Alors que la 3ème édition du Mois Sans Tabac s’est achèvé, Isabelle Hamm, présidente de l’Association Francophone des Infirmières de Tabacologie et d’Addictologie (AFIT&A) évoque son expérience en tant qu’infirmière tabacologue ou IDET et souligne le rôle prépondérant de cette spécialité.
Alors que le congrès de la Société Française de Tabacologie s’est déroulé les derniers jours de novembre, Isabelle Hamm, Infirmière Tabacologue (IDET) nous parle de son métier. Infirmière en psychiatrie depuis 1992, elle a effectué son DIU en tabacologie en 2006. Jusqu’en 2017, elle a exercé au centre hospitalier de Rouffach, d’abord en tant qu’infirmière en psychiatrie, puis comme IDET depuis 2007. Elle a ensuite complété son cursus par une formation en thérapie comportementale et cognitive de 2013 à 2016. Adhérente à l’AFIT&A depuis 2006, elle en assure la présidence depuis 2015. Elle exerce actuellement en Suisse au pôle santé mentale de l’hôpital du jura bernois.
Infirmiers.com : En quoi cela consiste d’être infirmière tabacologue ? Quelle est sa journée type ?
Isabelle Hamm - Etre IDET, c’est avoir son diplôme d’état infirmier ainsi qu‘un DU ou DIU en tabacologie et aide au sevrage tabagique
.
Les missions d’une infirmière tabacologue sont diverses. Par exemple, en interne, dans un service de soins, elle peut proposer un soutien aux fumeurs qui se retrouvent hospitalisés (substitution temporaire, aide au sevrage …). En externe, elle peut mener des consultations au sevrage tabagique, aider le fumeur à s’y préparer ou gérer son suivi. Elle a aussi des compétences pour former les autres professionnels aussi bien soignants que médicaux que ce soit dans les établissements de santé ou dans le secteur libéral. En parallèle, elle joue un rôle important dans la prévention auprès du grand public, dans les entreprises, ou dans les établissements scolaires. Elle communique via les médias et les institutions en particulier lors des temps forts (au cours de la Journée mondiale sans tabac, de la BPCO, de l’asthme, Mois sans tabac…). Elle anime des stands d’information, fait des prises de contact…
En revanche, il n’y a pas de journée type, chaque service a son fonctionnement propre et l’IDET ne travaille pas toujours à temps plein.
- En quoi consiste votre association ? Quelles sont les dernières actions menées ?
IH - Notre association milite pour promouvoir la fonction d’infirmier en tabacologie et en addictologie et plus généralement désire faire valoir l’importance des paramédicaux engagés dans la prise en charge ou dans la prévention du tabagisme et des autres addictions. Nous nous retrouvons au cours d’une journée annuelle à l’automne pour des échanges de pratiques, mettre à jour nos connaissances, évoquer des thématiques médicales comme infirmières, ou encore se tenir informer des évolutions législatives sur le sujet. Nous assurons également la session infirmière lors du congrès de la Société Française de Tabacologie (CSFT). Nous sommes aussi partenaires du RESPADD, l’association à but non lucratif qui fédère plus de 600 établissements de santé (hôpitaux, cliniques, EHPAD, établissements médico-sociaux...) engagés dans la prévention et la prise en charge des pratiques addictives.
Notre dernière action est la rédaction et la diffusion du livret premiers gestes en tabacologie
destiné à tout professionnel de santé pour lui permettre de connaître le b.a.-ba de la prise en charge du fumeur et de la prescription des traitements de substitution nicotinique (TSN).
- Pour quelles raisons se lancer dans un DU en tabacologie ? Existe-il des infirmières tabacologues intégrées dans les dispositifs Asalée ?
IH - Pour avoir une expertise dans le domaine. La tabacologie ne s’apprend pas que sur le tas, il y a des compétences spécifiques à acquérir, notamment en ce qui concerne la dépendance, les traitements médicamenteux et non médicamenteux et les techniques d’entretien.
En ce qui concerne, les infirmières Asalée, elles s’avèrent très intéressées. On les a rencontrées au cours de notre journée annuelle et certaines projettent de faire le DU de tabacologie.
- Quelles sont les dernières avancées dans le domaine de la tabacologie et du suivi de patient ?
IH - D’un point de vue institutionnel, le droit de prescription infirmière, le remboursement des traitements de substitution, le livret premiers gestes en tabacologie
, mois sans tabac sont autant de vraies réussites pour notre pays.
- Avez-vous déjà pris en charge des cas particulièrement difficiles (humainement ou autre) ? Avez-vous des exemples ?
IH - On peut citer de nombreuses difficultés, notamment le fait que les patients en psychiatrie ne soient pas toujours suffisamment soutenus pour arrêter de fumer par les professionnels de santé car ces derniers ont des représentations erronées sur ce sujet.
Un autre cas fréquent en psychiatrie : un médecin qui refuse la substitution à un de ses patients psychotiques sous prétexte qu’il fume encore et que cela lui fera trop de nicotine
, sans tenir compte de l’expertise et des recommandations de l’IDET qui voit ce patient toutes les semaines.
Autre exemple : j’ai eu à m’occuper d’un patient qui fumait 80 cigarettes /jour et pour lequel les traitements antipsychotiques n’avaient aucun effet malgré la dose maximale (certains traitements comme clozapine, olanzapine notamment, mais aussi d’autres, sont nettement moins efficace chez un fumeur). Ce patient restait donc hospitalisé, sans réelle activité car trop fatigué. Et au bout de quelques mois de PEC (10 cigarettes et diminution de moitié du traitement), il est sorti de l’hôpital. Puis, il a continué à pratiquer la marche nordique qu’il avait commencé au cours de son hospitalisation. Il n’a pas réussi à s’arrêter complètement de fumer, mais a récupéré une belle qualité de vie.
- Pouvez-vous citer des actions que vous considérez comme une vraie réussite ?
IH - Ma collègue Catherine m’a raconté qu’hier, elle faisait une intervention dans un IFSI de la Croix Rouge à 85 km de là. A la fin, un étudiant est venu la trouver et lui a dit : Je vous ai rencontré il y a 12 ans, et vous m’avez aidé à arrêter de fumer, je voulais vous écrire bien souvent pour vous remercier et aujourd’hui j’ai l’occasion de le faire
.
Un autre fois, un monsieur, venu pour « juste réduire », est parvenu à arrêter de fumer avec une thérapie comportementale et cognitive (TCC). Il a ensuite a utilisé ses compétences acquises pour perdre du poids et limiter la prise de cafés.
Propos recueillis par Roxane Curtet auprès d’Isabelle Hamm IDET et présidente de l’Association Francophone des Infirmières de Tabacologie et d’Addictologie (AFIT&A).
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