Dès 2007, le CHU de Nantes s’est engagé dans l’optimisation du parcours patient en mettant en place des cellules d’ordonnancement. Le choix institutionnel a été d’y affecter des infirmiers. Dix ans plus tard, la pertinence de cette orientation est confirmée. En effet les compétences de ces professionnels garantissent la personnalisation et la qualité du parcours patient tout en optimisant l’ensemble des ressources qui le constitue. Explications.
Une priorité au CHU de Nantes : la gestion des flux
C’est en profitant de l’opportunité d’un regroupement de spécialités chirurgicales qu’est née la première cellule d'ordonnancement en 2007. Des infirmières de coordination de parcours réalisent alors, en un lieu dédié, la programmation et la gestion des lits associée. Le périmètre de gestion de lits va s’étendre progressivement jusqu’à la gestion, en 2013, de l’ensemble de la chirurgie du site. En parallèle, dans le cadre du projet institutionnel en lien avec le contexte local (contrat de performance, projet de reconstruction CHU) et le contexte national (virage ambulatoire) qui imposent une réorganisation de l’offre de soins, sont mises en place plusieurs cellules d’ordonnancement. En 2012, une infirmière est affectée sur le poste de gestion des lits en chirurgie infantile. Cette cellule s’étend en 2017 pour gérer tout le périmètre de pédiatrie.
À ce jour, 5 cellules structurées, de médecine et chirurgie sont en fonctionnement sur une amplitude horaire de 8h à 19h (environ 700 lits) et 1 cellule de nuit gère l’ensemble des lits adultes et pédiatriques du site principal. Parallèlement, d’autres dispositifs existants, en psychiatrie par exemple, fonctionnent avec les mêmes principes. Dans cette dynamique d’évolution, l’objectif à court terme est de permettre une continuité 24h/24.
Il s’agit de décloisonner et coordonner l’ensemble des ressources nécessaires à la prise en charge du patient.
Ordonnancer : un choix qui s’impose
Le terme d’ordonnancement est une notion empruntée à l’entreprise pour optimiser la gestion des parcours. Appliqué au monde hospitalier, il s’agit de décloisonner et coordonner l’ensemble des ressources nécessaires à la prise en charge du patient.
Les activités d’un infirmier d’ordonnancement regroupent :
- la gestion prospective et quotidienne du périmètre de lits, incluant le placement des patients programmés et /ou des patients hospitalisés en urgence (entrées directes ou en provenance du Service Accueil des Urgences). Ce placement se fait en priorité au sein de l’unité préférentielle d’hospitalisation, de la spécialité, ou de la filière, dont relèvent les patients. Certaines orientations se font en concertation avec les équipes médicales et le recours à l’hébergement (selon des règles établies) est un des leviers dont dispose la cellule ;
- la programmation du parcours du patient en planifiant les étapes de ce parcours au regard de la disponibilité des ressources nécessaires ;
- la coordination du parcours permettant de mettre en lien de multiples interlocuteurs : patients, médecins hospitaliers, équipes paramédicales, médecins libéraux, plateaux techniques… Cette coordination s’exerce autant pour la gestion des lits que pour la programmation et inclue la gestion des aléas, des reprogrammations si nécessaire.
Toutes ces activités représentent une veille constante dans un contexte mouvant et souvent contraint qui impose de respecter les principes de rentabilisation des ressources, et pas uniquement la ressource lit
. Cette veille nécessite une adaptation de tous les instants pour satisfaire au mieux à la demande, et personnaliser le parcours patient. Ainsi, les infirmières d’ordonnancement sont toujours à la recherche de cohérence dans la construction des parcours, rendus visibles à l’ensemble des acteurs, y compris à l’usager.
L’infirmière travaille en appliquant les principes d’ordonnancement que nous résumerons ainsi :
- les principes de placement et d’hébergement - patient placé en dehors de sa spécialité - des patients sont élaborés avec les équipes médicales et paramédicales ;
- toute demande d’hospitalisation passe par la cellule d’ordonnancement ;
- la durée prévisionnelle de séjour est annoncée dès la programmation du parcours patient par le médecin et est actualisée ;
- la cellule est informée de tous les mouvements du service le plus précocement possible ;
- les différents circuits de communication sont formalisés et diffusés à tous les interlocuteurs.
Pour réaliser l’ensemble de ces activités, les infirmières d’ordonnancement disposent de nombreux outils et utilisent 9 logiciels informatiques, certains directement en interface avec le Dossier Patient Informatisé. Elles utilisent le téléphone et les échanges de mails pour travailler en étroite collaboration avec leurs collègues des autres cellules, les médecins et les cadres de santé.
Les infirmières d’ordonnancement sont toujours à la recherche de cohérence dans la construction des parcours, rendus visibles à l’ensemble des acteurs, y compris à l’usager.
