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LEGISLATION

Droit : quid du pouvoir des mots

Publié le 17/04/2009

     En droit, les mots ont leur importance, parfois c'est l'écrit qui prime (dossier de soins) dans d'autres circonstances, (devoir d'information) la parole est primordiale et l'écrit n'est qu'un complément. L'objet de cette étude est de partir sur deux exemples différents pour démontrer l'importance des mots et de la parole.

    Le devoir d'information dans le secteur de la santé a connu un profond changement mais contrairement aux idées reçues ce n'est pas le texte écrit assorti de la signature du patient attestant qu'il a bien reçu l'information qui prime. En effet, la loi n'exige pas un écrit, elle exige que le patient ait été informé d'une façon « claire loyale et appropriée ». La parole, le poids des mots employés sont fondamentaux ; l'écrit n'est qu'un accessoire.

    En revanche, pour le second thème, le dossier de soins infirmiers, les mots écrits l'emportent sur la parole. Il est fondamental que le dossier soit géré avec la plus grande rigueur et que tout soit inscrit. L'écriture l'emporte sur la parole qui dans ce cas a peu ou prou de valeur probante en cas de contestation ou de litige.


LE DROIT ET LE DEVOIR D'INFORMATION : L'IMPORTANCE DES MOTS ET DE LA PAROLE

    L'information est un devoir pour les soignants rappelés par de nombreux textes et notamment la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades. Ce n'est plus seulement une notion jurisprudentielle mais un devoir défini par le décret du 16 février 1993 et le décret du 11 février 2002 relatifs à la profession d'infirmiers.

  • Fondements juridiques du devoir d'information

Article L 1111-2 du code de santé publique

    Le principe du devoir d'information est défini par la loi du 4 mars 2002 de la façon suivante : « Toute personne a le droit d'être informé sur son état de santé ».

    La loi du 4 mars 2002 dissocie le devoir d'information en deux étapes : l'information préalable à l'acte et l'information postérieure à l'acte.
    Le corollaire de l'information préalable est le consentement aux soins. « Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale de la personne. Le consentement de l'intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n'est pas à même de consentir » article 16-3 du code civil.

Article 32 du Décret du 16 février 1993 relatif aux règles professionnelles des infirmiers

    « L'infirmier informe le patient ou son représentant légal, à leur demande, et de façon adaptée, intelligible et loyale, des moyens ou des techniques mis en ouvre.
    Il en est de même des soins à propos desquels il donne tous les conseils utiles à leur bon déroulement ».


Article 5 du décret du 11 février 2002 définissant les actes professionnels et les modalités d'exercice de la profession de la profession d'infirmier

    Le décret du 11février 2002 définit les actes professionnels et les modalités d'exercice de la profession. Dans ces circonstances, « Dans le cadre de son rôle propre, l'infirmier accomplit les actes ou dispense les soins suivants visant à identifier les risques et à assurer le confort et la sécurité la personne et de son environnement et comprenant son information et celle de son entourage. » Article 5.


Refus du patient d'être informé

    « La volonté d'une personne d'être tenue dans l'ignorance d'un diagnostic ou d'un pronostic doit être respecté, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission » article L1111-2 CSP.

    Le patient a le droit de savoir comme le droit d'être tenu dans l'ignorance.


  • Pourquoi un devoir d'information ?

    Le droit français pose comme principe qu'il ne peut pas avoir d'intervention médicale sur un être humain sans son consentement préalable et pour que le patient puisse faire un choix judicieux, l'équipe médicale est tenue de lui donner une information loyale et complète.

    Le devoir d'information s'impose à tout professionnel de santé. Le devoir d'information s'impose à tous les praticiens quelque soit leur discipline.

    La loi du 4 mars 2002 consacre une partie au devoir d'information intitulée droits des usagers et responsabilité. L'intitulé du chapitre II du titre II démontre la volonté du législateur de reconnaître certes des droits aux malades mais également cette volonté de le responsabiliser dans sa prise de décision.

    Le patient ne peut donner un consentement libre et éclairé s'il a reçu une information « claire, loyale et appropriée. »

    Pour Monsieur EVIN, le fondement philosophique de l'obligation d'informer est "le droit de chacun à être traité dans le système de soins en citoyens libre, adulte et responsable".

    Informer est l'action de donner des renseignements précis. Le corollaire du devoir d'information est le consentement aux soins.

    Quant à l'acte de consentir il suppose une double compétence. Il faut pouvoir comprendre et pouvoir se déterminer librement.

    Le consentement aux soins suppose une notion d'échanges, discussion. Le médecin propose différents traitements possibles ou un seul traitement et le patient prend une décision en connaissance de cause et adhère à la position du médecin. Mais, le médecin n'impose pas sa décision.


