La question de départ est la suivante : peut-on prévenir les états de burn out du soignant infirmier, en partie, en valorisant son rôle propre ? Face à son incapacité à faire face à un environnement de travail parfois hostile, ou simplement épuisant, nous ne devons pas hésiter à le faire. Mettons en avant les qualités de chacun, dans leurs différences et leurs spécificités. Accordons de l’importance à l’évaluation clinique du soignant, favorisons les échanges entre soignants et soignés, l’écoute active, la réassurance, encourageons-les à prendre des initiatives… Et nous observerons sans doute des résultats significatifs en matière de résistance face au burn out…
Voilà plus d’une décennie que le mot burn out
est entré dans le langage courant et qu’il semble faire partie intégrante des effets secondaires du métier de soignant. Il touche toutes les strates sans distinction, de l’aide-soignant au médecin, en passant par l’infirmier ou le cadre de santé. Sans en faire une explication exhaustive, nous pouvons définir le burn out comme étant le résultat d’une incapacité à affronter son environnement. Nous parlons en France du syndrome d’épuisement ou d’asthénie psychique, expressions savantes pouvant s’illustrer par l’expression je n’en peux plus !
. Mais qu’est ce qui peut causer ou amener cet état de saturation ? A cette question, il n’y a pas de réponse, ou plutôt, trop de réponses, trop de facteurs sur lesquels nous ne pouvons agir individuellement.
Toutes les séquences professionnelles qui constituent la vie quotidienne d’un soignant quel qu’il soit, peuvent être susceptibles de conduire à un épuisement sur le moyen ou le long terme. Il peut s’agir d’une charge de travail trop importante, d’un salaire peu conséquent, d’une mauvaise entente au sein d’une équipe, d’un patient difficile à prendre en soin ou sur lequel on réalise un contre transfert négatif, d’une implication trop importante dans un projet dont le résultat ne sera pas à la hauteur de nos espérances.
Nous ne pouvons pas, bien sûr, énumérer tous les éléments constituant cette cascade désastreuse d’évènements qui conduisent au burnout. Ce n’est pas le but de l’article, il ne s’agit pas non plus d’en détailler les étapes. Nous nous intéressons ici aux stratégies qui aideront le soignant à faire face à un environnement de travail hostile, épuisant, et qui ne correspond plus aux attentes et aux valeurs qui l’animent.
Maîtriser son environnement de travail
Force est de constater que nous vivons à une époque où le monde de la santé, au sens large du terme, est un juteux business. Autant de démagogie en une phrase peut être moqué, et pourtant, le business de la santé n’a jamais été aussi lucratif qu’aujourd’hui. A l’heure où le ministère de la santé prône l’austérité budgétaire pour les établissements publics, et où a contrario, les établissements de santé privé à but lucratif n’ont jamais été en aussi bonne santé financière, les soignants n’ont d’autres choix que d’évoluer au sein de cet univers dont ils ne contrôlent pas les éléments.
Effectivement, le soignant ne contrôle pas les coupes budgétaires, pouvant conduire à un sous-effectif, et donc à une surcharge de travail. Le soignant ne contrôle pas non plus le manque de moyens matériels. Le soignant ne contrôle pas plus les dissolutions de services que son temps de travail ou son environnement professionnel dans sa globalité. Il s’agit d’un problème fondamental dans la question du bien-être du personnel soignant.
Le rôle propre de l’infirmier est fondamental, essentiel même. Il est ce qui reste de
maîtriseau soignant, ce qui ne lui est pas dicté directement. Plus encore, le rôle propre est ce qui fait son essence même, ce qui le distingue, ce qui l’extrait directement du commun. Quand un soignant est dans son rôle propre, ses choix comptent, prennent de la valeur.
Comment évoluer ou faire face à un environnement que l’on ne maîtrise pas ?
