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Grippe mortelle dans un Ehpad : une trop faible vaccination en cause ?

Publié le 08/02/2017

L'Inspection générale des affaires sociales (Igas), tout en reconnaissant les "précautions" prises par la maison de retraite lyonnaise où 13 résidents sont morts de la grippe en décembre 2016-janvier, pointe la faiblesse de la vaccination des résidents et du personnel, dans un rapport publié le 6 février 2017.

72 résidents de l'Ehpad Berthelot ont été touchés par l'épidémie de grippe depuis le 19 décembre 2016.

La ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, avait diligenté une inspection le 7 janvier, au vu de cette épidémie d'une "importance exceptionnelle" au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) Berthelot, géré par le groupe Korian. Sur 102 résidents présents au début de l'épidémie, 13 sont décédés entre le 23 décembre 2016 et le 5 janvier, relèvent les inspecteurs Alain Meunier et Alain Lopez dans le rapport. Au total, 72 résidents ont été touchés par la grippe depuis le 19 décembre 2016, selon un point fait par l'équipe médicale de l'Ehpad au 7 janvier. Par ailleurs, six employés ont été infectés.

L'établissement prenait des précautions pour limiter les risques de contamination par le virus de la grippe, reconnaissent les auteurs. Ils citent le lavage des mains, la sensibilisation du personnel aux mesures d'hygiène et une information du personnel et des visiteurs. Sur les conseils d'une équipe mobile d'hygiène hospitalière (EMH) des Hospices civils de Lyon (HCL), des mesures renforcées ont été mises en oeuvre dès le début de l'épidémie : isolement des résidents malades, lavages des mains plus systématiques, port de masque systématique, limitation des visites, suspensions des animations pour les personnes symptomatiques. Dans l'ensemble, les procédures à suivre, prévues par les recommandations nationales, ont été correctement appliquées par l'établissement, par l'EMH, par l'ARS (agence régionale de santé Auvergne/Rhône-Alpes), constate l'Igas.

Elle souligne que les résidents présentaient globalement des indicateurs GIR et Pathos (dépendance et besoins en soins) supérieurs à la moyenne régionale, et un grand âge (91,7 ans pour les personnes décédées) qui les rendait très vulnérables. Seuls l'assouplissement des mesures autour du jour de Noël et le défaut de vaccination des professionnels et des résidents peuvent être incriminés pour expliquer la difficile maîtrise de cette épidémie, estime la mission. Sur le premier point, la survenue des premiers cas juste avant le jour de Noël, suivie d'un répit ayant laissé croire que le danger était écarté, a fait que les mesures d'isolement et d'hygiène générale n'ont pas été appliquées pendant plusieurs jours avec toute la rigueur souhaitable, pointent les inspecteurs. Trois jours après, le 28 décembre, 14 nouveaux cas se sont déclarés, entraînant l'interdiction de toute visite au sein de l'établissement. Le directeur régional de Korian, Bruno Doerler, conteste ce point dans sa réponse à l'Igas, annexée au rapport: Si le dispositif n'a pas été accru pendant cette période [du 23 au 28 décembre], il n'a pas pour autant été assoupli ou abaissé. L'Igas rétorque à son tour que l'organisation d'un réveillon de Noël à l'Ehpad, compréhensible sachant de quelle charge symbolique il est porteur, était en contradiction" avec les conseils de l'EMH, qui avait prôné "la limitation des visites et le port de masques pour les visiteurs.

L'Igas prône la vaccination "pour tous les professionnels et les résidents"

D'autre part, l'inspection souligne que le taux de couverture vaccinale des résidents contre la grippe, qui était de 80% en 2015-2016, était moitié moindre cette année (40%). A titre de comparaison, 82% des résidents d'Ehpad de la région étaient vaccinés en 2015-2016, et 86,3% dans les autres établissements Korian (au 6 janvier 2017).