  • En cinquante ans, on est passé d'une période où le médecin imposait le traitement sans aucune participation de la part du malade qui était considéré comme un profane à une période où le patient est devenue partie intégrante au traitement. On l'informe, on lui demande de prendre une décision voir on le responsabilise par la signature de ce document de consentement aux soins.

    Le patient n'est plus un sujet passif mais devient un sujet actif.

    L'information totale est devenue le principe et le droit de se taire pour le médecin l'exception.


  • Contenu de l'information

    Il convient de ne pas oublier que le corollaire de ce devoir d'information est le consentement aux soins ou le refus aux soins.

    Pour cela, cette information doit être " claire, loyale et appropriée".

    L'information n'est pas une donnée standardisée, au contraire, le médecin, l'équipe doivent adapter leur langage, les explications en fonction du malade. A fortiori, notamment lorsque le sujet est âgé. Le médecin doit expliquer en des termes simples et s'assurer qu'il a bien été compris.

    L'article L1111-2 du CSP précise « L'information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risque fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. »

    Dans son principe, l'information médicale à la charge des médecins doit porter sur :


  • Etat du patient, évolution prévisible et soins conseillés,
  • Nature et conséquence de la thérapeutique proposée,
  • Utilités du traitement proposé,
  • Alternatives éventuelles (informer des avantages et inconvénients des différentes thérapies proposées ; mettre en valeur le bénéfice-risque des traitements proposés),
  • Suites normales du traitement ou de l'intervention et leurs conséquences,
  • Urgence éventuelle.

    Information à la charge des infirmiers :

    L'information porte sur les moyens ou les techniques mis en ouvre pour donner les soins infirmiers ainsi que sur les soins infirmiers eux-mêmes. Elle ne peut, en aucun cas, porter sur le diagnostic médical c'est-à-dire sur la nature de la maladie, sur l'affection ou sur le pronostic. L'information sur ces données ne peut être donnée que par le seul médecin.

    Dans la relation soignant-soigné, la parole occupe une place prépondérante. Il est vrai que le devoir d'information, du fait de l'évolution de la jurisprudence, de la loi tend à être donné au patient davantage dans un souci de respecter une obligation juridique et de se protéger de toute action judiciaire potentielle. Il n'en demeure pas moins que l'information doit davantage être donnée pour rassurer le patient et conforté la relation de confiance entre soignant-soigné.


  • L'ANAES considère l'information écrite comme étant pour l'essentiel « un complément possible à l'information orale ».

    Indépendamment du souci légitime des praticiens de se protéger contre une éventuelle mise en cause abusive, la conservation d'une trace écrite de l'information donnée doit être guidée par deux objectifs :


  • mieux informer le patient,
  • pouvoir se référer ultérieurement à l'information donnée.

    L'information écrite est retranscrite entre autre dans le dossier de soins infirmiers.


LE DOSSIER DE SOINS INFIRMIERS : L'IMPORTANCE DES MOTS, DE L'ECRITURE

    La tenue du dossier de soins infirmiers est importante pour une bonne organisation, continuité des soins. Il doit être tenu avec la plus grande rigueur.


  • Définition du dossier de soins infirmiers

    Le dossier de soins infirmiers est défini comme « un document unique et individualisé regroupant l'ensemble des informations concernant la personne soignée. Il prend en compte l'aspect préventif, curatif, éducatif et relationnel du soin » (Journal de médecine légale).

    La réalisation du dossier de soins relève du rôle propre de l'infirmier conformément aux dispositions de l'article 3 du décret : « Il est chargé de la conception, de l'utilisation et de la gestion du dossier de soins infirmiers. »


  • Rôle et intérêt du dossier de soins infirmiers

    La création d'un dossier de soins infirmiers répond au souci de l'équipe soignante de disposer d'un outil de travail unique permettant de :


  • Donner des soins adaptés aux besoins du patient et d'assurer la continuité des soins ;
  • Répondre de façon complète aux questions des médecins ;
  • Disposer pour tous les acteurs de soins, d'informations écrites, complètes, fiables.

    Il permet, par une gestion rigoureuse, d'assurer une coordination des soins favorisant ainsi l'efficacité et la qualité des soins.

    Sur le plan juridique, il constitue une preuve des soins apportés. C'est la raison pour laquelle, toute personne intervenant auprès du malade doit faire figurer clairement ses observations, les gestes pratiqués. Il est vivement conseillé d'éviter des initiales et d'inscrire le nom et prénom en entier pour l'identification sur le dossier. Il est important également de préciser le jour et l'heure de la retranscription sur le dossier.


