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Haïti : l'équipe médicale de MSF débordée

Publié le 19/01/2010

Les soins aux blessés demeurent la priorité après le séisme qui a frappé Haïti mardi dernier, mais le chaos actuel peut rapidement faire craindre des diarrhées et des pneumonies mortelles, notamment chez les jeunes enfants, a indiqué lundi à l'APM la directrice adjointe du département médical de Médecins sans frontières (MSF), Brigitte Vasset.

Près d'une semaine après ce tremblement de terre, qui a touché la capitale Port-au-Prince et ses environs, le bilan semble encore plus terrible que celui jusqu'alors annoncé, qui pourrait s'élever à 200.000 morts et 3 millions de blessés et de sans-domicile. La ville est en proie au chaos, sanitaire et sécuritaire, en raison d'une pénurie d'eau, de vivres, de carburant et de médicaments.

Alors que plusieurs hôpitaux de la ville n'ont pas résisté à la catastrophe, l'urgence médicale reste la prise en charge des blessés du séisme, a indiqué Brigitte Vasset à l'APM. A elle seule, MSF dispose d'une liste d'attente de 400 personnes à opérer, "avant tout des amputations et des fractures ouvertes, mais aussi des césariennes".

La situation sanitaire risque en revanche de se compliquer par la promiscuité et la pénurie générale. "Ce ne sont pas les cadavres qui transmettent les épidémies, ce sont les regroupements de personnes, comme des camps de déplacés, et surtout quand il n'y a pas d'eau, avec un risque de diarrhées et de pneumonies", notamment chez les moins de 5 ans, a-t-elle considéré.

"Avant le tremblement de terre, la situation n'était déjà pas bonne: la couverture vaccinale contre la rougeole est de seulement 58%, il y a eu une épidémie de diphtérie en 2009 et il y a eu plusieurs cas de tétanos", a expliqué Brigitte Vasset. En revanche, "il n'y a pas eu de choléra ces dernières années".

Au-delà des conséquences immédiates, MSF "prépare des traitements pour les personnes atteintes de maladies chroniques, en raison de ruptures de médicaments", que ce soit contre le diabète, l'hypertension ou l'infection par le VIH. "C'est un besoin auquel les autres [acteurs de terrain] ne vont pas pas répondre dans l'instant".

Lors d'une téléconférence de presse de MSF organisée lundi après-midi, Loris de Filippis, coordinateur opérationnel sur le terrain, a fait état de personnes prises en charge avec des blessures par balle, à la suite des fusillades qui se font jour dans la ville.

Une équipe débordée, en attente de renforts

Débordée, l'équipe médicale de MSF se constitue actuellement de 165 volontaires, dont 30 étaient déjà présents à Haïti, a indiqué une porte-parole de MSF, Avril Benoît, lors de la conférence de presse. Une quarantaine d'autres sont en route.

"Nous sommes dans une course contre la montre, avec des gens qui risquent une septicémie" en raison d'une pénurie d'antibiotiques, a craint le responsable des programmes MSF à Haïti, Benoît Le Duc, lors de cette conférence de presse.

A ce jour, 3.000 personnes ont été traitées par MSF depuis le séisme, et près de 500 opérations auraient déjà eu lieu.

Huit cents volontaires haïtiens travaillaient avec MSF dans le pays, et l'ONG disposait d'un hôpital qui s'est effondré lors du séisme, avec "une trentaine de personnels hospitaliers et une quarantaine de patients", a indiqué Brigitte Vasset. A ce jour, trois volontaires de MSF sont officiellement décédés, à savoir un chirurgien, une infirmière anesthésiste et une aide-soignante, a-t-elle ajouté.

La situation est fortement aggravée par les difficultés à joindre le pays, en raison d'une surcharge de l'aéroport, peu endommagé (si ce n'est la tour de contrôle) mais de petite taille. Sa gestion a momentanément été confiée aux autorités américaines.

Malgré les autorisations obtenues, deux avions de MSF, dont l'un porteur d'un hôpital gonflable de 100 lits, ont dû être détournés sur Saint-Domingue, engendrant des retards de 48 heures, selon Benoît Le Duc. Il s'est dit "frustré" de ces retards, faisant état de la pénurie de matériel.

L'hôpital gonflable est arrivé lundi matin par la route, et ne sera opérationnel que mercredi, a regretté Brigitte Vasset. Au total, quatre avions ont déjà pu atterrir directement sur Port-au-Prince, et six autres sont attendus d'ici la fin de la semaine, a indiqué Avril Benoît lors de la conférence de presse.

Un hôpital de campagne français a subi le même sort, le secrétaire d'Etat à la coopération, Alain Joyandet, annonçant avoir protesté auprès des autorités américaines -un incident que le quai d'Orsay a aussitôt démenti.

Cet hôpital gonflable "ne sera pas suffisant", a reconnu Brigitte Vasset. Dès que possible, MSF compte mettre en place des "villages médicaux", à savoir des tentes où les gens pourront être soignés, une fois passé le temps des soins intensifs.

La situation semble tout aussi dramatique dans les villes des environs de Port-au-Prince, "détruites à 80%" et qui ne disposent toujours pas d'assistance humanitaire six jours après la catastrophe, a indiqué Benoît Le Duc, qui a survolé ces zones en hélicoptère.

20 Millions d'euros français, 430 millions européens

A ce jour, l'aide française à Haïti s'élève à "environ 20 millions d'euros, dont 10 millions en réponse à l'appel des Nations unies, 2 millions d'aide alimentaire d'urgence ainsi que des moyens humains et matériels mis en place par les ministères concernés", a annoncé lundi matin le Premier ministre, François Fillon, dans un communiqué, au terme d'une réunion avec ses ministres des affaires étrangères et de la défense.

La présence française sur le terrain sera de 650 personnes "dans les prochaines heures", et deux bâtiments de la marine arriveront "dans les prochains jours". Depuis mercredi, 677 personnes, dont 596 Français, ont pu être évacuées d'Haïti.

L'Union européenne, dont les ministres de la coopération se sont réunis lundi à Bruxelles, s'est engagée à verser 430 millions d'euros au pays, dont 92 millions pour l'aide à court terme (dont les 10 millions d'euros français), auxquels s'ajouteront 30 millions de la Commission européenne. Sont également prévus 107 millions d'euros pour la réhabilitation du pays et 200 millions pour la reconstruction à moyen et long termes.


Source : infirmiers.com