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IDEL

Faire correctement le travail de l'interne : défi relevé

Publié le 01/09/2015

Dans sa nouvelle chronique, « C'est l'infirmière » est en colère car lorsque l'interne ne fait pas son travail, l'infirmière libérale subit… tout comme le patient.

Quand l'infirmière « voit aussi rouge que les brûlures de son patient », rien ne va plus.

- Tu restes prendre un café ?

La boulangère avait tenté une fois de plus de m’avoir avec son chantage à la viennoiserie. Elle me connaissait bien et savait que je commençais à fatiguer de cette longue tournée. J’avais faim, mon estomac et ma volonté étaient faibles face à ses petites tueries sucrées. Mais j’avais encore un patient à voir. Une nouvelle prise en charge pour des soins de brûlures multiples et étendues, que je devais découvrir et débuter un peu avant douze heures. La baguette et le dessert du midi étaient sur mon siège passager et je me dirigeais vers cette nouvelle maison…

« Et où est le reste du matériel pour les pansements ? »

Tout était là, dans le mini-sac de la pharmacie. Un seul rouleau de sparadrap, une unique bande velpo, une boite de compresses et le fond d’un pot d'une crème servant à traiter les brûlures ouvert la veille par le service des urgences. Pas de sérum physiologique pour nettoyer les plaies ou de set à pansement… Je vais devoir taper dans mon stock. Heureusement que mon coffre de voiture contient l’équivalent d’une pharmacie de garde. Avec cette quantité minable de matériel qui aurait pu tenir dans la mallette de soins d’un minipouce, j'allais devoir soigner l’abdomen, les avant-bras, les mains et les cuisses brûlées de mon patient. Paye ton défi !

Le travail à domicile ne nous offre par toujours les moyens de soigner dans de bonnes conditions. Alors lorsque l’on tombe sur un interne ne sachant pas rédiger une ordonnance, les soins peuvent rapidement devenir épiques !

L’expérience m’aura appris à faire à l’économie, avec comme principe de ne jamais mettre en péril l’asepsie, ma sécurité et celle de mon patient, mais chiche ! Je relève le défi !

Pendant que mon patient se déshabille et s’installe, je regarde l’ordonnance :

Faire pansement par une infirmière (ça va encore faire plaisir à mon collègue testiculé) pansement 7j/7 (Ah ! Pas de notion de dimanche ou de plaies multiples) sur brûlures situées au niveau du corps (du « corps », sans déconner ? 10/10 à l’interne en médecine dans la catégorie « Anatomie »).

Je vais devoir refaire rédiger l’ordonnance avec les bons termes au risque de me voir refuser le paiement de mes actes par la CPAM ce qui empêchera mon patient d’être remboursé par la suite. Pour l’ordonnance on verra plus tard, chaque chose en son temps. Si je veux pouvoir être rentrée pour apporter le dessert de ma fille, je vais devoir m’y mettre rapidement… Mais c’était sans compter sur la qualité du travail de l’interne qui, en plus d’être un as en rédaction d’ordonnance, était en plus un champion dans le traitement des plaies de brûlures… Des phlyctènes, des ampoules, en veux-tu, en voilà. Éclatées et non scalpées ou encore formées et non ouvertes. Avant de débuter le badigeonnage des brûlures avec la quantité pitoyable de crème que j’avais à disposition, j’allais devoir m’armer de ma patience, de ma pince et de mon scalpel pour mettre au propre ses plaies qui ne l’étaient pas. En gros, j’allais devoir faire ce que l’interne des urgences aurait dû faire hier : mettre la brûlure à plat…

Je travaillais avec toute la précision d’un chirurgien, faisant sauter les peaux mortes, prenant garde de ne pas blesser ou endolorir son patient. Arrivée à la dixième phlyctène, je commençais à fatiguer, et il y en avait encore beaucoup d'autres. Je m’imaginais à cinquante ans, à genoux, travaillant à bout de bras avec toute la dextérité approximative que m’offrirait une presbytie bien installée…

Mon patient était installé quasi-nu sur son lit, il ne bronchait pas, la gélule de morphine qu'il avait pris avant mon arrivée aidant certainement. J’étais à ses côtés, à genoux. Mes mains transpirantes rendaient mes gants en latex presque transparents. Je reprenais mes esprits pour me reconcentrer. Mais plus le temps passait et plus je sentais l'énervement monter en moi, sans pouvoir ni l'exprimer ni le montrer. C'était ni fait, ni à faire...

Une heure de pansement plus tard, mon patient se rhabille et ne semble pas avoir trop souffert du soin et de sa longueur... J'étire ma nuque, elle craque. J’ai mal aux genoux, je ne les sens plus vraiment. Une heure de pansement pour un tout petit peu plus de dix euros nets, dans des conditions non optimales et qui aurait dû durer moins longtemps si le travail avait été convenablement fait à l’hôpital. Je repars, en espérant que les prochains soins dureront moins longtemps…

Je me gare devant chez moi et je regarde tout de suite les volets de mes filles. Ils sont baissés, elles doivent dormir paisiblement. Je ne les ai pas vues depuis la veille au soir, je suis agacée contre l’interne des urgences qui m’aura empêchée de les voir en me rajoutant du travail parce qu’il n’aura pas voulu faire le sien. Le dessert est toujours sur le siège passager, il vient de passer une heure en plein soleil. Je suis sûre qu’il est immangeable et je suis énervée contre cet étudiant en médecine qui m'obligera à manger un éclair au chocolat chaud et au glaçage coulant…

Cet article a été publié le 23 août 2015 sur le blog de « C'est l'infirmière » que nous remercions de cet échange.

C'est l'infirmière  http://cestlinfirmiere.blogspot.fr/


Source : infirmiers.com