  • Contenu du dossier de soins

    Le dossier de soins est rédigé par toutes les personnes appartenant à l'équipe chargée de prodiguer des soins au patient. Il comporte les documents suivants :


  • Fiche d'identification du patient : elle permet de mieux situer le patient dans son environnement familial et social.
  • Fiche de connaissance du patient sur le plan médical, relationnel et physique. Elle permet d'établir un bilan infirmier complet.
  • Fiche processus de soins qui décrit les actions des infirmiers relevant du rôle propre de l'infirmier. Elle permet aussi d'évaluer l'efficacité du traitement.
  • Fiche d'ordonnances médicales : cette fiche fait partie intégrante du dossier médical, mais elle est incluse dans le dossier de soins du patient durant son hospitalisation afin de permettre à l'infirmier d'assurer l'exécution des soins.
  • Fiche d'observations de l'équipe soignante : elle retrace l'ensemble des informations relatives aux soins donnés durant l'hospitalisation du patient.
  • Recommandations et suivi du dossier de soins infirmiers

    Le ministère de la Santé a publié un rapport relatif aux «soins infirmiers : normes de qualité » année 2000 (http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/soins_inf/accueil.htm). Parmi les sujets traités, une partie est consacrée au dossier de soins infirmiers et fait les propositions suivantes :


  • L'infirmier dispose pour chaque patient soigné d'un dossier de soins infirmiers, partie intégrante du dossier du patient ;
  • L'infirmier dispose d'un guide d'utilisation du dossier de soins infirmier ;
  • Le service de soins est organisé de façon à garantir la protection de l'accès aux informations contenues dans le dossier de soins infirmiers ;
  • L'infirmier, après chaque intervention :

          note, date et signe les résultats des soins infirmiers prodigués à la personne soignée ;
          note, date et signe ses observations sur l'évolution de l'état de la personne soignée et toutes informations recueillies pouvant être utiles pour sa prise en charge globale ;

  • L'infirmier, tout au long du séjour de la personne soignée :

          renseigne le dossier de soins infirmiers, veille à l'exactitude et au respect de la confidentialité des informations notées, par les aides-soignants, les auxiliaires de puériculture, les aides médico-psychologiques et les stagiaires du service infirmier ;
          exige que toutes les prescriptions médicales soient notées, datées et signées par les médecins prescripteurs dans le dossier de soins infirmiers. Il s'assure également que toutes informations et observations         écrites soient datées et signées ;
          assume ses responsabilités liées aux règles de gestion et de confidentialité du dossier du patient ;
          participe à l'évaluation du dossier du patient et concourt à son amélioration.

  • L'infirmier, lors de la sortie de la personne soignée, établit par écrit une synthèse de la prise en charge infirmier du patient et renseigne la fiche de liaison infirmier.

    Le rapport concluait sur ces dernières consignes :

Les notes des infirmiers sont concises, précises et objectives
La traçabilité des actions des infirmiers est fiable
Le contenu du dossier de soins infirmiers est conforme au guide d'utilisation


  • Dossier médical et responsabilité médicale

    Le dossier de soins infirmiers faisant partie intégrante du dossier médical, il paraît opportun de mentionner l'importance du dossier médical lors d'un contentieux.

    En effet, la pièce maîtresse de l'affaire sera le dossier médical du patient, qui permet ainsi de reconstituer la chronologie des soins, d'identifier les divers intervenants, les délais d'intervention entre l'appel de l'infirmier et l'intervention du médecin. Il est une véritable référence permettant à la justice de fonder ou de rejeter l'action en responsabilité.

    La preuve de la faute peut être rapportée par tous moyens. Outre l'importance de l'expertise médicale diligentée par le juge, la preuve est constituée par «les présomptions qui ne sont point établies par la loi sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat, qui ne doit admettre que des présomptions graves, précises et concordantes, et dans les cas seulement où la loi admet des preuves testimoniales [.] » (article 1353 du Code civil). Le dossier médical permet entre autre de reconstituer le puzzle et de déterminer l'existence ou non d'une faute dans la gestion des soins prodigués au malade.

    Actuellement, la preuve écrite apparaît comme la forme la plus sûre et bénéficie d'une valeur probante plus forte. C'est la raison pour laquelle il est primordial de préciser dans le dossier de soins infirmiers le détail des soins, les difficultés rencontrées lors de la réalisation des soins ainsi que le non-respect des conseils par le patient.

    En conclusion, n'oublions pas « que l'écrit reste, les paroles s'envolent »


     

    Nathalie LELIEVRE
    Juriste spécialisée en droit de la santé
    AEU droit médical, DESS droit de la santé
    Certificat d'aptitude à la Profession d'Avocat
    Membre de la commission "Ethique et Douleur"
    Chargée de Conférence
    Membre du comité de rédaction infirmiers.com
    nathalie.lelievre@infirmiers.com

Source : infirmiers.com