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CADRE

Évaluer les pratiques professionnelles : un rôle de la fonction Cadre de santé

Publié le 06/01/2010

Un exemple, la procédure de réfection du "pansement de tête" en réanimation neurochirurgicale.

Introduction

Un des principaux axes de travail des cadres de santé, à l’heure de la qualité, consiste à mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires afin de proposer une offre de soin optimum pour le patient. Le cadre de santé joue un rôle direct dans le processus de soins et notamment dans la mise en œuvre de ceux-ci au sein du service.

Dans le cadre de la procédure d’accréditation mise en œuvre par l’ANAES, se sont succédées les phases d’écriture des procédures, de leur validation par le CLIN puis de leurs mises en œuvre. Actuellement, il s’agit pour les cadres de santé de réaliser l’étape de l’évaluation des pratiques professionnelles.

Le choix s’est porté sur la procédure de réfection du pansement de tête car divers points litigieux de ce protocole étaient régulièrement soulevés par les infirmières du service et que malgré l’existence d’un protocole spécifique, diverses techniques semblaient être appliquées. Un bilan de cette procédure, écrite en 2000 par l’équipe paramédicale (infirmières), un médecin réanimateur anesthésiste référent en hygiène ainsi qu’un chirurgien, a donc été réalisé.

Il est à noter que le taux de ventriculites, principale complication infectieuse du cathétérisme cérébral, depuis la mise en œuvre du protocole a chuté de 12% en 1999 à 3% en 2005. Ces chiffres prouvent l’efficacité des soins réalisés dans le service mais ne dispensent pas de répondre aux interrogations des infirmières et de réajuster la procédure.

1. Méthodologie

1.1. Phase de réalisation de l'évaluation

Durant 2 mois (premier semestre 2005), dix observations interactives de réfection des pansements de tête ont été réalisées au lit des patients (durée de 30 à 45 minutes) avec dix professionnels infirmiers distincts.

L’équipe de soins avait été avisée de cette évaluation et des objectifs de ce travail : optimiser les pratiques et améliorer la procédure, prise de décisions en équipe sur certains points litigieux au terme du bilan afin d’affiner l’harmonisation des pratiques de soins.

Une grille d’évaluation a été utilisée : elle reprenait les 18 items de la procédure portant sur les fréquences de réfection des soins, le matériel, le geste technique, l’hygiène, la surveillance, la traçabilité du soin ainsi que la prévention d’escarre. L’item complet était ou non réalisé par l’infirmière (cases oui / non). Des observations pouvaient être annotées pour argumenter les pratiques observées puis enrichir l’analyse et la restitution (cf annexe n°2).

Sept pansements ont été réalisés en binôme avec un aide-soignant ou un élève infirmier et trois par l’infirmière référente seule.

Sur les dix observations réalisées, neuf patients étaient porteurs d’une Dérivation Ventriculaire Externe, trois patients présentaient une cicatrice de craniotomie.

1.2. Phase d'analyse

La phase d’analyse statistique des données a duré 1 mois. La richesse du matériel recueilli a permis d’identifier la nature précise des interrogations de l’équipe paramédicale.

1.3. Phase de restitution et de réajustement

La phase de restitution a été réalisée auprès de l’équipe paramédicale en présence du médecin réanimateur référent en hygiène et du chirurgien à l’origine du protocole ainsi que de l’équipe d’encadrement. Cette intervention a été réalisée au sein du service au moyen d’un support informatique de projection.

La procédure a été discutée, les points litigieux soulevés et les réponses apportées par le corps médical. Le protocole a pu être complété et affiné dans un processus de collégialité.

2. Énoncé synthétique des résultats

Les résultats seront présentés synthétiquement par familles d’items.

2.1. Fréquence de réfection du pansement et du shampoing (4 items)

Respecté 52%
Non respecté 48%

2.2. Matériel utilisé (1 item)

Respecté 90%
Non respecté 10%

2.3. Hygiène (3 items)

Respecté 100%
Non respecté 0%

2.4. Technique de réalisation du soin (7 items)

Respecté 89%
Non respecté 11%

2.5. Surveillance (1 item)

Respecté 100%
Non respecté 0%

2.6. Traçabilité (1 item)

Respecté 100%
Non respecté 0%

2.7. Prévention d’escarre (1 item)

Respecté 40%
Non respecté 60%

2.8. Résultat global de l’évaluation

Respecté 81%
Non respecté 19%

3. Problématiques identifiées et soulevées lors de la restitution

3.1. Fréquence de réfection du pansement et du shampoing (4 items) = point 1

A. Dans le cas où le patient présenterait à la fois une dérivation ventriculaire externe (réfection du pansement tous les 3 jours) ainsi qu’une cicatrice de craniotomie (réfection du pansement tous les 2 jours), quelle fréquence est-il préférable de choisir ?

