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Exercice libéral : adieu liberté chérie ?

Publié le 19/10/2007

En effet, le nouveau projet 2008 de Loi de financement de la sécurité sociale, présenté le 24 septembre 2007 par le gouvernement, prévoit, via ses articles 31 et 32, une mesure tendant à engager l’ensemble des professionnels de santé dans une « réflexion complète en vue d’une démarche de régulation géographique de l’offre de soins », cela en modifiant divers articles du Code de la Sécurité Sociale et en y introduisant une nouvelle phrase qui soumettrait le conventionnement des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes, des auxiliaires médicaux et des médecins à des conditions dépendantes de la densité de la zone d’exercice. Ainsi « les partenaires conventionnels devront définir eux-mêmes les voies et les moyens pour limiter l’installation de nouveaux professionnels de santé dans les zones où ils sont déjà nombreux. »[1">

Si les inégalités de répartition des professionnels de Santé sur le territoire ne sont plus à démontrer, il n’en reste pas moins que la perspective de mesures coercitives en matière d’installation a mis le feu aux poudres. Comme l’a expliqué à l'AFP le porte-parole de l'Isnar-IMG, Lionel Michel : "Nous sommes d'accord sur la nécessité de réformer en profondeur notre système de soins mais nous voulons être directement associés à la préparation des réformes et nous ne voulons pas de mesures coercitives, comme des incitations financières négatives"(communiqué AFP du 2 octobre 2007[2">). Mais qu’en est-il de cette liberté d’installation pour les infirmières ?

En fait, jusqu’en juin 2007, la liberté d’installation était un droit reconnu par tous. Mais lors des négociations conventionnelles de l’hiver dernier, on a vu apparaitre, en toile de fond des discussions, le problème de l’accès aux soins et donc, de la répartition des professionnels sur le territoire. De fait, après près de 6 mois de négociations, les partenaires conventionnels trouvèrent un terrain d’entente en signant un protocole d’accord sur la répartition de l’offre de soins sur le territoire. Or ce protocole prévoit des « mesures de rééquilibrage » :

« - dans les bassins de vie à densité d’infirmières libérales particulièrement faible, des mesures d’incitation à l’installation seraient développées par les caisses d’assurance maladie et les installations en groupe seraient favorisées ;

- dans les bassins de vie à situation intermédiaire, les conventionnements ne seraient soumis à aucune modalité particulière ;

- dans les bassins de vie à forte densité d’infirmières libérales, seuls les départs d’infirmiers libéraux ouvriront l’accès à de nouveaux conventionnements : un nouveau conventionnement ne sera autorisé qu’en remplacement d’une infirmière mettant fin à son activité libérale dans le bassin de vie considéré. »
[3">

Certes, ce n’est qu’un protocole d’accord pour une expérimentation limitée en temps (deux ans) et « sous réserve de la mise en œuvre d’un dispositif de régulation de l’offre de soins alternative c’est-à-dire en services de soins infirmiers à domicile (SSIAD), établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), services d’hospitalisation à domicile (HAD) et centres de soins infirmiers (CSI) », dispositif de régulation qui devrait faire suite à un hypothétique rapport de l’IGAS, demandé au ministère de la Santé par les syndicats représentatifs de la profession. Mais quand on sait que le nouveau Projet de Loi de financement de la sécurité sociale prévoit aussi le renforcement des mesures de développement des SSIAD (6000 nouvelles places devront être crées en 2007 et 2008) on peut avoir des doutes sur ce « dispositif de régulation ».

Et c’est bien ce qu’ont compris les médecins. En fait, les infirmières libérales apparaissent comme les « beta-testeurs » d’une réforme de la liberté d’installation qui pourrait être appliquée petit à petit à toutes les professions de santé libérales conventionnées.

Alors certains diront qu’il est en effet nécessaire de trouver une solution pour pallier au déséquilibre en matière d’accès aux soins. C’est une réalité et toutes les professions de santé en sont bien conscientes. Mais la coercition est-elle la seule solution ? Et surtout est-elle la meilleure ?

