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Equipe spécialisée Alzheimer : le lien social avant tout

Publié le 25/06/2015
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personne âgée accompagnée promenade

personne âgée accompagnée promenade

Les Equipes Spécialisées Alzheimer (ESA), ont vu le jour en 2009 avec le Plan Alzheimer qui en a réglementé le fonctionnement et donné des directives précises quant au dispositif. Ces équipes sont pluridisciplinaires, composées, entre autres, d'aides-soignant(e)s ou d'aides médico-psychologiques ayant suivi une formation complémentaire spécifique (assistant de soins en gérontologie - ASG) de 140 heures sur les démences. Ces équipes interviennent au domicile des patients atteints de la maladie d'Alzheimer et de maladies apparentées.

Mieux prendre en charge le malade d'Alzheimer à son domicile

L'ESA de Rouen est composé de quatre assistantes de soins en gérontologie, d'une ergothérapeute et d'une infirmière coordinatrice. Il fait partie du SSIAD rattaché lui-même au Centre Communal d'Action Sociale (CCAS) de la ville de Rouen. Le dispositif prévoit de 12 à 15 séances d'une heure réalisées au domicile des patients diagnostiqués en stade précoce à modéré de la maladie, sur prescription médicale. L'évaluation préalable du patient est faite par l'ergothérapeute et l'infirmière coordinatrice qui la présente ensuite au service. Une seconde visite est faite avec l'ASG qui interviendra tout au long de la prise en charge et en sera la référente. Des objectifs de prise en charge sont posés, un bilan à mi-parcours est réalisé avec des ajustements éventuels dans la prise en charge. Un bilan final sera ensuite fait avec les relais envisagés qui poursuivront ce qui a été initié avec l'ESA. La mission de l'ASG dans le cadre de ces prises en charge est de maintenir et de développer les capacités résiduelles en travaillant sur les actes de la vie quotidienne pour permettre le maintien au domicile.

Déceler les problèmes, y répondre et recréer du lien social

Madame G. a 88 ans. Elle habite une petite maison de ville. Elle est plutôt petite, en surpoids. Elle a de la moustache et un faciès un peu ingrat. Elle se déplace avec une canne. Elle porte des robes mais avec des baskets et des chaussettes. Aujourd'hui veuve d'un menuisier, elle était matelassière. Le couple n'a pas eu d'enfant. Madame G. m'a dit qu'elle n'en voulait pas. Quand elle était mariée, elle pouvait partir seule en vacances et elle envoyait alors des cartes postales à son mari. Madame G. est sous tutelle du fait de ses troubles cognitifs qui ont débuté il y a plusieurs années mais surtout après une spoliation par une voisine. Madame G. dit éviter les gens depuis cet événement. En dehors de sa sœur âgée de 70 ans, plutôt présente au domicile, elle ne voit personne.

La prise en charge ESA a été prescrite pour des troubles de mémoire à court terme et des troubles de l'orientation temporelle. Indication classique pour une entrée en ESA. Les premières séances sont dédiées à l'établissement d'une relation de confiance. Je prends mon temps, comme pour tous les patients ESA, à expliquer et réexpliquer en quoi nous pouvons les aider au domicile. D'autant que Madame G., comme beaucoup de patients à troubles cognitifs, dit ne pas avoir de problème et ne pas avoir besoin d'aide. Dénégation pour certains, voire déni. Les premières séances sont aussi l'occasion de voir comment la personne se déplace, comment elle s'exprime, comment elle évolue chez elle. De voir également quelles sont les fonctionnalités du logement et d'affiner alors par rapport au diagnostic initial des troubles. Ces séances permettent de déceler des problèmes d'hygiène et d'alimentation entre autres. Elles permettent aussi de voir le degré de coopération du patient, de l'acceptation a minima de la maladie car cela définira le rythme et les possibilités de travail pour ces 15 séances.

L'équipe d'ASG de l’ESA

Dès la troisième séance, j'ai constaté un souci d'hygiène chez Madame G. C'est l'odeur corporelle forte qui m'a alertée. C'est toujours un moment délicat avec les patients pour approfondir ce type de problème. Je lui ai demandé comment sa toilette se déroulait, où elle la faisait, comment elle faisait pour son linge sale. J'apprends que Madame G. fait sa toilette une fois par semaine ce qui est classique chez une personne de son âge mais bien trop peu face à une incontinence débutante.

L'exploration de la maison avec Madame G. m'a permis de voir qu'il était nécessaire de prévoir des aménagements. En effet, les escaliers sont étroits et dangereux. La chambre est à l'étage alors que les sanitaires, qui se sont avérés plus ou moins hors d'usage, sont en bas.

Malgré tous les freins que Madame G. a mis en place au début de la prise en charge, elle a fini par accepter un lit médicalisé au rez de chaussée et de remettre en service ses toilettes. La confiance avec Madame G., les propositions, la négociation et une acceptation de certaines choses se sont faites autour de parties de Triomino, jeu qu'affectionne Madame G. et auquel nous jouons pratiquement à chaque séance. Pour d'autres patient, le moyen, l'accroche, pourra se faire à travers la cuisine, l'écriture...

Pour quelqu'un qui « évite les gens », après quelques parties de Triomino, Madame G a bien voulu se rendre à un accueil de jour. L'idée était de recréer pour elle un lien social et de reprendre du plaisir dans le collectif. Aujourd'hui, la prise en charge est terminée mais Madame G. s'y rend deux fois par semaine. La veille de la première visite à l'accueil de jour, mon challenge était qu'elle accepte une toilette complète et un changement de linge. Pour cette séance, Madame G. m'attendait de pied ferme pour débuter une partie de Triomino. Nous avons convenus de faire d'abord la grande toilette et nous ferions ensuite une partie. Grande toilette pendant laquelle Madame G. m'a dit « cela me fait du bien !». Elle fut également l'occasion de détecter une mycose importante sous un sein. Le SSIAD a été mis en place et des conseils ont alors été donnés aux aides-soignants et des habitudes de vie ont pu être changées.

La prise en charge de Madame G. s'est arrêtée après les 15 séances. Beaucoup de choses ont pu se faire avec également l'aide de la sœur qui a été un réel soutien et une aide pour l'acceptation et la réalisation des aménagements comme l'intervention d'auxiliaires de vie. Les aidants font le lien. Ils peuvent, sinon être décisionnaires, au moins avoir une certaine influence. Ce n'est pas toujours le cas. Certains patients sont isolés, d'autres ont de la famille ou un conjoint qui font obstacle pour des raisons qui leur sont propres et avec lesquels nous devons faire et parfois admettre que durant la prise en charge, peu de choses pourront se faire.

Après une année, l'ESA recontacte le patient et, si nécessaire, une nouvelle prise en charge peut avoir lieu avec de nouveaux objectifs adaptés au nouvel état du patient.

Dominique POTIN-KAHN  Psychologue

L'équipe ESA du SSIAD CCAS Rouen avec Stéphanie NOEL, Anne BARNABE, Christine HUGUERRE et Elodie HELOT


Source : infirmiers.com