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AU COEUR DU METIER

En Avignon, les infirmières vont « oser l'expertise »

Publié le 30/09/2015
make a difference

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Judith Shamian

Judith Shamian

« Qualité des soins, qualité de vie : quelle place pour l'expertise dans la pratique infirmière ? » Telle est la question posée lors du 13e Congrès européen francophone des infirmier(e)s clinicien(ne)s, consultant(e)s et de pratique avancée organisé par l’Anfiide et qui débute le 1er octobre en Avignon. Deux jours, durant il sera question de défendre et d'oser l'expertise ; un défi de taille qui doit être envisagé « avec humilité mais fermeté » par l'ensemble de la communauté infirmière comme nous l'explique Brigitte Lecointre, présidente de l'Anfiide.

L'expertise infirmière au coeur du 13e congrès de l'Anfiide

Le thème choisi cette année « De novice à expert, oser l'expertise » a suscité une très grande adhésion des acteurs concernés, comme en témoignent les inscriptions, près de 300 ! Il reflète pertinemment l’ambition de l’Anfiide qui est de rassembler le groupe professionnel infirmier autour de son expertise afin de mettre en valeur le bénéfice apporté au service des populations, des systèmes de santé et de la profession elle-même. Ce congrès placé sous le Haut patronage de Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des Femmes, en présence de Judith Shamian, présidente du Conseil international des infirmières (CII) se propose donc de présenter les évolutions cliniques, d’enseignement, de recherche et réglementaires à court, moyen et long termes en la matière. Les mots clés rassemblement, impact, interactivité, accessibilité ont été choisis pour exprimer la volonté de l'Anfiide de participer activement à la mise en œuvre des réformes des politiques de santé en Europe en explicitant et valorisant la contribution infirmière. Regards croisés, points de vue, initiatives, travaux de recherche permettront par la variété de leurs éclairages de mieux définir ce qu’est l’expertise infirmière et les étapes qui y conduisent.

Rappelons-nous cette citation de Léonie Chaptal :

Le malade, c’est l’art de l’infirmière, la maladie, c’est la science du médecin... 

La cérémonie d’ouverture réunira les pays organisateurs, des personnalités représentant des instances et des décideurs du monde de la santé. L'intervention de Judith Shamian, présidente du CII, donnera d'emblée une vision de ce qu'est l'expertise dans les soins infirmiers et la direction qu'elle doit prendre pour s'exprimer et être reconnue à part entière. Deux jours durant, notre ambition est de montrer que l’expertise est  indissociable de l’activité, de la pratique infirmière et qu'elle n'est pas uniquement attachée à un rôle ou à une fonction. En effet, nous devons militer, tous ensemble et sans aucune discrimination de titre, de formation ou de diplôme, ni clivage pour que chacune et chacun (IDE, clinicienne certifiée, praticienne, infirmière de pratique avancée…) soit reconnu(e) comme expert(e) dans son environnement de travail et affirmer cette expertise dans les espaces de décision où elle s'exprime (en établissement de santé ou médicosocial, à domicile, au travail, à l’école…). Notre ambition est aussi de défendre que l’expertise nourrit la quête de sens professionnel dans une vision positive, constructive et intégrative pour tout(e) infirmier(e) qui aspire à atteindre ces niveaux, qu’elle est au cœur aussi bien de la qualité de vie des patients que celle des infirmiers.

L'expertise infirmière : comment la définir ? Comment la reconnaître ? Comment l'atteindre ?  Comment la promouvoir ? Comment la transmettre ? Des questions légitimes et qu'il faut avoir le courage de se poser en toute honnêteté, dans le partage et l'ouverture d'esprit et donc sans clivage...

