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Droits et soins : quelle place pour les familles ?

Publié le 19/02/2020
JFAS 2020

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Droits et soins : quelle place pour les familles ?

Droits et soins : quelle place pour les familles ?

On n’insistera jamais assez sur le fait que le malade n’est pas seulement un sujet de soins mais aussi un sujet de droit et qu’à ce titre, il doit être pris en charge dans sa globalité, en tenant compte notamment de son environnement social et familial.  Aux droits du patient, s’ajoutent donc naturellement les droits de la famille et des proches, tout en se trouvant affirmer le droit vers une plus grande autonomie de la personne malade. C’est cet équilibre, parfois difficile à trouver, qu’il convient à chaque instant de garder à l’esprit dans notre pratique quotidienne.

Le cadre juridique actuel doit permettre de contribuer à améliorer ce qui est au coeur de la qualité de notre système de santé, à savoir des relations soignants-soignés fondées sur la confiance, l’estime et le respect réciproque, ces principes étant essentiels dans la pratique du soin mais également dans les rapports entretenus avec la famille et les proches de la personne malade.

De nombreux textes, depuis la loi Kouchner du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, prévoient la reconnaissance de droits individuels et collectifs devant le système de santé : protection de la santé, respect de la dignité, non-discrimination dans l’accès aux soins, qualité de la prise en charge des patients, droit à la confidentialité et au respect de la vie privée… La plupart de ces dispositions légales, qui constituaient auparavant des obligations du médecin et des professionnels de santé, sont désormais érigées en droits pour le patient, lui conférant non plus un statut de sujet passif, mais bien celui d’un titulaire actif de ses droits. Il est significatif, d’ailleurs, que le code de la santé publique s’ouvre désormais par un chapitre préliminaire intitulé Droits de la personne.

Pour rendre effectifs ces droits, reste à s’assurer que les usagers du système de santé, mais également ceux qui les accompagnent dans ces moments souvent difficiles et douloureux, - leur famille, leurs proches, les personnes chargées de leur protection -, puissent disposer d’une meilleure connaissance de leurs droits, notamment ceux ouverts par la loi. De fait, si les membres de la famille de la personne malade ne bénéficient pas des mêmes prérogatives que ce dernier, ils ne sont pas pour autant dépourvus de tout droit.

Ne jamais perdre de vue le respect de la dignité...

Trois points essentiels méritent ici plus particulièrement notre attention, points qui seront développés plus loin avec une mise en perspective du rôle de la famille et des proches ainsi que de la personne de confiance : le droit à l’information, le consentement aux soins et le secret professionnel. A cela, nous devrions ajouter un certain nombre de règles qui encadrent la pratique des soins et qui, pour l’essentiel, trouvent leur fondement dans le principe du respect de la dignité, lequel principe constitue le fondement de l’effectivité des droits des malades et de l’autonomie du patient. Ce principe n’est pas un simple apport théorique car il innerve tous les droits généraux du patient. Ainsi, il autorise ce dernier à demander que son intimité et sa vie privée soient préservées, y compris à l’égard de sa famille ou de ses proches, avec par conséquent l’affirmation pratique de nombreux droits : droit de visite, droit à la confidentialité notamment, mais également le droit de manifester librement son culte. C’est aussi au regard de ce principe que se trouve conforté le caractère privé de la chambre du patient hospitalisé ou du résident accueilli en EHPAD.

