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PSYCHIATRIE

Exercer en psychiatrie : une renaissance !

Publié le 19/01/2015
adolescente psychiatrie infirmière

adolescente psychiatrie infirmière

On entend souvent dans les services dits techniques : « la psy c’est des pauses cafés et des pauses cigarettes » et « ça fait peur », « les patients font peur », d’ailleurs « il faut éviter de se retrouver avec un psy dans le service, il risquerait de mettre la pagaille ». Marie, elle, a choisi la psychiatrie et nous explique pourquoi avec une jolie plume.

Marie a passé un cap. Elle a vécu des choses qui ont donné un tournant à sa vie. Elle a gagné en maturité et a choisi la psychiatrie.

Je vais vous raconter mon parcours certainement atypique. Fraîchement diplômée en juillet 2012 - et oui la fameuse nouvelle réforme - après un stage en réanimation adulte et un stage professionnel en soins intensifs de cardiologie, je ne souhaite qu’une chose trouver un poste en réa, en salle de réveil mais quelque chose de technique quoi. J’ai vingt et un ans... Je finis par trouver un poste en réa, super c’est mon premier choix ! Je me vois alors déjà commencer une formation dans quelques années d’infirmière anesthésiste. C’est de la réa oui, mais de la réa néonatale et infantile. C’est là que va commencer ma carrière professionnelle. Je quitte ma famille, et mes amis par la même occasion. Je me retrouve seule. Le travail, bien sûr, me plaît ! Tous les jours c’est un nouveau challenge.


Je ne souhaite qu’une chose trouver un poste en réa, en salle de réveil mais quelque chose de technique quoi. J’ai vingt et un ans...

Apprendre dans la douleur...

Tous les jours j’apprends mais je rencontre des situations qui me déchirent de plus en plus le coeur.

Je revois cette mère écroulée dans un coin de couloir en pleine nuit, on vient de lui apprendre qu’elle a perdu son bébé né prématuré, c’est le deuxième qu’elle perd.

Je revois ce bébé de 6 mois qui a une tumeur au cerveau et la détresse de ses parents qui restent jour et nuit, qui ont besoin de parler. Avec qui j’essaie de baser une relation de confiance et qui me disent : ce n’est pas souvent qu’une soignante nous écoute comme vous l’avez fait.

Je revois cette petite fille restée plusieurs mois hospitalisée qui présente des signes d’hospitalisme, qui n’a pas vu la lumière du jour depuis au moins trois mois, qui chaque nuit est dialysée et qui fêtera ces cinq ans avec nous, dans le service. Et dont la mère est au bord des larmes chaque jour mais qui tente de rester forte pour sa fille.

Je revois cet enfant d’à peine dix ans, il était en voiture avec sa mère dans le froid de l’hiver. Elle a perdue le contrôle. Il est entre la vie et la mort. Sous l’oreiller de l’enfant sur le chariot de soin je retrouve de porte-bonheur, des chapelets… La famille défile chaque jour, le regard en sanglot s’en remettant à Dieu mais qui me demande ce que je pense moi en tant qu’infirmière.

Et je revois aussi cet adolescent à qui on a diagnostiqué une leucémie foudroyante il y a à peine un mois et qui se retrouve ici. Les médecins sont en train de voir pour le faire passer en soins palliatifs. Cette nuit là, il n’aura pas attendu qu’on décide pour lui. Il est mort avant qu’on puisse le soulager correctement. Et ses parents divorcés qui sont déchirés par cette nouvelle et qui se recueillent auprès de leur fils. La seule chose que nous avions à leur offrir cette nuit là était une tasse de café.

La famille défile chaque jour, le regard en sanglot s’en remettant à Dieu mais qui me demande ce que je pense moi en tant qu’infirmière

Dire stop, réfléchir, agir...

C’est là que je me remets en question et que je me demande si je suis faite pour être ici. Si je suis assez forte pour porter sur mes épaules ce que je vois et ce que j’entends. Et lorsque je dors, j’entends les bips des scopes, je revis ma journée dans le moindre détail, ce que j’aurais pu ou dû faire, ce que j’aurais pu ou dû dire. Je n’arrive plus à vivre pour moi. Maintenant je vis pour eux. Je perds une dizaine de kilos. Je suis chez moi et je pense à eux. Ma hiérarchie est fière de moi il parait. Mais ils ne savent pas ce qui se passe en moi.

Je décide alors de tout quitter. Je démissionne pour de la psychiatrie et je décide de revivre auprès de ma famille. Je n’ai même pas osé dire que j’ai quitté mon poste pour de la « psy » et pourtant c’est loin d’être un hasard. J’ai passé un cap. J’ai vécu des choses qui ont donné un tournant à ma vie. J’ai gagné en maturité. Et je ne verrai plus jamais la vie et les personnes de la même façon qu’auparavant. C’est une renaissance.

J’ai toujours au plus profond de moi-même cette envie de donner et d’être aidante. Après avoir travaillé dans différents services de psychiatrie, j’ai su que c’était dans ce domaine dans lequel je voulais travailler. Je m’y sens bien. Cette approche du soin est tout l’inverse de ce que j’ai pu voir dans un service d’hospitalisation classique. C’est cette différence qui fait notre force en psy. C’est cet approfondissement afin d’être un pilier, d’être là pour un patient. D’être une personne ressource pour lui et sa famille. D’apprendre à connaître ce patient dans son ensemble, savoir ce qu’il veut, ce qu’il aime, ce qui le désespère. J’ai entendu dire au cours de ma formation « intégration des infirmiers en psychiatrie » qu’on ne soigne pas en psychiatrie... Je crois surtout que l’on fait bien plus que soigner : on accompagne. On accompagne le patient, ses rechutes, ses élans, le cours de sa vie. De belles raisons d'exercer sa profession d'infirmière, non ?

Je ne verrai plus jamais la vie et les personnes de la même façon qu’auparavant. C’est une renaissance.

Marie RENAT Infirmière en psychiatrie renatmarie@yahoo.fr


Source : infirmiers.com