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Edito – Dans les pas de Thaïs...

Publié le 28/10/2011
 Anne dauphine Julliand

Anne dauphine Julliand

Il est des ouvrages que l'on ne saurait quitter une fois entamés... Il est des histoires que l'on peine à imaginer tant elles dépassent tout ce que la vie peut parfois nous imposer... Il est des auteurs à la plume virtuose dont l'écriture nous va immédiatement droit au cœur...

Il en est ainsi de l'ouvrage d'Anne-Dauphine Julliand, « Deux petits pas dans le sable mouillé », paru aux Editions Les Arènes. Concourant au prix 2011 « Paroles de patients », un concours littéraire à l'initiative du Leem (Les Entreprises du médicament) qui met à l'honneur des patients devenus auteurs lorsqu'ils ont été confrontés à la maladie ou à celle de leurs proches, l'ouvrage d'Anne-Dauphine Julliand est arrivé en tête parmi 10 œuvres originales françaises publiées entre le 1er septembre 2010 et le 31 août 2011. Le jury composé de personnalités d'univers très différents (écrivain, peintre, journalistes, médecins... mais pas d'infirmière, c'est dommage...) ne s'y est pas trompé.

Le meilleur du pire... L'ouvrage est saisissant de réalisme et de sensibilité, élevant la question de la maladie et de la mort bien au-delà de ce que l'on a déjà lu ou vu... A bien des égards d'ailleurs, la ligne narrative est assez proche du film de Valérie Donzelli « La guerre est déclarée » ... Il est en effet aussi question ici de la maladie d'un enfant, une petite fille de deux ans, Thaïs, qui « entre en maladie » mais pour ne plus jamais en sortir et ce, jusqu'à l'échéance fatale. Il aura fallu une simple remarque de sa maman - son pied ne tourne-t-il pas un peu lorsque Thaïs marche ? - pour précipiter la famille heureuse (un père, une mère, un frère aîné de cinq ans, une jolie petite fille espiègle et rieuse...) dans une spirale qui n'en finira pas de l'emporter et de la malmener.

Anne-Dauphine Julliand nous raconte « le meilleur du pire » et ce pire s'appelle « Leucodystrophie métachromatique », une maladie rare, toujours fatale dans les deux à cinq ans qui suivent son diagnostic. La mère, la femme, l'amie, l'écrivain en herbe ne quittera jamais sa ligne de conduite : ne pas se projeter dans l'avenir, vivre pleinement l'instant présent, rester unis parce que « c'est notre vie et que nous allons la vivre », offrir à Thaïs toute l'attention et l'amour qu'elle mérite, jusqu'au bout, sans fléchir. « Tu vas avoir une belle vie. Pas une vie comme les autres petites filles, mais une vie dont tu pourras être fière. Et où tu ne manqueras jamais d'amour ». L'amour qui grandira au fur et à mesure que l'espérance de vie de Thaïs s'amenuisera. Et ajouter de la vie aux jours, lorsqu'on ne peut plus ajouter de jours à la vie.

Les épreuves seront multiples et terribles, complexifiant encore la dynamique familiale et son organisation. D'autant que, dans le même temps, une nouvelle grossesse arrive et que le doute est là, s'infiltrant dans les moindres recoins de la vie quotidienne et dans les nuits sans sommeil d'Anne-Dauphine : ce nouveau bébé, une autre petite fille, sera-t-il lui aussi atteint ? Un nouveau « oui » se surajoutera à un quotidien infernal, plus contraignant de jours en jours autour de la prise en charge médicalisée à l'extrême de Thaïs...

Thaïs ou le triomphe de l'amour... On ne saura jamais d'où Anne-Dauphine Julliand et ses proches - son mari, son fils, ses parents, ses amis...- tireront la force et l'énergie qui les tiendra debouts face à l'inimaginable, l'inacceptable, la fatalité, l'injustice, la désespérance. Au plus fort de leur tempête, c'est toujours unis, autour et avec Thaïs, qu'ils affronteront les éléments. Thaïs sera le révélateur d'un amour dont personne ne mesurait la force et la grandeur : « l'amour de Thaïs ne s'impose pas, il s'expose. Elle se présente à nous comme elle est, vulnérable et fragile. Sans carapace, sans armure, sans rempart. Sans peur. (…) Ceux qui s'approchent, qui se penchent, qui cherchent à l'accompagner, ceux-là perçoivent comme moi que cette vulnérabilité n'appelle qu'une réponse : l'amour ».

Au fil des pages, j'ai marché avec Thaïs, guidée par ses « Deux petits pas sur le sable mouillé ». J'ai grandi avec elle alors que ses jours étaient comptés, j'ai perçu son amour, révélateur du trésor qu'elle a représenté pour tous ceux qui l'ont accompagnée dans sa courte vie. Il est des ouvrages qui parlent à nos cœurs. Je ne doute pas que celui-ci parle au vôtre...

Bernadette FABREGAS
Rédactrice en chef Izeos
Bernadette.fabregas@izeos.com


Source : infirmiers.com