Mais il peut arriver aussi que l’affirmation des droits du patient soient en confrontation avec un certain nombre d’obligations auxquelles il se trouve astreint, mais également d’autres droits, en particulier ceux que la loi accorde aux personnes chargées de leur protection légale : parents titulaires de l’autorité parentale ou personne chargée de la tutelle du malade. Parmi ces droits qui peuvent parfois être des sujets d’incompréhension, voire de friction, figure le droit à l’information

Des relations soignants-soignés fondées sur la confiance

Tout est une question d’équilibre, et le cadre juridique actuel doit permettre de contribuer à améliorer ce qui est au coeur de la qualité de notre système de santé, à savoir des relations soignants-soignés fondées sur la confiance, l’estime et le respect réciproque, ces principes étant essentiels dans la pratique du soin mais également dans les rapports entretenus avec la famille et les proches de la personne malade. Depuis quelques années, parmi les principaux droits énoncés par le législateur, l'accent a été mis sur le droit qu'a le patient d'être informé de son état de santé ainsi que des soins et traitements qui lui sont proposés. Le devoir d'information du patient a toujours été reconnu et, à défaut du code de déontologie médicale, la jurisprudence l'avait formulé, admettant qu'il découlait, implicitement mais nécessairement, de l'obligation d'obtenir du patient, préalablement à toute intervention ou traitement, son consentement. Or, ce consentement aux soins ne pouvait être donné que si le patient avait reçu sur son état et sur les soins envisagés une information simple, approximative, intelligible et loyale lui permettant de prendre une décision en connaissance de cause.

La demande du corps social à plus d’autonomie et à une meilleure information a depuis été prise en compte. La loi du 4 mars 2002 consacre ainsi, dans le code de la santé publique, toutes les exigences pesant sur le professionnel de santé quand il doit recueillir le consentement du patient après avoir rempli son obligation d’information, condition du consentement libre et éclairé.

Avant tout acte médical, de soins ou de prévention, la règle pose donc le principe selon lequel le patient, - et lui seul -, doit sauf urgence ou impossibilité, être informé sur son état de santé. Mais également sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui lui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus.

Le secret professionnel s’oppose dès lors à ce que des informations sur l’état de santé d’une personne soient données à des tiers, ce que sont, d’un point de vue juridique, les membres de la famille et plus généralement les proches du patient.

Les majeurs sous sauvegarde de justice ou sous curatelle exercent personnellement leurs droits et reçoivent directement les informations relatives à leur état de santé.

La loi prévoit des dérogations...

Tout d’abord, les droits des personnes mineures ou des majeurs sous tutelle sont exercés, selon les cas, par les titulaires de l’autorité parentale ou par le tuteur. Ceux-ci devant en principe consentir aux soins en faveur de ces patients bénéficiant d’un mécanisme de protection légale, ils doivent dès lors recevoir les informations nécessaires à leur prise en charge, sous réserve de certaines exceptions légales.

Cependant, les intéressés (personnes mineures ou majeurs sous tutelle) ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d'une manière adaptée soit à leur degré de maturité s'agissant des mineurs, soit à leurs facultés de discernement s'agissant des majeurs sous tutelle. On soulignera, à ce sujet, que les majeurs sous sauvegarde de justice ou sous curatelle exercent personnellement leurs droits et reçoivent directement les informations relatives à leur état de santé. Le curateur ne peut donc recevoir du professionnel de santé ces informations que si la personne protégée l’y autorise.

Par ailleurs, le législateur, dans le cas particulier d’un diagnostic ou d’un pronostic grave, a expressément prévu le droit pour les proches d’en être informés, sauf opposition du patient : En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret médical ne s’oppose pas à ce que la famille, les proches de la personne malade ou la personne de confiance… reçoivent les informations nécessaires destinées à leur permettre d’apporter un soutien direct à celle-ci, sauf opposition de sa part. Mais cela n’autorise pas la famille ou les proches à en savoir plus que le patient lui-même.

De même, lorsque le patient est apte à exprimer sa volonté, il peut autoriser le praticien à donner des renseignements aux personnes qu’il désigne ou par lesquelles il se fait accompagner en consultation ou lors de la délivrance des soins. En outre, lorsque la personne malade a désigné une personne de confiance et a choisi de se faire assister par elle lors de l’entretien avec son praticien, celui-ci peut avoir lieu en présence de la personne de confiance. A cet égard, lorsque la personne est en fin de vie, dans le cas où elle est hors d’état d’exprimer sa volonté, il est prévu un dispositif de recherche de cette volonté par l’intermédiaire de la personne de confiance ou de ses proches ou des directives anticipées qu’elle a pu élaborer. Ce qui nous amène à nous interroger sur les conditions d’expression de la volonté du patient et du rôle que peuvent jouer la famille ou les proches au regard de la loi.