  • La réponse du corps médical est de privilégier la surveillance de la cicatrice de craniotomie afin de dépister précocement d’éventuelles complications. La fréquence de réalisation du pansement, dans ce cas, sera donc de 2 jours.

B. N’ayant pas dans le service de protocole relatif au délai d’ablation des fils suite à une reprise de cicatrice de craniotomie, quand faut-il réaliser ce geste ?

  • Le chirurgien indique que concernant les reprises de cicatrice de craniotomie, l’ablation des fils sera réalisée, au cas par cas, sur avis du chirurgien référent.

C. Le shampoing doit-il être systématiquement réalisé à J1 sachant qu’il a été réalisé la veille lors de la préparation de bloc ?

  • Les médecins présents estiment impératif de réaliser un nouveau shampoing à J1 car l’intervention occasionnant des saignements, la survenue de croûtes risque de majorer le risque infectieux.

3.2. Technique de réalisation du soin (7 items) = point 4

D. Existe-t-il un risque infectieux à fermer le pansement sur des cheveux mouillés ?

  • Cette situation n’étant pas idéale du point de vue infectieux, le corps médical suggère de tenter l’utilisation de sèche cheveux.

E. Vaut-il mieux réaliser un pansement avec ou sans mentonnière ?

  • Les médecins estiment que le pansement en mentonnière étant susceptible de mieux tenir, il semble préférable de le privilégier.

F. Que mettre sous le raccord cathéter-tubulure pour minimiser le risque d’escarre? Duoderm, Allevyn ou compresse stérile ?

  • Il est décidé en collégialité de ne plus utiliser le duoderm. En effet, ce produit collant aux cheveux est jugé inadéquate pour ce type d’utilisation. Les deux autres alternatives sont retenues.

3.3. Surveillance (1 item) = Point 5

G. Faut-il tondre régulièrement les patients porteurs de dérivations ventriculaires externes ?

  • Le corps médical se positionne contre, toujours afin de minimiser au maximum le risque infectieux.

H. Les problèmes de fixation des dérivations ventriculaires externes sont soulevés.

  • Le chirurgien explique la difficulté de fixer efficacement ce type de cathéter car la forme du crâne ne s’y prête pas. Le risque en serrant fortement les points est de générer des escarres de tête.

3.4. Prévention d’escarre (1 item) = Point 7

I. N’est-il pas préférable de positionner un oreiller ou un gel de tête sous l’occiput en prévention d’escarre plutôt que de positionner une plaque de duoderm de façon systématique ?

  • Cette proposition réalisée par l’équipe paramédicale est validée par l’équipe médicale.

4. Bénéfices de l'évaluation des pratiques professionnelles

4.1. Amélioration de la procédure

  • Diverses étapes réalisées par les infirmières au quotidien durant la réalisation de ce soin ne figuraient pas dans la procédure (installation du patient ou certaines phases supplémentaires de lavage des mains...)(annexe n°1). La technique de l’observation a permis de compléter le protocole et d’affiner la procédure en modifiant la chronologie de certaines étapes. Celui-ci a secondairement été diffusé après modifications à l’ensemble de l’équipe.

  • Les interrogations ont été recensées. La concertation en équipe pluridisciplinaire a permis d’apporter des réponses argumentées. Le dialogue a été fructueux.

4.2. Travail en équipe pluridisciplinaire

  • Ce travail a favorisé le dialogue entre le cadre de santé, l’équipe infirmière et le corps médical. Il a permis une remise en question des pratiques de soins, une amélioration de la procédure ainsi qu’une valorisation du travail des soignants.

4.3. Résultats très satisfaisants

  • Il s’avère, aux vues des résultats, que la procédure est largement respectée par l’ensemble des professionnels infirmiers du service.

La qualité des soins dispensés aux patients est indéniable et en corrélation avec la baisse du taux de ventriculites.
Il a été observé que le respect du protocole n’empêchait en rien les infirmières d’adapter leurs pratiques afin d’accéder à une meilleure ergonomie ou de mettre en œuvre leur savoir-faire (exemple : techniques de bandage, installation du patient...). En effet, il est important de ne pas stigmatiser les pratiques ; ce, pour favoriser l’adhésion des professionnels aux procédures.