Le mot de Judith Shamian, présidente du Conseil international des infirmières

Tout au long de mon mandat, de 2013 à 2017, mon mot d'ordre sera l'IMPACT. Les infirmières exercent un impact énorme sur la vie quotidienne des personnes et sur la santé des populations. Mais cet impact se manifeste aussi  :

  • sur la qualité des soins infirmiers et sur la sécurité des patients, dans le respect de l'existence, de la sécurité et de la vie de famille des infirmières ;
  • sur la santé mondiale, de par les connaissances, les expériences et la participation des infirmières tant aux instances décisionnelles qu'aux points de soins ;
  • sur les déterminants sociaux de la santé, par la suppression des obstacles à l'accès à des soins de santé de qualité ;
  • sur le niveau de connaissances et de compétences que les infirmières consacrent à l'amélioration de la santé et des soins infirmiers.

La richesse des nations repose sur la santé de leurs populations. La santé des populations dépend, elle, des infirmières.

L’infirmière experte va tendre à être pertinente dans ses actions. Efficace, elle se positionne, argumente ses décisions dans une pratique collaborative et coordonnée, avec le souci de faire preuve d’assertivité. Elle va induire « le doute positif », expliquer ses savoirs mais surtout mener des actions et donc « faire » pour mieux les transmettre. Cet accomplissement professionnel est un facteur d’influence notable sur sa qualité de vie personnelle et son bien-être au travail au sein d’une équipe soignante ou d’un cabinet de soins en libéral. Cette expertise infirmière constitue également aujourd’hui, et ce dans des contextes de soins de plus en plus complexes et avec des moyens de plus en plus en plus contraints, un véritable levier au regard des enjeux du système de santé pour plaider la cause des infirmières à des postes stratégiques. Ainsi, après avoir explicité des actions novatrices et partagé de nouvelles connaissances, nous susciterons auprès de chacun, avec humilité et respect, le goût de la réflexion et de la recherche. Le but étant d'éviter qu’une infirmière ne se retrouve « au bord du chemin », pensant que, comme dans un passé pas si lointain où l’infirmière était assujettie au pouvoir médical, il y a ceux qui pensent et ceux qui exécutent.

Plus qu’une ambition … Un  profond souhait. Que la réussite de cet événement soit au rendez-vous tant par la qualité scientifique que par la manifestation d’amitiés, de solidarité et de partages !

Cet espace de réflexion et de partage que constitue ce congrès va nous permettre aussi de nombreux éclairages qui nous aideront à comprendre où nous en sommes à propos des « nouveaux métiers » en France. En effet, l’infirmière exerçant une activité de consultation dans différents champs (éducation, prévention, promotion, réhabilitation, curatif, palliatif…) fait bénéficier la personne soignée et/ou son entourage de son expertise clinique dans une démarche co-construite et dans une approche pluriprofessionnelle. Cependant, question formations et surtout leur reconnaissance, il y a beaucoup à faire et à espérer.  Rappelons que les formations d’infirmières cliniciennes sont certifiantes et ce depuis 19911. Les objectifs de ces formations sont d’acquérir un raisonnement clinique solide centré sur la personne soignée et informé par les derniers savoirs publiés. Plus spécifiquement, l’analyse et le jugement clinique conduisent à sélectionner des interventions infirmières pertinentes et notamment dans les situations cliniques complexes. Aujourd’hui, ces formations de cliniciennes certifiées sont une étape pouvant mener à la pratique avancée en poursuivant un cursus universitaire. Dès les années 90, des formations d’infirmières spécialistes cliniques ont été mises en œuvre dans la continuité du cursus de clinicienne certifiée. Ces « infirmières spécialistes cliniques certifiées »2 sont elles aussi des infirmières de pratique avancée selon les normes internationales. Effectivement depuis 2009, les premiers Masters en Sciences Cliniques Infirmières ont été créés. D'autres ont suivi en 2011 porteurs d'orientations thématiques différentes en Master 2. Ces infirmiers titulaires d'un Master 2 sont nommés Infirmiers de pratique avancée (IPA)3. En 2013, il est précisé que les IPA ont des fonctions d’« infirmières cliniciennes spécialisées »4. Il s’agit là de la reprise du terme utilisé dans les provinces francophones du Canada alors que se pose la question de l’employabilité avec l’intégration de ces professionnelles. En 2015, l’implantation des fonctions des IPA est toujours d’actualité5. Actuellement, nous recensons 123 infirmier(e)s titulaires d’un master en sciences cliniques infirmières6. Ils exercent en pratique clinique en faisant preuve d’un leadership clinique , d’équipe avec les autres acteurs de santé dans les domaines de l’éducation en santé, la prévention, la qualité et la sécurité des parcours de soins complexes. Certains ont également des activités dans la recherche et l’enseignement.

