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Edito – Les soignants à l'épreuve des violences

Publié le 06/09/2013

Depuis la mi-août 2013, les violences hospitalières – mais aussi en secteur libéral – se sont succédées à un rythme soutenu, voire infernal, dans l'hexagone. Marseille, Valenciennes, Bourgoin-Jallieu, Vénissieux, Rangueil, Saint-Denis...  une bien triste énumération qui met la communauté soignante en émoi et surtout en attente de solutions face à un climat d'insécurité croissant qui fait désormais partie de leur quotidien.

2013 : l'été de toutes les violences hospitalières

Ces violences sont inacceptables. On n’est pas là pour recevoir des coups !, dit une infirmière suite à l'agression d'une de ses consoeurs dans le service d'urgences de l'hôpital Rangueil, à Toulouse.

La violence fait désormais partie du quotidien des hôpitaux et ce de plus en plus... Depuis quelques semaines, chaque jour amène son lot de « faits » en la matière : dans les établissements de soins de Marseille, Valenciennes, Bourgoin-Jallieu, Vénissieux, Rangueil, Saint-Denis... Dernière information en date du 5 septembre une hypothétique « prise d'otage » avec séquestration d'infirmières à l'hôpital Nord de Marseille dans la nuit du 12 au 13 août 2013, passée sous silence...  L'AP-HM temporise, affirmant que dans cette affaire, les soignants n’ayant pas souhaité déposer plainte par crainte de représailles et en l’absence de flagrant délit (l’arme n’ayant pas été retrouvée sur le patient), il n’a pas été possible de saisir le procureur de la République. Aujourd'hui dans Libération, Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille déplore que les faits aient été volontairement exagérés pour créer un nouveau coup médiatique sur la violence à Marseille. Comprenne qui pourra...

Coups de poing, armes blanches et parfois pistolets (!) ont donc remplacé les « simples » agressions verbales et la communauté soignante, notamment dans les services d'urgences, travaille dans un climat d'insécurité angoissant qui vient bousculer ses valeurs professionnelles portées vers l'attention et le soin à l'autre.

Gérald, l'infirmier marseillais agressé à l'arme blanche le 18 août 2013 l'affirmait sur notre page facebookJ'avoue que parfois, je ne suis pas le soignant parfait à force d'accumuler tant de tension au sein des urgences. Mais malgré tout cela, je veux garder ma conviction, ma foi dans mon travail et je veux toujours apporter un peu d'humanité dans ce monde de brutes.

8.000 agressions verbales ou physiques recensées à l’hôpital en 2012 selon l'Observatoire national des violences en milieu de santé

Entre solidarité et impuissance

Au fil des informations, en toute solidarité, les soignants réagissent, commentent les faits, s'insurgent et se révoltent, souvent dégoûtés de ces attitudes de patients sans foi ni loi qui ne respectent rien ni personne. Et il n'y a pas que dans les quartiers chauds, commente Lise, c'est la société actuelle ! Aux urgences (comme son nom l'indique ...) c'est tout tout de suite sinon ça "gueule", et c'est peu dire !!! Et généralement ce sont les petits bobos qui en font le plus...  les gros malades sont plus patients !Aleksandra, de son côté, souligne que tout est devenu un droit ! Dans l'accessibilité aux soins il y a aussi des devoirs ! Respecter le personnel, les lieux, le matériel ! Il y en a marre de cette France qui ne respecte aucun corps de métier !

Charlotte, de son côté, le rappelle : ça fait un moment que les soignants sont victimes d'agressions plus ou moins  importantes. C'est juste que maintenant, ENFIN, on en parle.

