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Hippocrate : le serment malmené... et pourtant !

Publié le 14/03/2017
© Jaïr Sfez

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"Ne craignez rien, votre santé est entre de bonnes mains"... telle est l'accroche du film de Thomas Lilti, Hippocrate, sorti aujourd'hui en salle. Par son réalisme et l'authenticité de son propos, il devrait plaire aux soignants - moins aux décideurs hospitaliers ? - et peut-être, inquiéter, voire déplaire aux usagers en santé... Pour notre part, à la rédaction, nous avons vraiment aimé le film, véritable tragi-comédie et parfaite illustration de cette incroyable école de la vie qu'est l'hôpital au travers du parcours initiatique d'un jeune interne. Voici pourquoi... 

Le film Hippocrate est diffusé le mardi 14 mars 2017 sur France 2 dans le cadre d'une soirée "Jeunes médecins". Après la diffusion du film, à 22h40, un documentaire "Devenir médecin" s'intéresse à deux étudiants en 4eme année de médecine, soutenus par deux internes, qui découvrent avec un regard frais et une vocation intacte le monde « merveilleux » de l’hôpital. A ne rater sous aucun prétexte...

L'envie de Thomas Lilti, réalisateur du film Hippocrate, n'était pas de raconter le parcours d’un jeune interne en médecine, mais l’envers du décor, les coulisses…

Le récit initiatique d’Hippocrate est librement inspiré de l’expérience de son réalisateur, Thomas Lilti, lui-même médecin, qui signe ici son second long métrage. Je savais qu’il fallait que je me démarque de l’imagerie collective de l’hôpital véhiculée par les séries télé. D’autant plus que la réalité en est très éloignée. souligne t-il.

Benjamin a 23 ans et débute son internat. Il a choisi pour ce faire le service de médecine interne de son père, patron confortablement installé dans la place et rodé à toutes les situations, prompt ainsi à "dégainer" la solution adéquate pour couvrir son équipe, avec plus ou moins de morale...

Riche du titre "d'interne", Benjamin n'en est pas moins novice. Nonchalant, maladroit, peu sûr de lui, l'expérience est brutale : il doit assurer d'emblée, poser des diagnostics, les affirmer, organiser les admissions, les sorties, gérer les cas difficiles, gérer les dossiers de patients, se confronter à ses confrères, aux railleries des infirmières, reconnaître ses erreurs, bref... soigner en toute responsabilité dans un univers hospitalier hostile sur bien des points et dont les codes lui sont bien souvent inconnus.

La médecine est le sujet du film mais dans le fond le parcours de Benjamin est universel. Toute personne de 20 ans partage ce genre de problématiques. À la différence de moi, Benjamin a d’énormes responsabilités.

Vincent Lacoste qui joue Benjamin

Alors Benjamin, tâtonne, hésite, s'inquiète, s'épuise, manque de courage, ment, souffre... Il est seul face à ses choix, au sein d'une équipe soignante qui ne le ménage pas et qui n'a guère le temps de l'encadrer, de l'aider, de le rassurer, confrontée elle aussi à ses propres difficultés... Les patrons sont aux abonnés absents - du moins aux moments critiques -, les collègues médecins sont débordés, se jalousent, manquent de solidarité et d'empathie, les infirmières sont rompues aux gestes techniques mais gravement démunies en matériel de soins et désabusées sur leurs conditions de travail, bien que toujours prêtes à un mot d'esprit décalé... Mais de jour comme de nuit, les patients, eux, sont bien là avec leurs besoins d'être (bien) soignés, écoutés, sédatés... Quant à leurs familles...

Tous ceux qui connaissent l'hôpital s'y reconnaîtront parfaitement... Les situations sont finement mises en scène et les six mois de vie hospitalière de Benjamin suivies de façon réaliste et dynamique. Il flotte dans sa blouse Benjamin, au sens propre comme au figuré... Confronté aussi brutalement à ses limites, à ses peurs, à son ignorance tant technique que psychologique, Benjamin va faire, dans la douleur, son "école de vie" et le payer cash... mais tout ce qui ne tue pas rend plus fort, non ?