Les cinq piliers de la pratique avancée en soins infirmiers : pratique clinique consultation,  formation, leadership, recherche...

A ce jour, la pratique avancée met en lumière des nouveaux métiers au sein de la profession. Cette émergence dans les systèmes de santé va considérablement modifier la structuration des professionnels de santé que sont les infirmières et ce dans l’attente de la promulgation de l’article 30 du projet de loi relatif à la santé 7créant l’exercice de la pratique avancée dans le code de santé publique. Ces difficultés d’identification et d’intégration professionnelles existent depuis de longues années déjà, elles sont liées d’une part au fait que des IPA et des infirmières cliniciennes certifiées ont pour certaines un mode d’exercice libéral ce qui constitue une particularité française et, d’autre part, qu’une vaste  réforme qualifiée de réingénierie est engagée dans le champ de la formation. Les réponses à ces instabilités ne sont peut-être pas liées intrinsèquement à la profession mais bien plus à des décisions sociopolitiques au regard du paysage évolutif de la santé en France. Espérons que le vote de l’article 30 de la loi de santé publique (cf article du mardi 27 septembre 2015 « Pratique avancée paramédicale : les sénateurs remanient l'article 30  » et la fin de la mise en œuvre de la réforme de la formation nous permettent de sortir de cette difficulté qui complexifie la compréhension globale du sujet au sein même de la profession. Ainsi, doivent en découler les parcours de formation, leur appellation, leur spécificité, la mise en œuvre des missions qui en découlent et leur reconnaissance, y compris financières.

Notes

  1. Institut de Soins Infirmiers Supérieurs ISIS. Formation de Certification d’approfondissement à la démarche clinique – CADCI depuis 1991. Egalement, depuis plus dix ans, il y a une formation clinique certifiante en soins infirmiers à Sainte-Anne Formation
  2. Institut de Soins Infirmiers Supérieurs (ISIS)
  3. Le Conseil International des Infirmières (CII), depuis 2002, définit la pratique avancée comme  Une infirmière qui exerce en pratique avancée est une infirmière diplômée qui a acquis des connaissances théoriques, le savoir faire nécessaire aux prises de décisions complexes, de même que les compétences cliniques indispensables à la pratique avancée de sa profession. Les caractéristiques de cette pratique avancée sont déterminées par le contexte dans lequel l’infirmière sera autorisée à exercer
  4. Agence Régionale d’Ile-de-France. Guide 2013 « Infirmière clinicienne spécialisée : élément de cadrage pour les missions, la formation et l’emploi ». En Outre Atlantique, elles sont nommées  « infirmières cliniciennes spécialisées »  et « praticiennes » avec des compétences élargies (diagnostic, prescription et orientation). Les premières infirmières de pratique avancée aux Etats Unis sont apparues en 1950.
  5.  Agence Régionale d’Ile-de-France. Guide 2015 «  Intégration des infirmières de pratiques avancées en équipe de soins ».
  6. Gic Repasi/Anfiide
  7. Article 30 du projet de loi relatif à la santé n°2302, du 15 octobre 2014 : Cet article définit la notion de pratique avancée d’une profession paramédicale  et les modalités de son inscription dans la partie législative du code de santé publique. Cette mesure est destinée à créer le métier d’infirmier clinicien.

Brigitte LECOINTRE  Présidente de l'Anfiidehttp://www.anfiide.com/


Source : infirmiers.com