Conclusion

Le cadre de santé travaille à proximité de l’équipe paramédicale. Il est garant de la qualité des soins et de la sécurité lors de la prise en charge des patients. Évaluer et uniformiser les pratiques fait partie intégrante de sa fonction. Apporter des réponses fiables aux interrogations des professionnels est indispensable dans le processus de soins.
Ce type de travail apporte enrichissement à l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire qui se fédère autour d’un projet de soins. Dialogue, échanges et communication s’en trouvent facilités.
Une nouvelle évaluation devra être réalisée à un an afin de constater si la procédure réajustée est appliquée.


Paris, 6 janvier 2010

Céline BRIDEY
Cadre Infirmier en réanimation neurochirurgicale
Groupe Hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
Février 2006



Annexe n°1 : La procédure réajustée

Technique de soin de réfection du pansement de tête

Réanimation neurochirurgicale, Groupe Hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, Paris

  • Mettre le masque et la charlotte
  • Lavage hygiénique des mains
  • Installer le patient. S’il est stable, obturer la DVE et positionner la tête du lit à plat. S’il est instable, réaliser le pansement en conservant la position du patient, DVE non obturée.
  • Lavage hygiénique des mains
  • Enfiler les gants non stériles et retirer le pansement ; jeter les gants non stériles
  • Lavage antiseptique des mains à la Bétadine Scrub* ou au stérilium
  • Enfiler les gants stériles et mettre le champ stérile sous la tête du patient (l’aide soulève la tête)
  • Nettoyer à l’aide de compresses stériles imbibées de Bétadine Scrub* l’orifice du point de ponction, le cathéter jusqu’au premier raccord et la cicatrice, tout en changeant de compresse pour chaque geste
  • Vérifier la fixation, la tunnellisation et le rasage.
  • Rincer de la même façon avec des compresses stériles imbibées d’eau stérile
  • Appliquer de la même façon la Bétadine alcoolique*
  • Fermer le pansement en prenant soin de placer le raccord KT/tubulure sur une compresse stérile ou sur une petite plaque d’Allevyn pour éviter les lésions cutanées
  • Vérifier la perméabilité de la DVE avant la fermeture du pansement (cf. supra)
  • Enlever les gants stériles
  • Lavage hygiénique des mains
  • Prévenir l’escarre de tête en mettant un oreiller ou un coussin gélatine (pour les patients lourdement sédatés et/ou porteurs d’une minerve). Au besoin, placer un duoderm préventif sous l’occiput.
  • Si nécessaire, réinstaller le patient, ouvrir le circuit de DVE et procéder au réglage de la dérivation selon la prescription médicale.
  • Lavage hygiénique des mains
  • Noter la réfection du pansement sur la feuille de surveillance

Annexe n°2 : Grille d'évaluation du pansement de tête

Critères Oui Non Observations

Le pansement est fait le lendemain de la pose puis tous les trois jours avec l’aide
de l’aide-soignant
S’il existe une cicatrice de craniotomie, le pansement est fait tous les deux jours,
jusqu’à l’ablation des fils puis tous les trois jours
Le shampoing est fait le lendemain de la pose de DVE
Il est fait ensuite tous les 6 jours
Le matériel suivant est préparé : 1 masque, 1 charlotte, 1 bande stérile,
des compresses stériles, 1 paire de gants non stériles, et 1 paire de gants stériles,
1 champ stérile non troué, 1 flacon de bétadine Scrub, 1 flacon de bétadine alcoolique,
des ampoules d’eau stérile, 2 bandes élastoplastes, 1 sac à déchets.
L’IDE met le masque et la charlotte
Lavage hygiénique des mains
Enfiler les gants non stériles et retirer le pansement ; jeter les gants non stériles
Lavage antiseptique des mains à la bétadine scrub
Enfiler les gants stériles et mettre le champ stérile sous la tête du patient
(l’aide soulève la tête)
Nettoyer à l’aide de compresses stériles imbibées de bétadine scrub l’orifice
du point de ponction, le cathéter jusqu’au 1er raccord et la cicatrice tout
en changeant de compresse pour chaque geste
Vérifier la fixation, la tunnélisation et le rasage
Rincer de la même façon avec des compresses stériles imbibées d’eau stérile
Appliquer de la même façon la bétadine alcoolique
Fermer le pansement en prenant soin de placer le raccord KT/Tubulure sur
une compresse stérile pour éviter les lésions cutanées
Vérifier la perméabilité de la DVE avant la fermeture du pansement
Noter la réfection du pansement sur la feuille de surveillance
Prévenir l’escarre de tête en mettant un duoderm préventif sur l’occiput
et un coussin gélatine

Source : infirmiers.com