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Faire rire l'enfant pour mieux le soigner

Publié le 09/05/2016
sourire enfant

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Le vilain Infirmier illustration

Le vilain Infirmier illustration

Le vilain Infirmier illustration

Le vilain Infirmier illustration

Le vilain Infirmier illustration

Le vilain Infirmier illustration

Le vilain Infirmier illustration

Le vilain Infirmier illustration

Etienne Talbot, le « Vilainfirmier » exerçant au sein de dispensaires dans le Grand Nord du Québec, partage avec la communauté d'Infirmiers.com une chronique qui peut être bien utile sur l'intérêt de l'humour et du rire chez l'enfant pour mieux le soigner.

Le rire et l'humour permettent souvent de rassurer les enfants lors de soins.

Comme le tiers (34%) de la population des villages autochtones du Québec est âgé de moins de 15 ans, la pratique infirmière en rôle élargi nous amène à soigner beaucoup de cas pédiatriques. Avec cette clientèle spécifique, il faut être original et adopter une approche plus adaptée. J’utilise souvent l’humour avec les enfants qui viennent à la clinique pour un problème de santé.

Faire rire l’enfant facilite l’approche thérapeutique en créant un lien de confiance, diminuant l’anxiété que le jeune peut ressentir… et parfois même l’anxiété que le soignant peut ressentir avec cette patientèle. Que ce soit dessiner avec eux, faire des photocopies de leurs mains ou de leurs visages sur la photocopieuse de la clinique, tout est prétexte pour amuser mes jeunes patients. J’ai même déjà fait une bataille de balles de neige dans le dispensaire ! La femme de ménage m’en parle d’ailleurs encore de temps à autre, elle qui a dû tout nettoyer par la suite !

Je vous présente donc aujourd’hui Maya, une jeune métisse (inuite et innue) de 7 ans. C’est à sa demande que je fais cette chronique. En effet, en coloriant avec elle dans la salle d’attente lors de sa dernière visite, j’ai fait part à ma jeune patiente de mon intérêt pour le dessin. Curieuse, elle a demandé à voir mes chefs d’œuvres et en parcourant les dessins du Vilainfirmier, elle s’est empressée de me faire cette demande : « Je veux que tu me dessines aussi! Je veux que tu me dessines drôle ! » Sourire en coin, je lui ai demandé si je pouvais parler du moment où elle est venue me voir à la clinique la semaine précedente, alors qu’elle était un peu malade. Elle m’a alors répondu, tout en mordillant son crayon-feutre jaune, moue hésitante : « Mmmm oui… mais il faut que tu me dessines avec ma nouvelle robe et que je sois drôle! »

Maya est venue me voir à la clinique pour une toux. Elle n'a pas de fièvre, ne présente pas d’écoulement nasal, pas de mal de gorge, mange bien, boit bien, est active. Sa grand-mère l’accompagne et cette dernière est inquiète, car en regardant le fond de gorge de sa petite-fille, elle a vu un « truc bizarre ». C’est d’ailleurs plus pour avoir mon avis sur ce « truc » que pour la toux qu’elle est venue me consulter.

Je fais donc asseoir Maya sur la table d’examen et, après avoir pris les signes vitaux, je débute l’examen physique tout en lui racontant des trucs rigolos.

Examen tête cou

Petites adénopathies, rien de majeur. Néanmoins, je la regarde, l’air sérieux, et je lui lance que son problème est qu’elle se transforme en singe… Que bientôt elle ne va manger que des bananes et qu’elle pourra facilement grimper aux arbres, comme un petit singe. Elle me regarde, hésitante, en me répondant que non, c’est impossible, parce qu’elle est Maya, une personne « zzzumaine ». Grand-maman me fixe du coin de l’œil en riant.

Oreilles

Je vérifie les tympans de Maya avec un otoscope. Elle connaît bien l’instrument et n’a donc aucune crainte. S’il en avait été autrement, je lui aurais laissé l’instrument dans les mains pour qu’elle joue un peu avec : petit truc qui fait disparaître instantanément l’anxiété des enfants face à ces objets bizarres que l’on utilise pour compléter notre examen médical. Je raconte à Maya que je vérifie si elle n’aurait pas un éléphant dans ses oreilles… C’est tellement loufoque comme remarque qu’elle éclate de rire, ce qui me donne tout le temps nécessaire pour visualiser ses tympans normaux : pas de rougeur, pas d’œdème, pas de perforation, pas d’écoulement, osselets visibles.

Bouche/gorge

Maya n’est pas une patiente difficile. Elle collabore facilement quand je lui demande d’ouvrir grand la bouche afin que je puisse voir son fond de gorge. Elle me demande si je veux vérifier qu’il n’y ait pas de grenouille dans sa gorge… Oui, Maya sait aussi faire sa petite comique, comme l’infirmier. Je lui mentionne de ne pas trop ouvrir grand, car j’ai peur qu’elle m’avale par accident. Elle pouffe de rire.

Grand-maman me demande si je remarque le « truc bizarre ». Je vois ce dont elle parle, c’est là, en évidence, derrière la langue : l’épiglotte. Je la rassure en lui disant que l’épiglotte peut être parfois saillante chez certains enfants, surtout chez les enfants à la silhouette effilée. L’épiglotte est un « clapet » qui ferme l’extrémité du larynx afin d’empêcher la nourriture de tomber dans les voies respiratoires.

L’épiglotte est habituellement non visible lors de l’examen physique, mais elle peut être saillante chez certaines personnes, sans être un signe d’anormalité ou de pathologie. Seulement une particularité anatomique parmi tant d’autres qui donne à une personne son petit côté « spécial ». C’est d’ailleurs ce que je dis à Maya pour la rassurer : « Ce n’est rien de dangereux, ça montre juste à quel point tu es spéciale! »

Poumons, cœur, abdomen

J’ausculte les poumons en demandant à Maya d’inspirer et d’expirer comme si elle soufflait sur les bougies d’un gâteau de fête. Je poursuis donc l’examen pour ne trouver rien d’anormal.

Ce n’est, somme toute, qu’un petit rhume. Grand-maman et Maya sortent rassurées de la clinique. Maya sourit en répétant à sa grand-mère a quel point elle est « péciale ». Elle est certainement une de mes patientes préférées… et est désormais immortalisée en dessins. Merci de ta visite petit singe! À la prochaine!

Le Vilainfirmier  https://levilainfirmier.com

Cette chronique a été publiée le 1er avril 2016 par le « Vilainfirmier » que nous remercions de cet échange.


Source : infirmiers.com