La vaccination a été quasiment interrompue au moment de la survenance du premier pic de grippe [en France] courant décembre, explique Korian. L'établissement a aussi justifié son faible taux par les refus de certaines familles de faire vacciner leur proche et par des retards dans l'obtention des bons de prise en charge de la vaccination par l'assurance maladie. L'Igas conclut à un défaut de stratégie et de pilotage interne de la campagne de vaccination qui s'est traduit notamment par des différences de pratique selon les étages, par un calendrier tardif des opérations vaccinales, et peut-être par un trop faible effort de persuasion pour convaincre les résidents et leurs proches de l'intérêt de la vaccinationBien sûr le vaccin est moins protecteur chez les personnes âgées, bien sûr [65%] des résidents vaccinés [en temps utile à l'Ehpad] ont été touchés par la grippe et certains sont décédés, cependant, la concomitance d'une aussi forte épidémie difficile à contrôler avec cette baisse importante de la garde vaccinale ne peut que laisser penser qu'il ne s'agit pas là d'un effet du hasard, estiment les auteurs.

Le personnel était quant à lui vacciné à 38% , un taux supérieur à la moyenne dans le groupe (33%) et à celle des Ehpad de la région en 2015-2016 (14%). Les inspecteurs rappellent que le ministère ne leur avait pas demandé de se prononcer sur la question de rendre obligatoire ou pas la vaccination pour les professionnels des Ehpad et les résidents. Ils notent que cela nécessiterait d'autres investigations. Cependant, un principe de précaution mériterait d'être appliqué dans les Ehpad où sont concentrés tous les risques favorisant l'apparition d'épidémies de grippe avec leurs conséquences mortelles pour les résidents : vie en collectivité, grand âge, état de santé précaire, comorbidités, plaident-ils. Pour eux, les vaccins contre la grippe, préparés sans adjuvants, n'assureraient-ils qu'une protection limitée, devraient tout de même être prescrits pour tous les professionnels et les résidents, et fortement recommandés aux visiteurs.

Des recommandations à mettre en oeuvre sur place

L'Igas formule par ailleurs quatre recommandations destinées à l'Ehpad Berthelot, à l'EMH ou à l'ARS. La campagne de vaccination contre la grippe doit devenir un élément prioritaire de la mission du médecin coordonnateur de l'établissement, demande la mission. Elle préconise que cet Ehpad établisse un protocole de vaccination applicable par l'ensemble des infirmiers. Elle recommande d'en évaluer l'application et les résultats tout au long de la période de vaccination, pour les résidents comme le personnel.

La mission appelle à prendre toutes dispositions utiles pour recueillir du résident ou de sa famille le consentement à la vaccination dès le mois d'octobre et, en cas de refus de la vaccination par le résident ou sa famille, exiger une confirmation écrite.

De plus, l'Igas invite à réaliser la vaccination sans attendre le retour des bons de prise en charge individuels délivrés par l'assurance maladie. Dans sa réponse, Korian argue que ces bons font surtout office de prescription médicale en bonne et due forme. Ne disposant pas d'une pharmacie à usage intérieur (PUI), l'établissement doit nécessairement respecter les règles de dispensation qui imposent une prescription nominative, écrite et individuelle, ajoute le groupe.

Les inspecteurs souhaitent que l'ARS veille à ce que les établissements s'engagent à réutiliser la fiche de signalement des cas groupés, chaque fois qu'est constatée un nouveau cas groupé, soit une nouvelle série de 5 cas dans un délai de 4 jours. Elle préconise l'envoi le jour même ou à défaut le premier jour ouvré suivant, avec au minimum la transmission d'une information téléphonique à l'ARS le jour même.

S'agissant de la surveillance, une procédure et des outils de suivi épidémiologique précis devraient être mis en place au sein de l'établissement, juge la mission. Ces outils devraient mentionner au moins l'âge de la personne, son GIR, la date d'apparition des premiers signes et son statut vaccinal.

Le ministère a signalé dans un communiqué le 6 février 2017 la mise en ligne du rapportMarisol Touraine a demandé que l'ensemble [de leurs] recommandations soient mises en oeuvre par l'établissement, et a notamment chargé l'ARS de s'en assurer avec la plus grande vigilance, indique le communiqué.


Source : infirmiers.com