L’exercice proposé par la Drees sur la « démographie infirmière à l’horizon 2030 » ne vaut pas tant par ses résultats que par ses présupposés. Ses deux auteures avertissent d’emblée des limites de leur « scénario tendanciel », basé sur l’hypothèse que le comportement infirmier comme la « décision publique » resteront inchangés. Sur le « comportement infirmier », les études manquent tellement qu’il est plus prudent de n’en rien dire ! Quant à la « décision publique », si on admet l’idée répandue qu’il faut réduire les déficits publics donc diminuer les dépenses à la charge de l’État, le scénario se fragilise.
C’est d’ailleurs ce que suggèrent les deux auteures, en pointant la possibilité de « restrictions de postes salariés » et les « éventuelles difficultés de financement et problèmes de solvabilisation de l’offre infirmière ». On notera également l’impasse faite sur les conséquences de la réforme des retraites et l’erreur d’appréciation qui semble exister sur celles du droit d’option : il semble que moins d’infirmières que prévu aient choisi la catégorie A, même celles de moins de 50 ans. Mais cela reste à confirmer et l’impact sur le principal résultat sera assez limité.
C’est en effet l’augmentation considérable du nombre d’infirmières qui frappe d’abord : plus 37 %, bien plus que celle de la population générale (plus 12 %). Si les auteures retiennent malgré tout le « scénario tendanciel », c’est vraisemblablement parce que pour elles, ce résultat ne devrait pas être fondamentalement changé : comme elles l’écrivent en introduction de leur travail, le besoin en infirmières « risque » d’augmenter inéluctablement du fait du vieillissement de la population et de la baisse de la démographie médicale.
Pourtant, les démographes et les économistes s’échinent depuis 30 ans à montrer que le vieillissement n’est qu’un problème à la marge et des résultats récents de la Drees laissent penser que le problème n’est pas tant le nombre de médecins que leur répartition.
Mais admettons ! Il reste alors deux hypothèses implicites, que quasiment personne ne discute en France : le système de soins reste hospitalo-centré (voir par exemple cette quinzaine : Programmes d'éducation thérapeutique autorisés : les trois quarts sont portés par des hôpitaux) et la nature des soins reste inchangée. Les deux sont liées : il suffit de songer à l’augmentation des prises en charge ambulatoires de pathologies chroniques, avec des hospitalisations de plus en plus courtes mais de plus en plus technicisées, que ce soit dans le domaine diagnostique ou thérapeutique (les dispositifs médicaux et chirurgicaux sont actuellement plus innovants que le secteur des médicaments). Il apparaît alors que la véritable question n’est pas de compter les infirmières, mais d’envisager leurs modes d’exercice futurs (voir par exemple : Le transport de patients en état critique pourrait être délégué à des infirmiers spécialisés).
Sur ce point, comment ne pas songer au sarcasme des manifestants de mai 68 : « dorénavant tout sera comme d’habitude » ? Ainsi, est on sûr que l’augmentation prévue du nombre des libérales sera suffisante ? et que la stagnation de la proportion des salariées hors hôpital (infirmières scolaires, de santé au travail, etc, et même en établissements pour personnes âgées !) soit une bonne façon de préparer l’avenir ?
Serge CANNASSE
Rédacteur en chef IZEOS
serge.cannasse@izeos.com
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