Le bulletin épidémiologique hebdomadaire du 26 avril dernier est consacré au Réseau d’Alerte, d’Investigation et de Surveillance des Infections Nosocomiales (RAISIN). Une bonne occasion de faire le point sur ce système au service de l’hygiène hospitalière.
La lutte contre les infections nosocomiales fait aujourd’hui partie intégrante de nos pratiques quotidiennes. Les infections liées aux soins (IAS), notamment, sont une préoccupation permanente des tutelles et de l’Institut de Veille Sanitaire (InVS). Ce dernier a fait paraître, dans son dernier Bulletin Épidémiologique Hebdomadaire (BEH), une série d’articles sur le sujet, en particulier sur l’outil le plus efficace qui ait été créé pour les enrayer, le RAISIN.
Lavage des mains avec une solution hydro-alcoolique
Initié par l’InVS en 2001, le RAISIN a été créé pour centraliser et standardiser les méthodes de travail réalisé par les Centres régionaux de Coordination de Lutte contre les Infections Nosocomiales (CCLIN). Il a permis de réaliser une étude comparative, au niveau national, des différents établissements hospitaliers. Il s’étend aujourd’hui à la majeure partie de l’Europe1, grâce à l’intégration des protocoles nationaux, piloté par le Centre Européen de Prévention et de Contrôle des Maladies (ECDC).
A travers différents objectifs d'investigation, ce réseau a permis, dans les années 2005-2008, de faire reculer significativement la prévalence globale des infections nosocomiales (IN). L'une des composantes majeures de cette réussite est le lavage des mains.
Les campagnes menées au sein des établissements par les Équipes Opérationnelles d'Hygiène (EOH) en faveur de l'utilisation de solutions hydro-alcooliques (SHA) ont porté leurs fruits. L'indicateur de consommation de SHA est même devenu le baromètre d'une bonne hygiène des mains.
Une marge de progression significative
Les enquêtes quinquennales de prévalence de 2001 et 2006 montrent tout de même, selon le BEH2, une différence significative de résultats entre établissements similaires. Si près de 100% d'entre eux possèdent aujourd'hui un CLIN et une EOH, certains ne réalisent jamais de signalement externe d'évènements indésirables en hygiène.
Or dans ce domaine, le signalement est la base du travail épidémiologique. Il permet, par exemple, dans le cas des infections émergentes, d'anticiper une éventuelle épidémie en déclenchant le dispositif d'alerte. Il est utile, aussi, dans le suivi de certaines Bactéries Multi-Résistantes (BMR) et pour l'évaluation des différences entre les hôpitaux. Lorsqu'on sait qu’en 2011, plus de la moitié n'ont jamais effectué de signalement, on mesure la marge de progression restant à accomplir.
Des freins variés
Une enquête sociologique3 dans différents établissements de santé montre que les freins au signalement sont assez divers. Ainsi, certains soignants assimilent une infection à une faute professionnelle et hésitent à la signaler par crainte d'être sanctionnés. D'autres contestent le caractère nosocomial des infections et ne jugent pas utile de donner suite. Certains cliniciens, quant à eux, sont attachés à la pratique médicale libre, régulée par la conscience morale et professionnelle, et refusent une toute autre démarche qualité imposée.
Souvent, les signalements ne sont pas faits car ils sont jugés chronophages. La procédure de déclaration, quoique standardisée, est contraignante pour des soignants toujours plus sollicités dans leurs pratiques.
Un outil électronique va bientôt les aider : e-SIN4. Ce projet de l’InVS, commencé en 2008, se présentera comme un site Internet sécurisé où les déclarants rempliront une fiche simplifiée. Celle-ci sera ensuite envoyée directement vers le CCLIN, l’ARS et l’InVS. Ce procédé permettra de réduire les délais d’action pour ces institutions. Pour le déclarant, il donnera accès à l’historique et aux statistiques liés au germe mis en cause.
L’année 2010 aura été une période de développement et de test dans certains hôpitaux de 8 régions. Le déploiement du service est prévu pour septembre 2011.
