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Impliquer les infirmiers dans la prise en charge de la goutte : c’est le pied !

Publié le 22/03/2019
Impliquer les infirmiers dans la prise en charge de la goutte : c’est le pied !

Impliquer les infirmiers dans la prise en charge de la goutte : c’est le pied !

Contrairement à ce que l’on croit, la goutte, maladie ancestrale est toujours d’actualité. Afin d’éviter que la pathologie ne cause des dommages articulaires irréversibles, il est important de traiter les patients le plus rapidement possible. Une étude publiée récemment dans la revue The Lancet montre l’intérêt d’impliquer les infirmiers dans la prise en charge des patients goutteux. En effet, ceux-ci se sentent davantage acteurs de leur santé et sont donc plus observants.

Une étude du Lancet pointe les bienfaits de l’expertise des infirmiers pour prendre en charge les patients goutteux © wikipedia

La goutte reste une des arthrites les plus courantes. Liée à un haut niveau d’acide urique dans le sang, elle cause des inflammations articulaires périodiques et d’intenses douleurs (voir encadré). Des chercheurs de l’Université de Nottingham ont montré que des patients bien informés et impliqués dans les décisions quant à leur prise en charge et leurs traitements sont plus observants et parviennent davantage à gérer leur maladie. Mieux encore, l’essai clinique en question, paru dans The Lancet, suggère que les infirmiers seraient plus efficients que les généralistes dans le suivi des personnes goutteuses.

Les infirmiers ont suivi au mieux les pratiques recommandées, celles-ci incluant des informations complètes données au patient, son engagement et une stratégie thérapeutique ciblant la réduction du taux d'acide urique. Une fois informés, presque tous les patients souhaitent recourir à un traitement de fond et continuent à le prendre régulièrement. Il en résulte une élimination progressive des cristaux d'acide urique responsables de la goutte et des améliorations cliniques ultérieures, souligne le Pr Michael Doherty, spécialiste de la rhumatologie à l’université.

En fait, la goutte : c’est quoi ?

La goutte est un rhumatisme articulaire dû à des dépôts de cristaux microscopiques d’acide urique dans les articulations. Elle touche 1 % des français, principalement les hommes. Cette pathologie provient d’un taux trop élevé d’acide urique dans le sang (hyperuricémie). C’est une condition nécessaire mais pas suffisante au développement de la maladie car heureusement seulement 10% des personnes en état d’hyperuricémie deviendront goutteuses, une prédisposition et des facteurs génétiques entrent également en ligne de compte.

En effet, l’acide urique est produit par l’organisme en bonne santé lors de la destruction des protéines (notamment au cours de la digestion) mais il reste à un taux inférieur à 70 mg/litre. Pour maintenir ce taux, cet acide urique est constamment éliminé par les reins. Ainsi, il existe deux mécanismes pouvant induire une hyperuricémie : une chute de l’élimination rénale de l’acide urique (cause qui demeure la pus fréquente) ou une surproduction d’acide urique (provenant d’une alimentation trop riche en protéine par exemple).

Ainsi, lorsque l’acide urique est présent en forte concentration dans le sang et que les conditions sont favorables (acidité insuffisante du milieu), les microcristaux précipitent, ce qui entraîne une inflammation locale responsable des fameuses crises de goutte. Celles-ci touchent préférentiellement le gros orteil, voire toutes les articulations du pied, puis celles de la main, du coude et du genou. Ces crises débutent brutalement et sont caractérisées par des douleurs pulsatiles très vives, puis elles vont disparaître d’elles-mêmes. Pendant plusieurs années, le goutteux va faire des crises périodiquement qui vont se rapprocher petit à petit. Il s’agit de la phase de goutte aiguë.  Puis au bout d’un moment, le laps de temps entre les crises n’est plus asymptomatique : des douleurs persistent et l’articulation se déforme jusqu’à se détruire, la douleur devenant moins intense mais permanente. On parle alors de phase de goutte chronique.

Deux types d’examens peuvent permettre de diagnostiquer la goutte : un examen biologique (reposant sur le dosage de l’acide urique dans le sang ou de la créatinine qui reflète la fonction rénale) et un examen radiologique qui permet d’observer la destruction articulaire lors de la phase chronique.

