Mireille est aide-soignante. Dans ce texte qu’elle souhaite partager avec la communauté soignante, elle dénonce les dérives et le manque d’humanité dans certains Ehpad.
Ce que je veux dénoncer aujourd’hui, ce sont les Ehpad où les soignants n'ont ni le temps, ni l'envie de développer l’empathie : résidents dépendants oubliés quelques heures dans les couloirs, devant les portes d'un ascenseur, appareils dentaires égarés (cela arrive très souvent), perdus à jamais avec tous les risques que cela entraîne pour l’état des résidents (dans ce cas, c’est l’ehpad et son assurance qui doivent financer la nouvelle prothèse dentaire). Je veux dénoncer les repas retirés avant que le résident n'ait terminé de manger ou qu’il a parfois seulement commencé. Je veux dénoncer les protections peu changées en 24 heures, les demandes de se rendre aux toilettes non- entendus
, les visages et mains jamais nettoyés après les repas ni avant d'ailleurs, rasage oublié et nettoyage des ongles aussi (jamais taillés ni lavés.) Je veux aussi parler des locaux aux sols collants : les mêmes tâches aux mêmes endroits tout au long de la semaine...
Pouvons-nous réellement dénoncer sans que nos parents ne soient maltraités ?
Ajoutons notamment le manque de soins d'hygiène à la personne, les protocoles infirmiers non suivis, les directions qui ne préviennent jamais les familles des pertes de prothèses, ni des problèmes de santé qui malheureusement dégénèrent et finissent par des hospitalisations trop tardives... Parlons encore de la non-écoute des douleurs induites aux soins ou douleurs dues à des plaies qui se transforment en escarres infectées de bactéries multi-résistantes, du manque de protocoles. Ah les protocoles pourtant garants des soins ! Et de tant de choses sur lesquelles il faudrait diligenter des enquêtes et arriver à mettre de l'ordre ! Est-ce vraiment cela que nous voulons pour nos proches, nos aînés ? Pouvons-nous réellement le dénoncer sans que nos parents ne soient maltraités ? Allons-nous continuer à payer des sommes astronomiques pour des soins qui n'existent pas, ne sont pas faits ou mal faits ? Quand notre société va-t-elle s'insurger contre ces boîtes à fric
qui brassent des fins de vies sans aucune empathie et considèrent nos anciens comme des chéquiers ambulants ? Quand allons - nous trouver d'autres solutions plus humaines ? Disons-nous que nous serons les prochains à y passer, cela fait envie ? Quand nous les soignants, allons-nous arriver à nous sentir respectés par la hiérarchie qui elle ne pense qu’à l’argent ? Quand nous, les diplômés allons-nous exiger, en soutien aux familles, de travailler avec des collègues diplômés car ce diplôme est le garant de notre formation, de nos bonnes pratiques et pas avec des faisant-fonction qui quelle que soit leur intention de bien faire n'ont pas le niveau ni les connaissances requises ? Je pense que c'est aux soignants et aux familles d'exiger le respect des bonnes pratiques dans ces établissements !
Je sais, j'ai observé, je me suis tue par peur de maltraitance sur mon papa
J'ai la cinquantaine, je viens de souffrir de ce système à travers la souffrance et les cris de mon père. C'est pour les autres résidents que je m'insurge aujourd’hui. Je sais, j'ai observé, je me suis tue par peur de maltraitance sur mon papa. Par peur, j'ai cautionné cela mais là, je crie, je hurle, juste parce que j'ai honte de cette société ! Mais je n'ai plus peur ! Je vais prendre le stylo et hurler après les loups, auprès de ceux qui paient les aides, après ceux qui encaissent, je vais bouger car je culpabilise d'avoir subi ce système et que je sais que c'est au niveau de la pompe à fric
qu'il faut taper
!
Mireille, aide-soignante
Ce texte a été publié le 19 février 2019 sur le fil Facebook
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