Le seul consentement du représentant légal doit demeurer exceptionnel et n’être envisagé que lorsque le majeur protégé se trouve dans l’incapacité d’exprimer sa volonté.

Quid du principe de consentement aux soins

Consacré par la loi, le principe du consentement aux soins découle des principes d’autonomie de la personne, de dignité et d’inviolabilité du corps humain. Le code de la santé publique consacre le principe dans l’article L.1111-4. Ce texte, issu de la loi du 4 mars 2002, puis modifié par la loi du 2 février 2016 sur la fin de vie et les directives anticipées, dispose : Toute personne prend, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations qu'il lui fournit, les décisions concernant sa santé. Le consentement du patient est révocable à tout moment. La famille peut être sollicitée pour intervenir dans la décision que devra prendre le professionnel de santé concernant le patient uniquement lorsque ce dernier est hors d’état d’exprimer sa volonté en raison, soit de son impossibilité à exprimer sa volonté du fait notamment de son état de santé, soit de son incapacité de droit (personne mineure ou majeur sous tutelle).

On rappellera que les personnes dont les facultés mentales ou corporelles sont gravement altérées peuvent bénéficier de mesures de protection afin de prévenir les conséquences de leur dépendance sur les actes de la vie quotidienne susceptibles d’engager leur santé, leur responsabilité, leurs droits ou encore leurs finances.

Ainsi, en cas de nécessité médicale, dès lors qu’une mesure de tutelle a été mise en oeuvre, le tuteur chargé de la mesure de protection doit être informé de l’état de santé et de la prise en charge du majeur sous tutelle. Toutefois, le consentement de ce dernier doit être systématiquement recherché s’il est apte à̀ exprimer sa volonté et à participer à la décision le concernant. Par conséquent, le seul consentement du représentant légal doit demeurer exceptionnel et n’être envisagé que lorsque le majeur protégé se trouve dans l’incapacité d’exprimer sa volonté.

En outre, de manière générale, lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité. Pour autant, il conviendra dans cette hypothèse de consulter la personne de confiance, ou la famille, ou à défaut, un de ses proches. Ainsi en est-il également, toujours lorsque le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté, quand la décision de limiter ou d'arrêter les traitements dispensés, au titre du refus d'une obstination déraisonnable, doit être prise. Cette décision devra être prise à l'issue de la procédure collégiale prévue par le code de la santé publique et dans le respect des directives anticipées et, en leur absence, après qu'a été recueilli auprès de la personne de confiance ou, à défaut, auprès de la famille ou de l'un des proches le témoignage de la volonté exprimée par le patient.

Si la décision de limitation ou d'arrêt de traitement concerne un mineur ou un majeur protégé, le médecin recueille en outre l'avis des titulaires de l'autorité parentale ou du tuteur, selon les cas, hormis les situations où l'urgence rend impossible cette consultation.

Lorsque la personne est hors d'état d'exprimer sa volonté, aucune intervention ou investigation ne peut être réalisée, sauf urgence ou impossibilité.

La personne de confiance : un témoignage qui prévaut sur tout autre témoignage

Quelle que soit la décision, la prise en charge du malade ne cesse pas : le médecin et l’équipe soignante doivent l’accompagner, parfois jusqu'à ses derniers moments, afin d’assurer des soins appropriés et de sauvegarder sa dignité. Le soutien apporté aux familles fait également partie de la mission dévolue aux professionnels de santé, ceux-ci devant veiller à ce que l'entourage du patient soit informé de la situation et reçoive le soutien nécessaire.

