?

Publié le 19/04/2018
personne âgée prise de repas

personne âgée prise de repas

La presbyphagie, c'est-à-dire les troubles de la déglutition ne sont pas anodins chez les seniors car le risque augmente avec le vieillissement. Dans les services de gériatrie ou en EHPAD, ce sont des problématiques auxquelles les soignants sont fréquemment confrontées. Un livre récemment publié par une orthophoniste peut donner quelques conseils, les internautes se sont également penché sur le sujet sur le forum Infirmiers.com.

« L'être humain est la proie de trois maladies chroniques et inguérissables : le besoin de nourriture, le besoin de sommeil et le besoin d'égards », affirmait Henry de Montherlant. Si dans notre culture, manger n'est pas qu'une question de survie mais reste souvent associé au plaisir, il ne faut pas oublier la sécurité. Or, la fonction de déglutition devient moins opérante au fur et à mesure de l'avancée de l'âge.

La plupart du temps, ces troubles sont bien tolérés et compensés mais ils demeurent un « réel problème de santé publique, car leur conséquences peuvent aller jusqu'à engager le processus vital de la personne âgée », souligne Anne Chevillot Sauger, orthophoniste dans son livre intitulé « La presbyphagie, les troubles de la déglutition chez la personne âgée »1. Cette professionnelle qui exerce aujourd'hui en EHPAD a consacré un ouvrage sur le sujet. Manger et boire des actes banals mais nécessaires et fortement dépendant de ce mécanisme, « d'où l'importance que l'on soit un senior ou un accompagnant d'être sensibilisé aux changements liés au vieillissement de ce mécanisme ».

Les aliments à fils, trop durs, qui s'émiettent, assez collants, avec une enveloppe, avec des grains ou des pépins, peuvent devenir potentiellement dangereux. Il faut savoir s'adapter au quotidien pour prévenir le risque d'éventuelles fausses routes.  L'ouvrage propose également des exercices pratiques pour entretenir au mieux le réflexe de déglutition malgré les années qui passent.

L’homme est comme une horloge. Il se remonte par la nourriture deux ou trois fois par jour - Alphonse Karr

Quand tout repose sur la taille des bulles

En parallèle, sur le forum infirmiers.com, certains internautes se sont posés la question plus particulièrement des liquides. Lesquels sont les plus adaptés ? « Je travaille en EHPAD et nous avons plusieurs résidents qui ne boivent que de l'eau gazeuse en raison d'un risque de fausse route.

Jusqu'à présent, mes collègues et moi-même avions toujours vu utiliser du Perrier pour cette indication », énonce Mkp. Cependant, pour des raisons financières, d'autres marques d'eau pétillante sont souhaitées et l'intéressé se demande si elles sont aussi indiquées pour prévenir les fausses routes. « J'avais dans l'idée qu'il fallait des bulles assez nombreuses et plutôt de grosse taille, d'où le Perrier. Du coup, je me demande si des eaux avec des bulles moins nombreuses et plus fines (ce qui est le cas de la plupart des eaux gazeuses) sont aussi efficaces ? »

D'après les réponses, l'eau gazeuse est effectivement relativement utilisée dans le cas présent. Et plus, les bulles sont grosses, plus le risque semble moindre. « Dans notre EHPAD, nous utilisons l'eau gazeuse ou la limonade pour une personne qui a des troubles de la déglutition et qui est suivie par une orthophoniste pour cela. Nous n'avons pas de marque de préférence, par contre j'avais cette notion que le Perrier était sûrement mieux car les bulles sont plus grosses », explique Annesof14. En revanche, selon Augusta, les autres marques d'eau pétillante sont aussi souvent employées. « Je n'ai jamais vu de Perrier ni au CHU, ni en EHPAD. Donc cela dépend des endroits et sans doute des marchés. »

J'interviens dans un service de géronto-psychiatrie dans le midi et on propose lors des repas de la bière sans alcool...

Eau gélifiée, épaissie, bière ou limonade ?

Pour d'autres soignants, l'eau gazeuse ne paraît pas la meilleure solution comme pour Erick : « Cela est dangereux et je préfère utiliser de l'eau gélifiée dans ce cas là ». Apparemment, de véritable protocole à suivre existe afin de permettre une sorte de « réadaptation du patient. C'est du moins ce que semble démontrer les témoignages. « Dans mon service on a aussi pour habitude de donner de l'eau pétillante pour les personnes qui font des fausses routes mais on fait toujours un petit test à l'eau gélifiée avant!! », énonce Popiette57. Une opinion partagée par Karen qui travaille dans un service de gériatrie aiguë : « nous utilisons régulièrement l'eau gazeuse pour une reprise d'hydratation normale à l'eau plate. A jeun -> eau gélifiée > eau gazeuse > eau plate ».

Après, il existe d'autres alternatives. Si Popiette57 propose la limonade (sans sucre), Mariclairi est adepte de l'eau épaissie  « ou du gel mix(poudre épaississante ) utilisable avec toutes les boissons ». Quant à Gisou64, elle suggère un autre type de liquide. « J'interviens dans un service de géronto-psychiatrie dans le midi et on propose lors des repas de la bière sans alcool… Non seulement les résidents semblent apprécier, mais cela limite le risque de fausses routes grâce aux bulles et à la mousse... ». Les patients sont chanceux ! D'ailleurs pour CdZesi, étudiante en soins infirmiers en 2ème année, les goûts des personnes sont à prendre en considération : « j'ai déjà eu des patients qui ne pouvaient s'hydrater qu'avec de l'eau gazeuse voire gélifiée. Ils ne préféraient pas tous la même marque ».

Verre tronqué et température

L'utilisation des verres tronqués pour améliorer la déglutition a également été évoqué. Même si selon Augusta c'est une mauvaise idée : « j'ai la notion que les verres "tronqués" (si ce sont les canards) provoqueraient des fausses routes, donc verre normal ».  Autre conseil de CdZesi, qui raconte que lors de son parcours personnel elle a subi une radiothérapie et avait été confronté à des problèmes de déglutition. « Ce qui m'aidait, ce sont les liquides avec des bulles qui ne moussent pas trop dans la bouche et de les boire par petites gorgées ». Elle évoque également l'intérêt des écarts de température « surtout le froid » et « aussi le goût ».

Le goût oui, l'être humain mange et boit pour se nourrir et s'hydrater mais pas seulement, ce processus est fortement impliqué dans les liens sociaux et les rituels. Il demeure important même pour les personnes en maisons de retraite et peut-être surtout pour eux. Il paraît donc important de mettre en place des astuces au quotidien pour faciliter le moment des repas pour les personnes souffrant de presbyphagie. Mais encore faut-il que les soignants aient le temps de s'en occuper. Ainsi si les résidents des EHPAD ont effectivement besoin de nourriture et d'égards comme tout être humain !

Note



    1. La presbyphagie, les troubles de la déglutition chez la personne âgée », Anne Chevillot Sauger, Editions du Puits Fleuri, 2018, 22,50 €

Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com  @roxane0706


Source : infirmiers.com