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Edito - La conjugaison universelle du verbe « Soigner »

Publié le 20/11/2015
soignants mains serrées

soignants mains serrées

Une semaine après les sanglants attentats terroristes qui ont endeuillé Paris, chacun, à son niveau, s'interroge devant tant d'ignominie, solidaire et debout, confronté à l'épreuve qui bouleverse le présent et surtout l'avenir… Faire face : un nouveau défi pour tous et une nécessité : soigner l'humanité.

Ces soignants que l'on regarde aujourd'hui autrement, tels des « héros » que l'on salue inlassablement ; ils n'ont pourtant fait que leur travail, ce pour quoi ils sont formés pour honorer leurs missions.

Le verbe soigner a pris depuis le vendredi 13 novembre 2015, soir tragique des attentats terroristes parisiens , une portée inédite, élargie, universelle. Si, depuis, tout a été dit, écrit, montré, commenté, analysé, discuté, extrapolé, polémiqué parfois, sur tous les écrans et journaux du monde, le traumatisme, massif, demeure. Traumatisme des familles endeuillées et des cercles d'amis décimés, traumatisme d'une société entière face à ces quelques deux cent destins brisés, ces vies stoppées net lors d'actes barbares sans pareils et ces très nombreux blessés encore hospitalisés…  Les acteurs du premier secours - policiers, soldats, sapeurs-pompiers, urgentistes, anesthésistes, infirmiers, aides-soignants… -, se sont retrouvés sur des scènes de prise en soin inimaginables tant par leur gravité que leur densité, devant eux aussi faire fi d'un traumatisme qu'ils pressentaient déjà mais renvoyé nécessairement à plus tard ; l'action protège en effet des émotions et autres états d'âme...

Je soigne, tu soignes, il soigne, nous soignons, vous soignez, ils soignent… mais aussi vous nous soignez, ils/elles nous soignent, nous nous soignons, ils vous soignent…

Chacun, à son niveau, s'interroge devant tant d'ignominie...

A distance, alors même qu'une opération d'envergure anti-terroriste et pour le moins traumatisante une fois encore pour la population locale avait lieu au petit-matin du mercredi 18 novembre à Saint-Denis, une commune proche de Paris, il est à présent nécessaire de pouvoir dépasser l'état de sidération initial qui nous a tous saisi à l'heure de la convivialité, de l'amitié, de la détente, un banal vendredi soir de novembre. Les mots solidarité et compassion ne sont pas vains. Ils prennent aujourd'hui tout leur sens auprès des personnes endeuillées. Parallèlement le mot colère est tout autant présent dans les discours, les écrits, les dessins, les commentaires, au-delà de nos seules frontières, et il est tout aussi légitime. Quant à la haine, comment la rejeter lorsqu'elle touche l'humanité en plein coeur ? Mathieu Ricard, moine boudhiste auprès du Dalai Lama dans un billet publié le 18 novembre sur son blog et intitulé « Sortir de l'enfer grâce à la compassion » écrit ceci : Si la haine répond à la haine, le problème n’aura jamais de fin. Le moment est venu d’appliquer le baume de la compassion sur nos blessures et nos peines et sur la folie du monde. Facile à dire, mais comment y parvenir sans le recul et la très grande sagesse qui est la sienne ? Un homme qui a perdu la femme de sa vie au Bataclan, journaliste à France Bleu, semble y parvenir, écrivant aux terroristes  : « Vous n’aurez pas ma haine. » Nous sommes deux, mon fils et moi, mais nous sommes plus fort que toutes les armées du monde. Des mots puissants et bouleversants…  Une figure d’humanité surgie comme d'autres du chagrin collectif. Chacun, à son niveau, s'interroge devant tant d'ignominie, solidaire et debout face à l'épreuve qui bouleverse le présent et surtout l'avenir…

Messages de soutien institutionnels :

L’engagement et la solidarité des hospitaliers sont à l’honneur et ces valeurs font aujourd’hui la fierté de la population

« Il faut des attentats pour reconnaître que les soignants ont besoin de plus de reconnaissance pour leur travail. Honte à l'Etat ! »

