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Edito - Mettre fin aux mutilations génitales féminines

Publié le 05/02/2016
jeune femme

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femme victime de mutilation

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M. Ban Ki-moon secrétaire général ONU

M. Ban Ki-moon secrétaire général ONU

femme victime de mutilation

femme victime de mutilation

Instituée depuis 2007 par l’ONU, la Journée internationale de la tolérance zéro à l’égard de l’excision, demain 6 février 2016, vise à sensibiliser les communautés et les acteurs étatiques à renoncer aux pratiques jugées néfastes sur les filles et femmes. A l'heure où selon le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, au moins 200 millions de filles et de femmes ont subi une forme ou une autre de mutilation génitale à travers le monde, cette journée prouve, année après année, que le combat contre ces pratiques barbares est loin d'être gagné.

Outre les jeunes filles, ce sont aussi les femmes enceintes, tout juste mamans ou sur le point de se marier, qui subissent ces sévices que constituent les mutilations génitales...

Rappelons que les mutilations sexuelles féminines recouvrent toutes les interventions incluant l'ablation partielle ou totale des organes génitaux externes de la femme ou autre lésion des organes génitaux féminins pratiquées pour des raisons non médicales. En comportant l'ablation de tissus génitaux normaux et sains ou en endommageant ces tissus, elles entravent le fonctionnement naturel de l'organisme féminin. Le plus souvent pratiquée par des praticiens traditionnels comme les exciseuses et les accoucheuses, l'opération se fait sans anesthésie avec des ciseaux, des lames de rasoir ou des couteaux. Extrêmement traumatisante, cette pratique entraîne des douleurs violentes et a des conséquences immédiates et durables tant d'un point de vue somatique que psychologique chez ces femmes mutilées qui en subissent les néfastes effets toute leur vie durant alors que certaines peuvent également en mourir. Plus sujettes aux complications urogénitales, elles ont davantage de risques d’hémorragie, de césarienne et de réanimation du nouveau-né lors de l’accouchement, en particulier si elles ont subi une infibulation, suture de la majeure partie des grandes ou des petites lèvres de la vulve, ne laissant qu’une petite ouverture pour que l’urine et les menstruations puissent s’écouler. L'infibulation est habituellement pratiquée sur une adolescente prépubère dans le but de lui empêcher tout rapport sexuel vaginal.

L'excision : une norme (a)sociale

Dans les sociétés où elles sont pratiquées, les Mutilations Sexuelles Féminines (MSF) sont le reflet d’une inégalité entre les sexes et traduisent le contrôle exercé par la société sur les femmes. Le maintien de la pratique est sous-tendu par un ensemble de croyances culturelles, religieuses et sociales. Les raisons invoquées par les groupes qui perpétuent l’excision peuvent varier selon la région, l’ethnie ou la communauté et peuvent se cumuler. Il est important de comprendre que l’excision constitue une norme sociale : dans la plupart des communautés, l’excision persiste en raison d’un sentiment d’obligation sociale très fort. Par conséquent, même lorsqu’elles sont conscientes des répercussions sur la santé physique et psychologique de leurs filles, les familles préfèrent perpétuer la pratique pour ne pas subir jugement moraux et sanctions sociales (comme par exemple l’impossibilité pour une fille de se marier.

De nouvelles estimations révèlent qu’aujourd’hui, en 2016, au moins 200 millions de filles et de femmes ont subi une forme ou une autre de mutilation génitale féminine. 

Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon

Elles sont quelque 200 millions de victimes, dont près de la moitié vivent en Egypte, en Ethiopie et en Indonésie... L’Unicef, le Fonds des Nations unies pour l’enfance, a établi ce nouveau bilan des femmes et filles souffrant de mutilations génitales dans le monde. Ce chiffre dépasse de 70 millions la dernière estimation de l'OMS , qui datait de 2014, notamment en raison de nouvelles données fournies par Djakarta. L’ONU s’est fixé pour objectif de faire cesser cette pratique d’ici à 2030, dans le cadre des objectifs de développement adoptés par 193 pays en septembre dernier. La chargée de ce programme, Nafissatou Diop, le rappelle, invitant les médias à s’impliquer davantage dans la sensibilisation Ces pratiques infligées aux jeunes filles et femmes, violent leurs droits à la santé, à la sécurité et à l'intégrité physique, le droit d'être à l'abri de la torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que le droit à la vie lorsqu'elles ont des conséquences mortelles. En effet, sur les personnes affectées, 44 millions sont âgées de 14 ans ou moins. Dans les 30 pays où les mutilations sont les plus répandues, la majorité des victimes ont été excisées avant d’avoir 5 ans. La Somalie, la Guinée et Djibouti restent les pays avec le taux de mutilation le plus élevé : 98 % des filles subissent des mutilations génitales dans le premier, 97 % dans le second et 93 % dans le troisième. Maigre lueur d’espoir : le taux a en revanche régressé dans une trentaine de pays, dont le Liberia ou le Burkina Faso. Cinq pays ont cependant adopté des lois criminalisant l'excision : le Kenya, l’Ouganda, la Guinée-Bissau et, récemment, le Nigeria et la Gambie. Le président gambien Yahya Jammeh a en effet décrété en novembre 2015 l’interdiction immédiate de l’excision, et le Parlement a suivi le mouvement en adoptant le 29 décembre un premier texte de loi comprenant des poursuites pénales. Une question demeure cependant : une interdiction pénale à elle seule suffira-t-elle à éradiquer cette pratique ?

