La confrontation répétée des professionnels de santé à la fin de vie, alors qu'ils n'y sont pas forcément préparés, peut entraîner une souffrance prédisposant à un épuisement professionnel. Une enquête a été réalisée à ce sujet au CH de Chambéry (1.000 décès annuels) pour analyser les ressentis exprimés par les professionnels de santé et identifier leurs besoins. Conduite en 2002 -alors que le CH de Chambéry n'était pas encore doté d'une unité palliative-, elle a permis d'interroger 110 aides-soignantes et 166 infirmiers (sur un total de 400 soignants) ainsi que 55 médecins (sur 95).
Objectif visé : "favoriser la démarche palliative au sein de l'institution", ce terme décrivant "une approche qui s'occupe autant du patient que de son entourage et des difficultés des professionnels de santé qui les prennent en charge", précise à APM Santé le Dr Béatrice Bayet-Papin, de l'unité mobile douleur et soins palliatifs du CH de Chambéry.
Cette enquête a notamment permis de "montrer que toutes les catégories professionnelles souffrent dans l'accompagnement de fin de vie, y compris les médecins, cette réalité échappant souvent aux IDE et aux aides-soignantes", particulièrement exposées puisqu'elles sont plus au contact de l'intimité physique des patients, poursuit-elle.
A l'origine de cette souffrance, on retrouve notamment un sentiment de culpabilité (globalement, un tiers des professionnels, formés ou non, souhaitent la mort de leurs malades incurables) et la confrontation à des actes moralement réprouvés comme l'acharnement thérapeutique ou la réalisation d'examens invasifs, car la personne se trouve alors dans un conflit interne vis-à-vis de ses valeurs peut se sentir instrumentalisée.
TROIS AXES DE RÉFLLEXION
Les résultats de cette enquête ont également permis de constater un défaut de communication dans les équipes. En effet, les deux tiers des professionnels interrogés ont indiqué qu'il n'existait pas de réunions pluridisciplinaires au sein de leur service pour parler de l'évolution du patient en fin de vie et 40% des IDE ont rapporté des conflits ou des non-dits dans leur équipe, en lien avec des différences d'objectifs entre les différents intervenants.
De fait, la principale leçon que les auteurs ont tirée de cette enquête porte sur l'importance de "la pluridisciplinarité" et d'une réflexion commune, nécessitant la mise en place "d'un cadre formalisé favorisant les échanges", commente le Dr Béatrice Bayet Papin. La participation à de telles réunions permet aux soignants de dédramatiser leur vécu, de confronter leurs points de vue et d'adhérer à un projet pour le patient, de façon à pouvoir prendre du recul. Cette enquête a souligné le fait que "les soins palliatifs ne consistent pas seulement à contrôler les symptômes des patients en fin de vie" et qu'ils nécessitent "une réorganisation des méthodes de travail" pour promouvoir la pluridisciplinarité, dans "une gestion humaine des ressources", résume-t-elle.
Pour répondre à cette nécessité, l'équipe de l'unité mobile douleur et soins palliatifs du CH de Chambéry se réunit une fois par semaine. L'ensemble des personnes intervenant auprès du patient participe (agent de service hospitalier, kinésithérapeute, diététicienne, IDE, médecin...), car "l'avis de tout le monde est important" pour pouvoir engager "une réflexion éthique et prendre une décision portée par une réflexion pluridisciplinaire", estime le Dr Béatrice Bayet-Papin.
Il est également apparu que la formation exerce "un rôle protecteur" vis-à-vis de l'épuisement professionnel : les soignants formés s'expriment plus facilement, souffrent moins, se sentent moins mal à l'aise face à un malade en fin de vie qui pose des questions sur son évolution ou évoque sa mort imminente, par exemple.
A Chambéry, l'équipe mobile douleurs soins palliatifs propose donc au personnel des autres services de l'établissement des modules de formation facultatifs (évaluation et approche thérapeutique de la douleur, bases en soins palliatifs). Cette équipe propose également, en réponse à des demandes émanant d'équipes de court séjour, des réunions formalisées selon un "cadre et des objectifs définis par les deux équipes", explique le Dr Béatrice Bayet-Papin. Pour l'instant, des rencontres régulières sont organisées avec le personnel des services d'ORL et de pneumologie, des interventions ponctuelles autour de cas précis ont parfois lieu en réanimation, en chirurgie viscérale et en chirurgie urologie, tandis que les soignants du service d'hépato-gastrologie sont en train de passer de réunions ponctuelles à un cadre plus régulier, précise la praticienne savoyarde.
Enfin, près des trois quarts des personnes interrogées font référence à la dimension spirituelle (qu'elle s'exprime en termes religieux, philosophiques, idéologiques, éthiques...) en indiquant qu'elle leur permet de "tenir le coup" face à ce type de situations.
Alors que l'absence de sens constitue "une source de souffrance et de culpabilité", "les soignants sont à la recherche de sens dans ce qu'ils font et se posent des questions", précise Claire Héritier. Travailler sur soi et s'ouvrir au spirituel permet de se questionner sur sa propre finitude et d'avancer dans l'acceptation de soi et de ses limites : cela n'empêche pas la souffrance, mais peut donner des points d'appui pour la traverser. "Ce cheminement, ils doivent à certains moments le réaliser seuls et à d'autres le faire ensemble", estime la psychologue savoyarde en soulignant que les réunions pluridisciplinaires et les séances de formation font partie des leviers permettant de progresser dans cette réflexion./mr
INFOS ET ACTUALITES
Fin de vie : comment prendre en charge la souffrance des professionnels de santé impliqués ?
Publié le 29/03/2006
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Source : infirmiers.com
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