Quelques initiatives locales à suivre
La prévention des infections nosocomiales n’est possible que par une surveillance continue et méthodique. Le BEH5 prend l’exemple du Centre Hospitalier (CH) de Mulhouse, où le CLIN, la Commission Médicale d’Etablissement (CME) et un conseil de surveillance établit des plans d’amélioration. Cela passe par des formations, des protocoles et l’évaluation des pratiques professionnelles.
Trois axes de travail se dégagent dans cet hôpital :
- la maîtrise du risque infectieux en secteur opératoire (ISO), pour laquelle tous les secteurs chirurgicaux ont participé,
- la réduction de la diffusion des (BMR), l’action portant ici sur le bon usage des antibiotiques et l’utilisation de SHA pour limiter la transmission croisée des micro-organismes,
- la maîtrise des IN liées aux dispositifs médicaux, notamment les bactériémies apparues après la pose d’un cathéter veineux central ou périphérique.
C’est aussi un audit des pratiques professionnelles qui a permis, au CHU de Clermont-Ferrand, de déterminer les causes d’une épidémie à Klebsiella Pulmonae dans un service d’endoscopie6. Des manquements dans la chaîne de décontamination des endoscopes étaient en cause, dans une période de surcharge de travail concomitante au changement du cadre de santé et de 5 infirmières. Des mesures correctives ont pu ainsi être décidées sans tarder, parmi lesquelles l’étalement des plages horaires des examens et des procédures de nettoyage formalisées. Cette épidémie a, d’autre part, fait aussitôt l’objet d’une alerte nationale, via le RAISIN, adressée à l’AFSSAPS.
Le BEH présente aussi comment, au sein du CH de Quimper7, les Infections du Site Opératoire (SIO) sont surveillées. Les courriers médicaux, insérés dans le Système d’Information Hospitalier (SIH), sont traités et analysés par mots-clés (1,6 millions de documents indexés). La recherche des infections se fait ainsi via un diagnostic clinique et peut s’étendre aux périodes post-hospitalisation.
Ces trois exemples sont significatifs de la prise de conscience globale, au niveau local, de l’impact des IN dans la prise en charge des patients.
Étendre le dispositif au secteur médico-social
Après dix ans d’existence, le RAISIN apparaît comme un outil efficace, les résultats en témoignent. Il a été récemment évalué8 selon une méthodologie américaine. Et c’est la surveillance des Bactéries Multi-Résistantes (BMR) qui a fait l’objet de cette évaluation.
Les objectifs, l’utilité, le fonctionnement et les performances techniques du réseau figuraient parmi les critères de cette enquête à laquelle ont participé les utilisateurs (dans les CCLIN, l’InVS) et les participants (professionnels de santé en charge du réseau dans les ES).
Les résultats ont été positifs quant au fonctionnement et à la réalisation des objectifs. Le BMR-RAISIN s’est avéré très utile, notamment pour la prise de conscience dans les ES et l’amélioration des pratiques professionnelles. Les performances techniques ont suscité des réserves, la rétro-information apparaissant tardive et insuffisante et les données nationales restant opaques.
Des recommandations ont été émises afin de bonifier ces points négatifs.
La lutte contre les infections nosocomiales a trouvé son allure de croisière. De plus en plus d’établissements de santé se montrent concernés par la participation à l’enrichissement de la base de données que représente le RAISIN. Mais des progrès restent encore à accomplir, en l’étendant au secteur médico-social et par une approche globale des IAS. Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, limiter l’ambition de ce système à son seul maintien serait le conduire à l’échec.
Notes
- BEH 15-16-17, p.179
- BEH 15-16-17, p.193
- BEH 15-16-17, p.197
- BEH 15-16-17, p.204
- BEH 15-16-17, p.181
- BEH 15-16-17, p.201
- BEH 15-16-17, p.188
- BEH 15-16-17, p.190
Bruno BENQUE
Rédacteur Infirmiers.com
bruno.benque@gmail.com
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