Et pour cause, comment pourrait-on passer sous silence les quelques 8.000 agressions verbales ou physiques recensées à l'hôpital en 2012 par l'Observatoire national des violences en milieu de santé dans son dernier rapport l’Observatoire national des violences en milieu de santé (Onvs), Rappelons que même si les agressions de niveau 4 en matière de gravité (violences avec arme pouvant aller jusqu’au crime) ne représentent que 1% des atteintes aux personnes, celles de niveau 3 (violences physiques) constituent tout de même 51% des incidents recensés. Pour le reste, on dénombre 28% d'actes violents de niveau 1 (injures, insultes) et 20% de niveau 2 (menaces d’atteinte à l’intégrité physique). Selon l'ONVS, si l'ensemble des signalements sont presque deux fois plus fréquents qu'en 2011, c'est parce que le nombre d'établissements déclarant les cas d'incivilité à l'Observatoire ne cesse d'augmenter. L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (APHP - 37 établissements) a ainsi rejoint le dispositif l'an dernier, déclarant du même coup 3.038 incidents. Les agressions émanent essentiellement des services accueillant des patients très difficiles. La psychiatrie totalise 23% des signalements pour les atteintes aux personnes, viennent ensuite les urgences et les services gériatriques.

Face à la violence, des solutions qui divergent...

Pour l'urgentiste Patrick Pelloux, président de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF), interwievé dans Libération le 5 septembre 2013La violence est indissociable de l’exercice de la médecine d’urgence (…) On demande depuis longtemps de pouvoir disposer dans les services d’urgences d’un système d’alerte immédiate à la police, un dispositif d'alarme semblable à celui des banques ou des bijouteries. Si l’on peut protéger ainsi des tableaux et des bijoux, on devrait pouvoir faire de même pour le personnel urgentiste !.

Alors que dans certains établissements hospitaliers, la situation est telle que la direction a décidé d'embaucher des vigiles pour tenter de protéger son personnel, les solutions proposées pour endiguer les faits de violence divergent. Le Pr Marc Alazia, chef de service aux urgences de l'hôpital de la Conception, lieu où s'est déroulée l'agression marseillaise, exaspéré par les agressions verbales ou physiques qui se multiplient dans son service, demande à la direction générale de son établissement, la présence aux urgences d'une force de police dissuasive et 24H/24. Quant à Samia Ghali, maire des XVe et XVIe arrondissements de Marseille, elle appelle à déployer l’armée dans les hôpitaux, comme dans les gares… Patrick Pelloux réagitOn n'est pas en guerre civile ! Alors quoi, on va faire un plan vigipirate et accueillir les malades avec des mitraillettes ? C'est du délire. Il faut garder la tête froide face à ces événements. Tout ce que l’on réclame c’est un rapprochement entre les services d’urgence et la police, pour que les interventions soient plus rapides et réactives, ainsi que des moyens pour travailler sereinement.

Interrogés sur notre forum et sur le réseau social Facebook sur la question suivante "Pensez-vous qu'une présence policière à l'hôpital puisse faire diminuer la violence envers les soignants ?" les internautes se divisent et font pencher les suffrages vers la négative. Pour Audrey, le problème est ailleurs, encore faut-il donner les moyens que la santé mérite ! La répression n'est pas la panacée ! Cette violence est tristement le reflet de la société actuelle... Jean-Paul, de son côté, pense le contraire : Oui 1.000 fois oui. Bien que tout jeune diplômé, je bosse aux urgences et je peux vous affirmer que la violence des patients ne vient pas toujours de l'attente ou je ne sais quoi ... Heureusement pour nous que là ou je suis nous avons la chance d'avoir un vigile avec son chien.... Darla tempère : de toute façon, il va bien falloir trouver une solution ça ne peut pas durer ainsi...Je suis pour une présence permanente de policiers ou assimilés dans l’enceinte même des établissements hospitaliers. Nos médecins et infirmiers n'ont pas à avoir à travailler avec la peur de se faire agresser. Dans 20 minutes en date du 5 septembre 2013, une infirmière raconte ceci : Les incivilités peuvent parfois prendre le chemin de la violence physique. On nous dit qu’il faudrait aller porter plainte. Mais le soir, après le travail, au commissariat de l’arrondissement... J’avoue ne pas le faire, reconnaît-elle.  