Toute personne majeure peut désigner, pour le temps de son hospitalisation, une personne de confiance. Cette désignation est faite par écrit et cosignée par la personne désignée. Elle est révisable et révocable à tout moment. La personne de confiance peut être un parent, un proche ou le médecin traitant. Elle sera consultée au cas où le patient serait hors d'état d'exprimer sa volonté, de manière à ce qu’elle puisse rendre compte de la volonté de la personne malade. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage.

Lorsqu'une personne fait l'objet d'une mesure de tutelle, elle peut désigner une personne de confiance avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué. Dans l'hypothèse où la personne de confiance a été désignée antérieurement à la mesure de tutelle, le conseil de famille, le cas échéant, ou le juge peut confirmer la désignation de cette personne ou la révoquer. Si le patient le souhaite, la personne de confiance l'accompagne dans ses démarches et assiste aux entretiens médicaux afin de l'aider dans ses décisions.

Dans les établissements médico-sociaux, la personne accueillie peut également désigner une personne de confiance. Celle-ci est présente à l'entretien prévu, lors de la conclusion du contrat de séjour, pour rechercher le consentement du résident à être accueillie dans l'établissement. Elle peut aussi l’accompagner dans ses démarches liées à sa prise en charge sociale ou médico-sociale afin de l’aider dans ses décisions, tout comme elle pourra l’assister lors des entretiens médicaux, étant précisé que cette consultation n'a pas vocation à se substituer aux décisions de l’intéressé.

Quid du contenu du dossier patient...

L’autre sujet pouvant donner lieu à quelques incompréhensions est le cadre juridique précisant les conditions d’accès au dossier du patient. Le contenu du dossier du patient est protégé au titre du secret professionnel. La loi affirme le principe selon lequel toute personne majeure a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels ou par des établissements de santé. L’accès à ces informations a lieu directement ou par l'intermédiaire d'un médecin que le patient désigne.

De fait, au regard de la loi, la personne de confiance ou la famille ne dispose pas d’un droit d’accès au dossier du patient. Seul le représentant légal du patient (parent ou tuteur) peut : par exception : être la seule personne autorisée à pouvoir accéder au dossier. Par contre, la présence d'une tierce personne lors de la consultation de certaines informations peut être recommandée, pour des motifs notamment tenant aux risques que leur connaissance sans accompagnement ferait courir à la personne concernée. Le refus de cette dernière ne fait cependant pas obstacle à la communication de ces informations.

De même, si le patient consulte son dossier, la loi précise qu’il peut demander à la personne de confiance de l’accompagner dans ses démarches. Enfin, le secret professionnel ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un PACS, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès.

On n’insistera jamais assez sur le fait que le malade n’est pas seulement un sujet de soins mais aussi un sujet de droit et qu’à ce titre, il doit être pris en charge dans sa globalité, en tenant compte notamment de son environnement social et familial. Le droit de la santé, avec la loi du 4 mars 2002 en particulier, a pris en compte ce fait en reconnaissant que certaines personnes parce qu’elles sont proches du patient peuvent avoir, à divers titres, un rôle au côté du malade. Aux droits du patient, s’ajoutent donc naturellement les droits de la famille et des proches, tout en se trouvant affirmer le droit vers une plus grande autonomie de la personne malade. C’est cet équilibre, parfois difficile à trouver, qu’il convient à chaque instant de garder à l’esprit dans notre pratique quotidienne.

Cet article est la restitution de la communication faite par l’auteur lors des Journées Francophones des aides-soignants (JFAS) 2020, les 23 et 24 janvier 2020 à l’Espace Charenton (Paris), à l’initiative de Trilogie Santé. Le thème des JFAS étant L’aide-soignant et les relations complexes avec les familles. Comment comprendre et se comprendre afin d’instaurer, voire restaurer la communication pour le bien de tous, Espace Charenton, Paris.

Alain BissonnierJuriste spécialiste en droit de la santé / Formateur expertIssy-les-Moulineaux (92)


Source : infirmiers.com