Une mise en place qui bouscule les frontières
Mettre en place une cellule d’ordonnancement ne peut se faire sans une implication pluri-professionnelle, une conviction forte et un portage institutionnel. Elle s’accompagne forcément d’une mise à plat des processus de programmation, des modes d’entrées et de sorties et inévitablement d’une mise jour de dysfonctionnements. Elle bouscule les frontières des services et s’accompagne d’une rupture avec la répartition traditionnelle des responsabilités médicales : la responsabilité médicale pour un patient est liée à la discipline et non plus forcément au lit qu’occupe ce patient. Cette nouvelle configuration
peut s’accompagner d’un sentiment de perte de contrôle. Pour mener à bien ce projet transversal, il est donc primordial de l’avoir préparé en convergence médico-soignante (Comités de Pilotage), d’y associer une communication claire et un suivi qui puisse mettre en place très rapidement des actions correctives. Cette confiance mutuelle se gagne au fil de l’eau.
Pour le patient, bénéficier d’un interlocuteur direct et unique qui gère la programmation de son parcours, la réservation de son lit et peut délivrer l’information qui s’y rattache est un vrai confort.
Un incontournable dans la gestion du parcours patient
L’infirmière d’ordonnancement devient alors un interlocuteur privilégié pour le médecin qui apprécie d’avoir un numéro unique pour organiser le placement de ses patients, avec en ligne un professionnel qui connaît en temps réel les disponibilités en lits du service. Au sein des services, infirmiers, cadres et médecins se recentrent sur leur coeur de métier et ne s’épuisent plus à chercher des places. Pour preuve, les demandes médicales et paramédicales d’extension de périmètre d’ordonnancement sont de plus en plus fréquentes et le souhait des services ordonnancés est de pouvoir en bénéficier H24. Les interfaces se développent et d’autres périmètres non officiellement ordonnancés appliquent les principes. Cependant, l’infirmière d’ordonnancement étant l’interlocuteur pivot de tout ce qui touche au parcours patient, c’est aussi elle qui absorbe tous les mécontentements liés aux contextes de tension de lits et qui se retrouve au centre de gestion de situations complexes.
Une plus-value pour l’usager
L’application raisonnée des principes d’ordonnancement permet la pertinence du parcours. Ainsi, les infirmières d’ordonnancement essaient de ne jamais perdre de vue leur objectif de personnalisation de parcours patients, tout en respectant les principes d’optimisation, objectif résumé par cet adage : Le bon patient, au bon endroit au bon moment
. Pour le patient, bénéficier d’un interlocuteur direct et unique qui gère la programmation de son parcours, la réservation de son lit et peut délivrer l’information qui s’y rattache est un vrai confort. Il en ressort un sentiment de sécurité et de confiance vis-à-vis de l’organisation de son parcours.
Une infirmière experte
La légitimité des infirmières se joue à différents niveaux :
- vis-à-vis des médecins tant par l’analyse liée au raisonnement clinique que la capacité à se positionner ;
- vis-à-vis des pairs grâce à leurs connaissances approfondies des soins et des organisations des services ;
- vis-à-vis des directeurs dans la gestion des alertes en période de tension de lits.
En outre, l’infirmier d’ordonnancement porte et impose subtilement
à tous les interlocuteurs cette nécessaire ouverture des territoires et participe à l’acceptation progressive du décloisonnement. Les compétences attendues sont prioritairement l’adaptation, la rigueur, une vision globale et institutionnelle. La gestion du stress, la prise de recul et une vigilance accrue pour décoder les indicateurs d’alerte sont tout aussi importantes. L’ensemble de ces compétences définit le profil des infirmières à recruter. La posture d’expert de l’infirmière d’ordonnancement, l’attention portée au patient, le niveau d’exigence attendue du service rendu sont des facteurs de reconnaissance de la profession.
Les infirmières des diverses cellules ont développé un sentiment d’appartenance à un collectif d’ordonnancement. Leurs échanges sur retour d’expérience soulignent la plus-value de l’expertise infirmière dans l’organisation du parcours patient. Des questionnements liés à la profession infirmière émergent autour de ces nouvelles organisations. Voit-on apparaître : un nouveau métier ?
Une extension de périmètre de l’exercice professionnel ? Une nouvelle spécialisation ?
Références bibliographiques
- ANAP (2015)
Gestion des lits : vers une nouvelle organisation
, Tome1. - ANAP(2016)
Gestion des lits : vers une nouvelle organisation
, Tome2. - Roux T., Vallee JC., Moriceau C. (2013)
Gestion des lits et ordonnancement du circuit patient : un dispositif innovant expérimenté au CHU de Nantes
Revue hospitalière de France n°552. - Fiche métier "gestionnaire de lit" (collaboration AP-HP - CHU de Nantes) en attente de validation pour le répertoire des métiers de la FPH.
Article rédigé en collaboration inter-cellule par trois infirmières de l’équipe d’ordonnancement du CHU de Nantes :
- Valérie Pannier, Infirmière à la cellule d’ordonnancement Chirurgical.
- Aurélie Tesson, Infirmière à la cellule d’ordonnancement Urgences-Médecine.
- Peggy Vaillant-Galisson, Infirmière à la cellule d’ordonnancement Nuit.
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