Cette épreuve, les soignants, tout comme les forces de police et les sapeurs-pompiers, l'auront vécu, massivement, de l'intérieur. Ils l'auront assumé avec force et courage, exemplaires en quelques lieux où ils devaient intervenir. Leur mobilisation, leur engagement, leur solidarité, leurs compétences se sont exprimés à la face du monde. Pourtant, on les regarde aujourd'hui autrement, tels des « héros » que l'on salue inlassablement, ils n'ont pourtant fait que leur travail, ce pour quoi ils sont formés pour honorer leurs missions, mais ce soir-là et les jours qui ont suivi, bien au-delà de ce qu'il auraient pu imaginer. Leur ministre de tutelle, Marisol Touraine, de façon peu habituelle, les en a remercié, reconnaissante : vous avez fait un travail formidable, merci du fond du coeur. Votre mobilisation a été extraordinaire. Vous pouvez être fiers de vous. Vous rendez fiers les Français. Vraiment bravo. ; des félicitations auxquelles le monde hospitalier dans son entier a été plus que sensible car tous les personnels se sont montrés à la hauteur d'un impensable défi. Marisol Touraine a, dans la foulée, annoncé des « gratifications » pour tous les hospitaliers de l'AP-HP ayant participé à la prise en charge des victimes … Une décision unanimement décriée par les soignants eux-mêmes, jugée comme scandaleuse et ce, spontanément sur nos réseaux sociaux… comme ces quelques commentaires en témoignent : Dommage qu'il faille un tel drame pour avoir un peu de reconnaissance... une hausse de salaire serait une vraie prise de conscience en revanche ! ; il faut des attentats pour reconnaître que les soignants ont besoin de plus de reconnaissance pour leur travail. Honte à l'Etat ! ; Une prime pour ça ? Je ne pense pas que quelqu'un en ait fait la demande, étonnant et déplacé ! ; On ne fait pas ce travail pour avoir une reconnaissance d'un ministre mais pour les patients elle ne comprendra jamais ; Et sinon améliorer nos conditions de travail serait plus gratifiant qu'une piécette pour nous remercier de sauver des vies, le truc qu'on fait tous les jours ... parce que c'est notre métier... ; et les autres intervenants hospitaliers hors AP-HP ? Pensez à leur envoyer des chocolats pour Noël ! ; Lamentable... on ne demande pas l'aumône, juste une reconnaissance de notre diplôme... ; et pour les pompiers, gendarmes, policiers... Nous reviendrons sur ce sujet prochainement...

La résilience… un terme qui sera mis à l'épreuve dans les mois à venir...

Les équipes d'interventions confrontées à des scènes d'horreur à leur tour soutenues…

Aujourd'hui, la chaîne du soin continue, d'autres professionnels de santé, non impliqués dans les événements, aident ceux qui étaient aux premières loges à gérer les émotions qui ressurgissent. Les témoignages se multiplient dans un besoin de dire, de faire savoir, comme un exutoire… Les journaux s'en saisissent, les publient, tout comme nous, sur infirmiers.com où un infirmier raconte sa nuit aux urgences , où une infirmière, par hasard près du Bataclan, est prise, malgré elle, dans le feu de l'action. Dans les hôpitaux de l'AP-HP, une équipe de psychologues cliniciens et de psychiatres, formée à ce type de prise en charge, assure des débriefings d’équipe dans les services directement impactés . Quant aux  prises en charge individuelles, elles sont assurées de manière complémentaire par les services de la médecine du travail et par les équipes dédiées des cellules d’urgence médico-psychologique. De la même façon, les psychiatres du service de santé des armées s'occupent notamment des pompiers et des militaires qui sont intervenus, confrontés à des scènes d'horreur.

Ce soir, vendredi 20 novembre 2015, à 21h20, heure à laquelle les attaques commençaient la semaine dernière, l'appel « à faire du bruit » est lancé, notamment par le monde de la culture : Si la souffrance nous traverse tous, elle ne doit pas nous mettre à terre. Face à la violence aveugle, absurde et infinie des partisans de Daesh, nous nous tiendrons debout pour défendre nos valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité et de solidarité. Une semaine après, allumons lumières et bougies en occupant, nos cafés, notre rue, nos places, nos villes, faisons entendre ces musiques qu'ils haïssent. Une musique, hélas, qui s'apparente que trop à celle d'un requiem.

Bernadette FABREGASRédactrice en chef Infirmiers.combernadette.fabregas@infirmiers.com @FabregasBern


Source : infirmiers.com