La réponse des Pouvoirs publics

Du côté des Pouvoirs publics, Jean-Marc Ayrault, Premier ministre, l'a affirmé lors de son déplacement à Marseille le 20 août 2013 : dans tous les services des urgences de France, il y a de l’agressivité, il y a des violences. Mais dans les urgences, là où arrivent tous ceux qui ont besoin de soins, envoyés par un médecin, les pompiers, un ambulancier, ou venant de leur propre gré parce qu’ils n’ont rien trouvé d’autre pour se soigner, c’est vrai que le reflet de la société est là. Et plus la société est violente, plus elle est agressive, plus les services des urgences le sont. (…) J’ai vu des professionnels auxquels j’ai rendu hommage, un infirmier qui n’était pas là parce qu’il faut qu’il récupère après avoir été agressé (...) j’ai vu des hommes et des femmes qui croient à leur métier, qui croient à leur mission de soigner et qui ne veulent pas y renoncer, mais qui m’ont dit : "Nous voulons travailler en toute sécurité. Nous voulons que nos patients soient aussi soignés en toute sécurité". Eh bien c’est parfaitement légitime. Le 5 septembre, ce sont les ministères de la Santé et de l'Intérieur qui réagissaient, se mobilisant pour un plan d'actions conjoint avec en substance plus d'information, plus de formation, du renforcement et de l'actualisation des protocoles d'intervention préconisés par Marisol Touraine et Manuel Vals...

Les soignants ne semblent pas vraiment convaincus et s'interrogent. Il serait temps que ces messieurs-dames du gouvernement viennent observer nos conditions de travail, et pas seulement quand il y a des problèmes d'agressivité ou autres... souligne Jihane.

Sébastien précise : c'est bien de comprendre pourquoi on est agressés, mais il faut aussi les moyens d'éviter ces agressions... l'angoisse des personnes soignées se transforme rapidement en violence quand il n'y a pas le temps de s'occuper dignement d'eux ou qu'ils sont accueillis dans des locaux vétustes... . Quant à David, il choisit la parade de l'humour : Moi j'ai trouvé une khalachikov bradée. Difficile à mettre sous la blouse mais ça rassure !

Selon un sondage de l'ONI, 80% des 988 infirmiers interrogés déclarent être préoccupés par la violence dans leur travail.

Enfin, face à la violence, l’Ordre infirmier appelle à une mobilisation des acteurs concernés et rappelle que depuis août 2012, l'Ordre a mis en place un Observatoire des Violences envers les Infirmières et Infirmiers. Ce dispositif d’alerte et d’accompagnement permet notamment un recensement plus précis des actes de violence à l’égard de la profession afin de mettre en oeuvre les solutions adaptées. L'Observatoire des violences envers les infirmières et infirmiers vient de réaliser une enquête sur le mal-être de la profession entre le 25 août et le 4 septembre 2013. Le résultat de l'étude, relayé ce matin par Le Figaro et RTL est inquiétant. 80% des 988 infirmiers interrogés déclarent être préoccupés par la violence dans leur travail. On se trouve devant des faits de plus en plus nombreux, en tout cas de plus en plus déclarés, s'inquiète Karim Mameri, secrétaire général de l'Ordre national des Infirmiers, interrogé par la radio. Pour endiguer le phénomène des agressions, les infirmiers interrogés réclament une hausse des effectifs et une formation spécialisée, le recours à la police ne faisant pas du tout l'unanimité. Et Didier Borniche de le souligner : L’Ordre souhaite approfondir les réponses concrètes apportées aux soignants. Il propose d’engager sans tarder avec les pouvoirs publics et les services de Santé en régions une réflexion pour prévenir de tels actes et préserver les valeurs de notre système de santé.

Gageons que les prochaines semaines, fortes des actions qui seront mises en place pour prévenir et endiguer les situations de violences à l'encontre de la communauté soignante, à l'hôpital mais aussi en ville , verront le climat actuel s'apaiser... Dans le cas inverse, l'exaspération et l'indignation des soignants, déjà à son comble, pourrait bien déborder...

Une synthèse du sujet faite par franceinfo.fr à visionner ici

En ligne sur le forum d'infirmiers.com jusqu'au 12 septembre 2013... ce petit sondage : « Pensez-vous qu'une présence policière à l'hôpital puisse faire diminuer la violence envers les soignants ? »

Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com


Source : infirmiers.com