Bien évidemment, il n’y a pas de recette du bonheur pour les soignants, et plus étonnant, pas de protocoles ni de recommandations de bonnes pratiques pour favoriser le bien-être du personnel, du moins pas dans son intégralité. Nous allons donc revenir à la notion de maitrise
du soignant. Prenons l’exemple du métier d’infirmier, et recentrons-nous sur ses compétences et son rôle.
Nombreux sont les services de soins où l’infirmier est en grande partie un outil au service de son rôle prescrit. Cette définition, qui bien sûr n’en est pas une, semble péjorative au premier abord. Effectivement, elle l’est. Pourtant, elle reflète la dure réalité du métier de soignant, notamment dans les établissements où le personnel est en sous-effectif, et malheureusement il y en a beaucoup. Nous sommes un des pays d’Europe où il y a le moins de soignants disponibles par malade. Triste performance du pays des droits de l’homme.
Face à cette réalité pour le moment irréversible, mais contre laquelle il faut se battre, il reste au soignant une arme redoutable.
Le rôle propre
Le rôle propre de l’infirmier est fondamental, essentiel même. Il est ce qui reste de maîtrise
au soignant, ce qui ne lui est pas dicté directement. Plus encore, le rôle propre est ce qui fait son essence même, ce qui le distingue, ce qui l’extrait directement du commun. Quand un soignant est dans son rôle propre, ses choix comptent, prennent de la valeur. C’est dans ce rôle que le soignant peut s’épanouir par lui-même, exercer sa pratique en fonction de son éthique et de ses valeurs professionnelles. Il ne s’agit pas de dénigrer le rôle prescrit, il peut être galvaudé en y intégrant le rôle propre. Et pourtant, le rôle propre n’est pas ou peu valorisé, il est parfois même mis de côté au profit du rôle prescrit, car il n’y a pas toujours assez d’heures dans une vacation pour faire ce qui doit être fait.
Il s’agit précisément, selon moi, d’une des causes pouvant amener le soignant à faire un burn out. Si l’on occulte ce qui le distingue, le valorise, lui permet d’exercer selon ses croyances et ses valeurs professionnelles, que reste-t-il ? Je laisse ici chaque soignant répondre par lui-même à cette question, elle est subjective et il y a autant de réponses que de situations. Mais je me permets d’ajouter qu’il ne resterait selon moi pas grand-chose, si ce n’est des compétences techniques et une propension à pouvoir respecter les ordres de la hiérarchie.
Face à l’incapacité des soignants à faire face à un environnement de travail parfois hostile, ou simplement épuisant, nous ne devons pas hésiter à valoriser leur rôle propre. Mettons en avant les qualités de chacun, dans leurs différences et leurs spécificités. Accordons de l’importance à l’évaluation clinique du soignant, favorisons les échanges entre soignants et soignés, l’écoute active, la réassurance, encourageons-les à prendre des initiatives lors d’activités médiatisées ou de séances d’éducation thérapeutique. Ce ne sont que des exemples, il existe des milliers de façon de mettre en valeur le rôle propre, de lui donner toute son importance et toute sa place au sein d’un service de soin.
Le rôle propre offre au soignant la possibilité de ne plus être un soignant parmi tant d’autres, il révèle son unicité en tant que personne prenant soin et lui permet ainsi de mettre du sens dans sa pratique. En redonnant au rôle propre toute sa place dans le soin, on permet aux soignants de faire face et d’interagir efficacement face aux événements difficiles.
Selon moi, il convient de se poser avec sérieux la question suivante : qui pourrait amener à une stratégie de management assez cohérente dans l’environnement actuel de la santé ? Peut-on prévenir les états de burn out du personnel soignant, en partie, en valorisant leur rôle propre ? Cette question, je vous la pose et attendrai avec intérêt vos points de vue afin d’enrichir la réflexion sur ce point.
Mahédine ZitouniIDE en psychiatrie, unité pour malade difficile du BON Sauveur d’Alby.zitouni.mahedine.albi@hotmail.fr
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