Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

INFOS ET ACTUALITES

Euthanasie : un généraliste et une infirmière renvoyées devant les assises de Dordogne

Publié le 06/01/2006

Mise en examen pour "empoisonnement", Laurence Tramois, médecin généraliste, avait prescrit une injection de chlorure de potassium pour cette patiente cancéreuse de 64 ans, hospitalisée à l'hôpital local de Saint-Astier (Dordogne), sans consulter préalablement la famille.

Poursuivie pour "complicité d'empoisonnement", l'infirmière, Chantal Chanel, 39 ans, avait exécuté cette prescription sans se poser de question, ni avertir personne.

Le fait que cette annonce intervienne trois jours après la réquisition d'un non-lieu général du procureur de la République de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) dans l'affaire Vincent Humbert "est un pur hasard de calendrier", a souligné Claude Bellenger, procureur de la République.

"Dans l'affaire Humbert, la demande d'euthanasie est clairement exprimée et la famille parfaitement informée. Dans notre affaire, la famille n'est pas mise au courant et aucune demande n'a été clairement exprimée au médecin", précise-t-il.

L'instruction a fait apparaître que la patiente avait uniquement évoqué le désir de voir ses souffrances apaisées auprès d'une infirmière de l'hôpital local.

Laurence Trémois la connaissait personnellement : sa soeur est la compagne du fils de la victime et aide-soignante dans le même hôpital. Celle-ci était également au chevet de la patiente le jour du drame.

Le médecin a rédigé l'ordonnance sans prévenir le fils, ni le mari de la victime. "Sous le coup de l'émotion et d'une fatigue professionnelle importante, elle sort du protocole de morphine classique pour une injection létale de chlorure de potassium", a commenté Claude Bellenger.

L'ordonnance a été transmise à Chantal Chanel par une autre infirmière. "Elle exécute la prescription, qu'elle sait mortelle, sans appeler la généraliste. Elle a pensé que la famille était d'accord", a-t-il ajouté.

Le décès a été présenté comme une mort naturelle à la famille. Mais l'infirmière qui a servi d'intermédiaire a décidé d'en parler plusieurs jours après à l'infirmière chef. La direction a finalement été informée des faits et les a signalés à la Direction départementale des affaires sanitaires de Dordogne (Ddass) qui a prévenu le procureur de la République. L'information judiciaire a été ouverte en octobre 2003.

"PAS D'AUTRES SOLUTIONS QUE LE RENVOI EN COURS D'ASSISES"

Le procureur, qui comprend bien les débats autour de la question de la dépénalisation de l'euthanasie, rappelle néanmoins que "la justice n'est pas là pour trancher des débats de société".

"La loi du 22 mars 2005 -sur laquelle nous nous sommes bien sûr penchés comme un élément de contexte car elle n'était pas en vigueur au moment des faits - officialise les pratiques existantes d'accompagnement en fin de vie mais n'autorise pas les injections létales", fait-il observer.

Claude Bellenger justifie sa décision en indiquant que "juridiquement, il n'y avait pas d'autres solutions que le renvoi en cour d'assises".

"Nous nous retrouvons face à un geste mortel, reconnu et assumé. Pour motiver un non-lieu il faut qu'on puisse établir qu'il y ait eu contrainte. Or, personne n'a obligé le médecin à prendre sa décision. On ne peut pas non plus invoquer un état de nécessité qui aurait obligé celui-ci à commettre un délit, en prévision de la survenue d'une aggravation de l'état de la malade".

"Par ailleurs, on ne peut pas non plus considérer qu'une infirmière soit une simple exécutante. En droit, il existe un principe qui prévoit le refus d'un ordre contraire à la loi", commente-t-il.

Le procureur souligne néanmoins que le renvoi aux assises n'est pas synonyme d'une lourde peine. "Il est susceptible d'appel. Et si finalement, ces deux personnes vont aux assises, elles peuvent tout à fait être acquittées ou condamnées mais avec des peines symboliques".

L'infirmière Chantal Chanel continue à travailler dans l'hôpital local. Laurence Tramois exerce désormais en libéral, l'hôpital local n'ayant pas souhaité poursuivre sa collaboration.

Elle a été sanctionnée par le conseil départemental de l'Ordre des médecins à 23 mois d'interdiction temporaire d'exercer dont 22 mois avec sursis.

"La peine a été symbolique. L'Ordre a souligné que le but de la médecine n'était pas d'achever les patients mais de les accompagner pour qu'ils puissent mourir sans souffrir et dans la dignité. Le conseil a fait un rappel des règles de déontologie. La justice ne peut pas se contenter d'un simple rappel à la loi", conclut le procureur./cf/ajr


Source : infirmiers.com