Les infirmières libérales commencent à avoir l’habitude d’être les testeurs des « solutions potentielles », que ce soit pour les problèmes économiques, démographiques ou autre. En 1992, leur activité fut déjà l’objet d’essais «thérapeutiques » en la matière, au travers de seuils d’efficience, de « quotas de soins», sensés limiter leur activité (et par conséquence, leurs installations). L’effet fut non seulement nul, mais la limitation de leur activité eut des effets pervers que l’on peut d’ores et déjà projeter sur ces nouvelles mesures. Car si l’on supprime les nouveaux conventionnements dans les secteurs « sur dotés » en infirmières libérales, si l’on impose un quota patients/infirmière, il est à prévoir, comme cela s’est produit pour les seuils d’efficience, une baisse de la qualité des soins. En effet, puisque le potentiel clientèle sera assuré, voire augmenté pour ceux et celles qui sont déjà installés, l’effet concurrentiel qui pousse normalement au dépassement de soi et à l’excellence professionnelle, n’existera plus naturellement. Charge alors aux instances « décideuses » d’envisager aussi des mesures coercitives pour améliorer les pratiques, renforcer la formation, etc. Nous ne pourrons, alors, que regretter d’entrer dans une escalade de mesures qui risquent, à la longue, de fatiguer les professionnels et entrainer une désertion de ce mode d’exercice.

Et d’autre part, on risque de voir se développer un peu plus, dans ces zones, un choix sélectif des soins en fonction de divers critères : pénibilité, distance, rentabilité etc…absence de concurrence oblige. On peut alors se demander si c’est le meilleur moyen d’améliorer l’accès aux soins pour la population…

Bien sûr, cela peut présenter, pour les professionnels déjà installés, des avantages indéniables : valorisation de l’entreprise libérale en cas de cession, assurance d’avoir une clientèle quelles que soient ses compétences, etc, mais, de fait, si cela permet une revente plus facile de sa clientèle, ce ne sera qu’en cas d’arrêt d’activité. Qu’advient-il alors du développement de l’entreprise libérale ? Des possibilités de prendre un collaborateur ou de s’associer ? Et que devra-t-on faire si l’on veut juste « lever le pied » et diminuer en douceur son activité, tout en continuant à répondre à la demande en soins de sa clientèle ? Orienter sa clientèle vers ses collègues ? Mais ces collègues ne sont que des êtres humains et leur potentiel de prise en charge sera lui aussi limité…. resteront alors, peut-être, les structures de soins : SSIAD, HAD, CSI …. Et l’on en revient, là, à la fameuse mise en œuvre d’un dispositif de régulation de « l’offre de soins alternative » prévu dans le protocole d’accord cité précédemment et soi-disant préalable à toute mesure de régulation des installations infirmières…..

Certains rétorqueront que ces mesures ne visent que le conventionnement, pas l’installation, donc que des infirmiers pourront quand même s’installer et prendre le surplus de patients. Et ils auront cent fois raison. Mais alors se pose la question d’une Santé à deux vitesses, car sans conventionnement, pas de prise en charge des soins par l’Assurance Maladie….

Il apparait évident qu’au travers de cette proposition de Loi se dessinent des objectifs plus économiques que démographiques, car personne, dans le milieu professionnel, ne peut croire que la limitation des installations dans certains secteurs entrainera une augmentation de ces dernières dans d’autres zones actuellement sous-dotées. Si ces zones ont perdu leurs professionnels de Santé libéraux au fil du temps, ce n’est pas sans raisons. Et il serait peut-être plus judicieux de s’intéresser à ces raisons qu’envisager des mesures coercitives supplémentaires. Du moins, si l’objectif est bien de répartir au mieux les professionnels de Santé sur le territoire, afin d’offrir à tous nos concitoyens un égal accès aux soins….

Bref, beaucoup de questions sur cette limitation de la liberté d’installation… et certainement matière à réflexion, qui, souhaitons-le, se devra d’être un préalable incontournable à tout engagement de la profession sur un chemin expérimental, qui, comme tout chemin dit «expérimental » en France, peut s’avérer durer des années…… voire des lustres.

[color=red">Dernière info du 26 octobre ! [/color">PLFSS: Modification de l'article sur l'installation des infirmiers (En savoir plus)

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Florence BRACCIANO-GALLEY
Rédactrice Infirmiers.com

Mail : florence.bracianno-galley@infirmiers.com
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1 http://www.securite-sociale.fr/chiffres/ccss/2007/ccss200709presse.pdf
2 http://afp.google.com/article/ALeqM5gCf-Z69pUAhQ3sCLWlg5p5Om9SKw
3 http://fni.fr/IMG/pdf/PROTOCOLE21-06-07-V2.pdf


Source : infirmiers.com