Je me sens en accord avec le propos du film et ce que véhicule le personnage d’Abdel. Dans son parcours, j’y vois la richesse que les étrangers peuvent apporter à la France mais aussi comment la France se coupe de ces richesses en ne les reconnaissant pas.

Reda Kateb qui joue Abdel

Le quotidien de Benjamin sera cependant parasité et complexifié mais également enchanté par son co-interne, Abdel, médecin étranger plus expérimenté que lui mais dont la parole et l'expertise peinent à se faire entendre... Il apprendra de lui et des situations vécues en sa compagnie, l'empathie et le respect de la parole d'autrui au prix de la désobéissance, mais aussi la malhonnêteté intellectuelle de sa hiérarchie perdue dans des logiques comptables qui les dépassent... Ensemble, dans la joyeuse communauté des internes hospitaliers, largement décrite avec tous les excès qu'on lui connaît : les rituels scatos, l'humour noir et vache, les salles de garde paillardes, les fêtes avinées, les attitudes bravaches qui cachent bien des failles face à la souffrance et à la mort qui rôde, nous avancerons avec eux et deviendrons meilleurs car il le faut à tout prix.

Ce film d'une grande humanité nous ballade au coeur de la vie, des drames et des sentiments qui la constituent : peur, lâcheté, trahison, hypocrisie, jalousie, souffrance, insolence, couardise, mais aussi empathie, bienveillance, solidarité et attention avec l'autre... Au final, l'équilibre est de mise dans cette tragi-comédie qui nous rappelle ce que nous savons tous : l'hôpital est un microcosme à lui tout seul qui confronte ses acteurs à leur vulnérabilité et à leur condition d'homme parmi les hommes, avec leurs forces et leurs faiblesses, face à leur volonté de soigner. Une question se pose en filigrane : soigner est-il une vocation ? Une réplique du film y répond : pas une vocation, plutôt une malédiction...

En faisant tourner acteurs et vrais soignants, je me suis dit qu’il allait s’opérer un échange de savoir entre eux. Je voulais gagner en réalisme et donner le sentiment que le récit n’est pas fabriqué.

Thomas Lilti, le réalisateur

Alors oui, en référence à Hippocrate et à son fameux serment qui est encore aujourd'hui prêté par les nouveaux médecins (cf. encadré ci-dessous), on peut considérer qu'il n'est pas toujours facile - et possible - d'honorer ses engagements. En ce sens, et c'est aussi le sens du titre, oui, le serment d'Hippocrate est dans ce film malmené, parfois bafoué, mais il nous rappelle également que soigner est souvent un défi qu'il faut s'imposer à soi-même à tout moment et dans toutes circonstances. En nous montrant une communauté hospitalière réaliste autant qu'authentique, avec ses doutes, ses trahisons et ses souffrances, qui peine parfois à faire preuve de bienveillance envers elle-même et autrui, elle gagne en humanité. N'en déplaisent à ses détracteurs qui n'en connaissent ni les affres, ni les bonheurs qui les accompagnent...  

• Hippocrate, un film de Thomas Lilti, distribué par Le Pacte (www.lepacte.fr), avec Vincent Lacoste, Reda Kateb, Jacques Gamblin, Marianne Denicourt. Sortie nationale le 3 septembre 2014. 1h42. Présenté avec succès au Festival de Cannes 2014 dans le cadre de la semaine de la critique, le  film vient de remporter le prestigieux Valois d'or du FFA, Festival du film francophone d'Angoulême.

Pour rappel : ce que dit le serment d'Hippocrate

Rédigé par Hippocrate Le Grand ou Hippocrate de Cos aux alentours du IVe siècle av. J.-C., voici ce que dit le texte, principe de base de la déontologie médicale. "Au moment d’être admis(e) à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité.

Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.

Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité. Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité.

J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences. Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences.

Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.

Admis(e) dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés. Reçu(e) à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les moeurs.

Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément.

Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission. Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services  qui me seront demandés.

J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité.

Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré(e) et méprisé(e) si j’y manque."

Source : Conseil de l'ordre des médecins

Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com


Source : infirmiers.com