Éthique et performance ne vont pas vraiment de pair, quoique ! Et si ces deux notions n’étaient pas si antinomiques qu’il n’y paraît ? Et si l’une et l'autre pouvaient s’avérer a minima compatibles et engendrer du sens et du "beau" travail ? Tel était l’objet passionnant de la 1re conférence-débat du cycle managérial "Les Jeudis du savoir" organisée par l'IFCS du CHU de Toulouse et qui s'est tenue le 6 juin dernier. Décryptage.
Bel oxymore que celui proposé comme thème de la 1re conférence-débat du cycle managérial Les Jeudis du savoir
initié par l'IFCS du CHU de Toulouse et dédié aux managers. Comment en effet concilier ces deux notions dans le management actuel, s'est interrogée en préambule Anne-Séverine Paillet, l’une des deux intervenants, cadre de santé formatrice au CHU de Toulouse. Pas évident de répondre à ce réel enjeu social (l’humain devant rester au cœur des préoccupations des managers) d’autant que, comme celle-ci l’a rappelé, le contexte de travail hospitalier doit aujourd’hui faire avec une accélération des flux, des enjeux de qualité totale (certification), une normalisation/standardisation des tâches induisant par là même une réelle diminution des espaces de créativité, mais aussi avec une évaluation individuelle des performances (peur de la sanction) ou encore avec une flexibilisation du travail. Et de poursuivre : Le problème de la performance dans le système de soins est que celle-ci n’est appréhendée qu’à travers le seul prisme de l’efficience. Mais efficience et qualité des soins sont-elles suffisantes ?
Adapter l’outil aux ressources ou vice versa ?
De son côté, Christophe Pacific, deuxième intervenant et par ailleurs docteur en philosophie, enseignant formateur à l’Institut de formation aux métiers de la santé (IFMS) d’Albi, par ailleurs animateur de la rubrique "Ethique et soins" sur infirmiers.com a rebondi et fait le parallèle sur l’utilisation du bon outil pour le bon résultat. Mais l’âge d’or où cet outil était adapté aux ressources est bel et bien révolu. Depuis une vingtaine d’années, c’est tout le contraire qui se produit. Et cette optimisation à tous crins n’est pas sans conséquences : plaisir au travail diminué, conditions de travail dégradées, insatisfaction et perte de sens… Résultat : une morosité ambiante et un système à bout de souffle. C’est l’effet boomerang avec le retour de marteau si l’on peut dire !
Trouver l’équilibre entre le vice et la vertu
Monde du soin et monde de l’entrepreneuriat sont-ils donc réellement inconciliables ? Comment essayer de trouver ce juste équilibre entre le vice (de l’excès ou du défaut) et la vertu ? La pertinence pourrait assurément être une piste, celle de la vertu de la performance. Cette dernière offre en effet une vision d’entreprise, des nids de créativité, du plaisir partagé, du sens maîtrisé ainsi que des résultats valorisés. La pertinence confère du sens à la qualité des soins. Elle permet d’atteindre une performance intelligente et intelligible. Elle permet aussi d’interroger l’action et la singularité des situations, une spécificité des soins
a souligné la cadre de santé formatrice. Ainsi, avec la pertinence, les soins sont adaptés aux besoins du patient. Ils produisent les résultats escomptés pour le patient ; l’efficacité maximale est obtenue au moindre coût. Sans pertinence, c’est a contrario l’éloge de la rentabilité.
Pertinence mais aussi… confiance. Cette dernière oblige en effet à la responsabilité et se révèle clairement un levier de performance, notamment lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des injonctions difficiles émanant des directions hospitalières. La confiance peut aussi créer du collectif avec un sens commun de l’action, un sens partagé du beau
travail.
En pratique, pour ne pas avoir à choisir entre l'éthique et la performance, la stratégie peut être de n’être ni dans le bien ni dans le mal, mais de réinventer plus que jamais les organisations car nous sommes effectivement au bout du système, a préconisé Christophe Pacific. Cela peut passer par exemple par la créativité 1, le meilleur des leviers, en donnant la capacité aux acteurs d’inventer
. Une chose semble entendue néanmoins : Nous (les soignants managers, NDLR) ne devons pas camper sur une éthique de conviction. Celle-ci doit être plutôt transformée en éthique de la responsabilité
. Et ce dernier de conclure en paraphrasant Paul Ricœur : Le pouvoir de penser ensemble avec et pour autrui dans des institutions justes pourrait être la parole d’un management vertueux, la pertinence managériale négociée avec et pour tous et pour chacun
.
• À noter : la deuxième conférence débat, programmée en novembre prochain, devrait porter sur le thème Distinction entre leadership clinique et leadership managérial : le nouveau diplôme des pratiques avancées
.
- Voir le concept d’entreprise libérée par exemple
Valérie HedefValerie.hedef@orange.fr
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