Outre les jeunes filles, ce sont aussi les femmes enceintes, tout juste mamans ou sur le point de se marier qui subissent ces sévices, alors qu'aucun bénéfice pour la santé ne peut être attribué à ces pratiques qualifiées de « traditionnelles ».

« Il est plus que jamais urgent, mais aussi possible, de mettre fin aux mutilations génitales féminines... »

Le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, s'exprime à l’occasion de cette Journée internationale de la tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines. « Il est plus que jamais urgent, mais aussi possible, de mettre fin aux mutilations génitales féminines et d’épargner ainsi d’immenses souffrances aux femmes tout en leur donnant plus de moyens d’influencer positivement l’évolution du monde. (…) Quand cette pratique sera totalement abandonnée, des effets bénéfiques se feront sentir à l’échelle des sociétés, les femmes et les filles reprenant possession de leur santé, de leurs droits et de leur énorme potentiel.  (…) Nous pouvons en finir avec la mutilation génitale féminine en une génération et édifier ainsi un monde où les droits fondamentaux de toutes les femmes, de tous les enfants et de tous les adolescents sont pleinement respectés, où leur santé est protégée, et où ils sont mieux à même d’apporter leur pierre à la construction de notre avenir commun. »

Des femmes témoignent de leur histoire et s'engagent...

Madina Bocoum Daff, Malienne de 60 ans se bat contre les mutilations génitales. Comme elle le raconte dans le Figaro Madame, Je suis née dans une famille qui pratique l'excision sous sa forme la plus sévère, l'infibulation. Quand elle se prépare à prendre un époux, elle réalise que le mariage ne pourra pas être consommé sans une nouvelle intervention. Dans la plupart des cas, celle-ci est faite au couteau par l'exciseuse, sans anesthésie et dans des conditions d'hygiène déplorables, à même le sol. C'est un choc, une douleur qu'on garde toute sa vie. Sans parler des déchirures subies à chacun de ses six accouchements. De son côté, même combat de la chanteuse, également Malienne, Inna Modja qui milite à l'ONU contre l'excision. Elle profite de sa notoriété pour s'engager contre cette pratique dont elle a été victime. Le 6 février à New York, elle participera à la journée internationale de tolérance 0 contre les mutilations génitales féminines et s'exprimera à l'ONU. Mon histoire personnelle fait que je me suis engagée dans la lutte contre l'excision vu que je l'ai été moi-même, à l'insu de mes parents. (...) Je milite continuellement contre cet acte dans le sens où j'ai travaillé avec plusieurs associations. J'étais marraine de l'une d'entre elle, Tostan, pendant 4 ans.

Victimes elle-mêmes, ces femmes militent pour que ces mutilations cessent...

Aucune raison liée à « la culture, la coutume, la religion, la tradition ou le prétendu “honneur”» (Convention d’Istanbul1) ne saurait justifier les mutilations sexuelles féminines.

Prévenir, mais aussi reconstruire

En 2010, l'OMS a initié une stratégie mondiale visant à empêcher le personnel de santé de pratiquer des mutilations sexuelles féminines.

Cette stratégie mondiale contre la médicalisation de ces mutilations a été élaborée en collaboration avec les principales parties prenantes, y compris les des Nations Unies et les organismes professionnels de la santé, les gouvernements nationaux et les ONG. Cette stratégie vise un large public de responsables politiques gouvernementaux, de parlementaires, d’organismes internationaux, d’associations professionnelles, de dirigeants communautaires, de chefs religieux, d’ONG et d’institutions diverses. En France2, certaines femmes excisées franchissent le cap de la reconstruction chirurgicale, pratiquée dans plusieurs hôpitaux, comme la maternité du centre hospitalier de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) qui a créé  une unité dédiée en 2013. Nous en parlons beaucoup avec elles avant car l’opération suscite de la peur, de l’angoisse, et parfois de faux espoirs. Ce n’est pas magique. Mais toutes affirment que cette intervention leur a permis de se réapproprier leur corps. Quant au chirurgien urologue Pierre Foldes, le chirurgien des femmes excisées depuis plus de très nombreuses années, il forme aujourd’hui, de jeunes confrères à cette technique chirurgicale qui permet de réparer des femmes blessées. En coupant le clitoris, on blesse généralement les lèvres et c’est toute la vulve qui est détruite. Lorsqu’on la reconstruit, il ne s’agit pas d’une chirurgie esthétique, mais d’une chirurgie réparatrice. Il n’y a pas de greffe, on reconstitue les nerfs et les vaisseaux. C’est une opération délicate qui a pour objectif de rendre le clitoris fonctionnel. Si l’intervention, assez rapide, se pratique sous anesthésie générale, ce n’est qu’après que le vrai combat commence : celui des femmes mutilées qui doivent véritablement apprendre à prendre du plaisir. C’est là l’autre aspect, essentiel, du travail de l’équipe de Pierre Foldès à Saint-Germain-en-Laye : l’accompagnement et la rééducation : un processus lent qui peut prendre de quelques mois jusqu’à deux ans.

"Les mutilations génitales féminine (MGF) sont un crime odieux et une grave violation des droits humains des femmes et des filles", a déclaré le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe Thorbjørn Jagland

Notes

  1. Le Conseil de l’Europe et Amnesty International ont publié un guide intitulé "La Convention d’Istanbul, un outil pour mettre fin aux mutilations génitales féminines", qui présente des bonnes pratiques permettant de faire cesser les MGF.
  2. Voir aussi Colloque « Excision, les défis de l’abandon » (6 février 2014)

Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern


Source : infirmiers.com