Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

IDEL

Infirmiers libéraux : la nécessité de tracer les actes de soins

Publié le 18/08/2015

Depuis quelques mois, les caisses locales d’assurance maladie réclament de plus en plus d'indus aux infirmiers libéraux pour des soins réalisés avant ou après l'hospitalisation d’un patient. Cette pratique, qui semble se généraliser, pose de vrais problèmes. Explications.

De plus en plus d'infirmiers libéraux sont sollicités pour des indus ou soupçonnés de fraude en cas d'hospitalisation de leurs patients.

Un patient nécessitant une hospitalisation. Une situation  fréquemment rencontrée par les infirmiers libéraux (IDEL). Et pourtant, cette conjoncture pose problème dans la tarification des soins, avant ou après la prise en charge hospitalière du patient.

Deux cas de figure se présentent généralement :

  • soit la sécurité sociale sous-entend que l’IDEL facture des soins non réalisés (puisque le patient est hospitalisé). Le soignant est donc soupçonné de fraude, une allégation clairement diffamatoire dans la réalité des soins effectivement prodigués au patient ;
  • soit il est désormais interdit aux infirmières de facturer des actes le même jour qu’une hospitalisation.

Toutefois, cette disposition ne figure dans aucun texte régissant l’exercice libéral : Convention Nationale, Nomenclature Générale des Actes Professionnels, Code de la Santé Publique. Aucun d'entre-eux n’aborde la question du cumul des actes réalisés le même jour par des infirmiers libéraux et hospitalières.

Le cas de Mme X.

Mme X., infirmière libérale, se voit notifier par sa Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) un indu pour des soins réalisés un vendredi soir, il y a presque trois ans. D’après la CPAM, le patient était hospitalisé ce jour-là. Sûre d’avoir réalisé ces soins, elle saisit la Commission de recours amiable (CRA), première étape dans la résolution d'un contentieux avec l’Assurance maladie. Un courrier de réponse lui est adressé quelques semaines plus tard évoquant la fraude, et donc, la légitimité de l’indu réclamé. Mme X. ne baisse pas les bras et décide de se défendre. Après quelques recherches, elle est en capacité de fournir à la CPAM :

  • deux fiches du dossier de soins du patient prouvant son passage le vendredi soir (Fiche de Surveillance du Diabète et Diagramme de Soins) ;
  • la facture de la société de transport sanitaire prouvant que le patient a bien été transporté à son domicile en ambulance le vendredi, jour de sa sortie de l’hôpital ;
  • et (cerise sur le gâteau) un document de cette même caisse primaire, datant d’il y a un an, dans lequel est reconnu le non fondé de l’indu réclamé à l’associée de Mme X. pour des soins réalisés le week-end suivant, alors que le patient était sensé être encore à l’hôpital.

Finalement :

  • le CHU a établi, probablement de bonne foi, une fausse déclaration de sortie ;
  • la caisse accuse de fraude une professionnelle sur la base d’éléments dont elle a elle-même reconnu le caractère erroné un an plus tôt ;
  • pour faire valoir ses droits, Mme X. doit poursuivre sa procédure jusqu’au Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale (TASS), ce qui entraîne une dépense de temps, d’énergie, voire d’argent.

Les IDEL seraient-ils corvéables au point d'assurer la continuité des soins 24h/24 avec le risque de travailler gratuitement ?

Plusieurs enseignements peuvent être tirés...

Le premier est la nécessité de tracer scrupuleusement ses actes et de conserver les documents pouvant servir de preuve. Pour rappel, la tenue d’un dossier de soins est a minima obligatoire depuis la Loi du 04 Mars 2002 (voir Article L1111-7 du Code de la Santé Publique issu de la Loi dite « Kouchner » sur les droits des patients et la qualité du système de santé), et l’infirmier est dépositaire (à défaut d’en être propriétaire) des documents permettant la traçabilité de son activité. En d’autres termes, il lui appartient d’archiver les fiches de ses dossiers de soins.

Le second est  la nécessité d’oser faire valoir ses droits et de défendre son honneur. Accepter de se laisser traiter de fraudeur et payer sans contester les indus réclamés dans le simple but d’éviter de rentrer dans une procédure contentieuse alimentent la vision négative des caisses à l’encontre de notre profession.

Le troisième est la nécessité de mobiliser les structures représentatives de notre profession. En premier lieu, nous nous sommes battues pour disposer d’une instance, le Conseil de l’Ordre, dont les missions sont de garantir la qualité et la sécurité des soins. Le corollaire de cette mission de régulation de la profession est la défense de l’honneur et de la probité de ses membres. C’est la raison pour laquelle, si vous vous reconnaissez dans l’histoire de Mme X., vous êtes invités non seulement à saisir la CRA, mais également à porter plainte contre la CPAM auprès de votre Conseil départemental de l'ordre infirmier (CDOI) afin de déclencher une conciliation, puisque l’allégation de fraude relève autant de la responsabilité pénale que de la déontologie.

Mais la boucle ne serait pas complète sans la sollicitation des syndicats dont la mission est de travailler à l’amélioration de nos conditions de travail, et de nos rapports avec les CPAM par la signature d’une Convention Nationale. Les URPS devraient donc également pouvoir se saisir de ces dossiers et envisager avec les caisses les conditions de règlement des soins concernés.

Notre nomenclature générale des actes professionnels (NGAP )nous impose le deuxième acte à moitié prix, le troisième gratuit… Les HAD refusent de payer les majoration de la coordination infirmière  (MCI)… Aujourd’hui, les CPAM remettent en question la prise en charge des soins un jour d’hospitalisation… Quelle sera la prochaine étape ? De qui se moque-t-on ? Les IDEL seraient-ils corvéables au point d'assurer la continuité des soins 24h/24 avec le risque de travailler gratuitement ?

Par ailleurs, selon nos informations, et après vérification auprès d’une CPAM, il semble que les ordinateurs des caisses soient paramétrés pour détecter les doublons en lien avec les dates et non les heures. De fait, si un IDEL décidait de tenter un recours en demandant à la caisse le justificatif précisant l’horaire de l’hospitalisation (entrée ou sortie), la caisse serait contrainte de contacter l’établissement hospitalier afin de récupérer cette information, puisqu'elle ne la possède pas systématiquement… A bon entendeur !

Précisions du Conseil départemental de l'Ordre des infirmiers du Rhône

Dans un courriel adressé à la rédaction, Antoine Loubes, président du Conseil départemental de l'Ordre des infirmiers du Rhône, précise que en effet, si le Conseil de l'Ordre est effectivement là pour aider et soutenir, il ne pourra pas recevoir de plainte à l'encontre d'une CPAM. Il n'est effectivement compétent que dans la mise en cause d'un infirmier, en ce sens une plainte adressée à l'encontre d'un établissement ne pourra être jugée qu'irrecevable. Ainsi il n'y aura pas la possibilité d'organiser une audience de conciliation. En revanche, le Conseil de l'Ordre est toujours présent pour aider et conseiller en cas de difficultés.

Cet article a été publié le 9 août 2015 par le Blog de Sidéral-Santé que nous remercions de cet échange.

Sidéral-Santé


Source : infirmiers.com