Pour éviter d’en arriver à la chronicité de la maladie, l’hyperuricémie doit être traitée de même que la douleur dans la période de crise. En effet, lors des poussées, le repos est de mise. Mettre de la glace sur l’articulation touchée pour raccourcir la durée de l’accès goutteux. Pour lutter contre la douleur, la colchicine et les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) restent les médicaments de référence. En ce qui concerne le traitement de fond, il repose sur les hypo-uricémiants qui doivent permettre de faire revenir l’uricémie à la normale (les recommandations internationales préconisent de descendre au-dessous de 60 mg/litre), et par conséquent, de faire disparaître les crises. Ainsi, si le patient est traité lorsqu’il est encore en phase aiguë, la pathologie ne va pas évoluer. Mais si on survient trop tard, au stade chronique, les dommages causés aux articulations ne seront pas réversibles.

L'approche centrée sur le patient menée par les infirmiers lors des travaux offre une alternative convaincante qui améliorera la qualité de vie des patients

L’éducation thérapeutique du patient : les infirmiers au taquet

En plus des traitements de gestion de crise, il est nécessaire de recourir aux hypo-uricémiants pour réajuster le niveau d’acide urique dans le sang en dessous du seuil critique (60 mg/litre) pour éviter toute cristallisation des microcristaux d’acide urique. Les patients sont aussi souvent invités à améliorer leur hygiène de vie, notamment via une alimentation plus équilibrée.

Cependant, d’après les chercheurs, seulement 40% des patients britanniques reçoivent ces traitements de fond, et, lorsque c’est le cas, ils sont prescrits à une certaine dose fixée à l’avance. Alors que, selon les spécialistes, il serait peut-être préférable de surveiller et de graduellement augmenter la dose afin d’attendre un taux d’acide urique en dessous des préconisations. Les scientifiques ont également remarqué que l’observance des patients de manière générale était loin d’être optimale.  Or, une étude précédente suggérait que si les patients sont mieux impliqués dans leur prise en charge, près de 90% d’entre eux sous hypo-uricémiants présentent une bien meilleure observance après un an de traitement.

Ainsi, un essai clinique randomisé basé sur le suivi de 500 patients goutteux pendant deux ans a été lancé. Le but de ces travaux était de comparer la prise en charge des médecins généralistes et celle d’infirmiers préalablement formés à cet effet. Ainsi, la moitié des patients ont eu affaire à un praticien et l’autre moitié à un infirmier. Leur taux d’acide urique était fréquemment contrôlé au cours de l’étude, le nombre de crise et la présence de tophus (grosseur sous la peau causée par l’agglomération des cristaux) étaient aussi soigneusement notés.

Plus précisément, lors de la prise en charge, les infirmiers offraient un ensemble de soins individualisés. Cela comprenait notamment une évaluation globale, une discussion sur les perceptions de la maladie, des explications détaillées sur son fonctionnement, par exemple sur ses origines, ses conséquences et les options de traitement. En outre, ils tentaient d’impliquer le patient dans la prise de décision.

Les résultats sont clairs : après deux ans, 96% des patients suivi par un infirmier étaient sous hypo-uricémiants contre 56% pour ceux traités par le généraliste. De même, les patients pris en charge par les paramédicaux étaient plus observants et cela avait un impact sur l’évolution de leur maladie : 95% d’entre eux avaient un taux d’acide urique en dessous des recommandations contre seulement 30% dans l’autre groupe. Ainsi, une prise en charge par des infirmiers réduirait significativement les crises, les tophi et plus généralement améliore la qualité de vie des patients.

Le Pr Doherty conclut cette étude en mettant l’accent sur l’emploi du temps trop chargé des praticiens de ville : actuellement, les contraintes de temps imposées aux généralistes empêchent les patients de prendre pleinement conscience des avantages liés à la prise de leurs traitements. L'approche centrée sur le patient menée par les infirmiers lors des travaux offre une alternative convaincante qui non seulement contribuera à atténuer les problèmes à long terme, mais améliorera également la qualité de vie de ces personnes. Et, bien que cela prenne plus de temps avec chaque patient, cela devient très rentable à long terme. En effet, le plus important avec ce type de pathologie demeure le suivi des patients et l’éducation thérapeutique, ce qui permettra aux personnes concernées d’acquérir des compétences pour gérer au mieux leur maladie. Parfois il est préférable que plusieurs professionnels de santé s’associent dans la prise en soin (médecin, infirmier, ou autre) pour distiller l’information, la délivrer… goutte-à-goutte.

Note

Roxane Curtet Journaliste infirmiers.com roxane.curtet@infirmiers.com  @roxane0706


Source : infirmiers.com