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LEGISLATION

Distribution des médicaments, où en sommes nous ?

Publié le 17/04/2009



Il faut reconnaître que c’est parfois un sacré méli mélo ce problème de distribution des médicaments pour preuve le nombre d’articles publiés sur le sujet (Cf. bibliographie) et les questions continuent de fleurir sur le site. A quelques jours de l’été partageons ce bouquet de questions et commençons simplement par définir les mots dans un premier temps puis distinguons un peu les situations des plus simples au plus compliquées pour arriver à un éventuel consensus avec les autorités publiques ou tout au plus des précisions en terme de responsabilités médico-légales.

 

Brefs rappels des principes de prescription, surveillance du patient


La Haute Autorité de Santé (appelé plus souvent HAS) a publié des recommandations sur « Organisation du circuit du médicament en établissement de santé ; fiche thématique ; OPC 9 manuel accréditation version 1 et N°36 version 2 ; juin 2005).

« Le circuit du médicament en établissement de santé est composé d’une série d’étapes successives, réalisées par des professionnels différents : la prescription est un acte médical, la dispensation, un acte pharmaceutique et l’administration, un acte infirmier ou médical. »
Ce livret présente les bonnes pratiques pour optimiser l’organisation du circuit du médicament, afin de s’assurer que les bons médicaments sont prescrits, dispensés et administrés aux bons patients, au bon moment, avec un rapport bénéfice-risque optimum pour le patient.

Comme le rappelle la Haute Autorité de Santé, quelque soit la méthode utilisée dans le cadre du circuit du médicament : L’objectif principal est de minimiser les risques.
 

La prescription


La prescription est assurée par un professionnel habilité.

La HAS recommande les consignes suivantes quant aux mentions de la prescription :

Elle comporte :
 

  • le nom et prénom du patient ;
  • son sexe et sa date de naissance ;
  • si nécessaire, son poids et sa surface corporelle ;
  • le cas échéant, la mention d’une grossesse ou d’un allaitement ;
  • la qualité, le nom et la signature du prescripteur ; les prescriptions des médecins en formation sont validées selon une procédure interne au secteur d’activité ;
  • l’identification de l’unité des soins ;
  • la date et l’heure de la prescription, qu’il s’agisse d’une prescription initiale, d’une réactualisation, d’une substitution ou d’un arrêt de traitement ;
  • la dénomination commune du médicament, son dosage et sa forme pharmaceutique ;
  • la voie d’administration ;
  • la dose par prise et par 24 heures ;
  • le rythme ou les horaires de l’administration ;
  • pour les injectables, les modalités de dilution, la vitesse et la durée de perfusion, en clair ou par référence à un protocole préétabli ;
  • la durée de traitement, lorsque celle-ci est connue à l’avance ou fixée par la réglementation.


Est-il utile de préciser que les accidents ont souvent pour origine une erreur dans les dosages, dans les traitements. Des efforts doivent être faits par l’ensemble des équipes : Les médecins doivent faire l’effort d’avoir une écriture lisible (attention la lisibilité de la prescription est une condition de validité) et accepter d’être rappelé à l’ordre toutes les fois que c’est nécessaire et les infirmiers chargés de la prescription ne doivent pas hésiter à contacter un médecin pour s’assurer de la validité de celle-ci (mais là aussi les appels doivent être utilisés avec tact et mesure et pas en systématique).
 

Le support de la prescription


La question est souvent posée de savoir qui doit rédiger la prescription ; le médecin uniquement, la secrétaire sous la dictée du médecin et/ou l’infirmière ? Un élément est unanimement admis : La prescription dictée par le médecin est possible, on considère qu’il en reste bien sûr l’auteur.
En revanche, la secrétaire ou l’infirmier qui accepte de renouveler un traitement d’un patient chronique, par exemple car il s’agit de l’hypothèse la plus courante, sans consentement, ni dictée par le médecin est strictement illégal.

La prescription se fait après un examen, un entretien avec le patient. La chronicité d’un patient ne permet pas de déroger aux règles même si on a l’impression qu’il s’agit « d’un simple renouvellement ». Il ne faut jamais oublier le principe de prévention des risques. C’est pour cette même raison que la retranscription source d’erreur est vivement déconseillée pour ne pas dire interdite.

L’HAS apporte les éléments suivants sur ce point :

Les prescriptions effectuées pendant le séjour du patient et à sa sortie sont des éléments du dossier du patient, donc soumises aux règles de confidentialité. Les ordonnances font l’objet d’un archivage. Il existe deux types de supports pour la prescription — manuscrite et informatisée.

* La prescription manuscrite
La prescription est rédigée lisiblement sur un support unique pour toutes les prescriptions et tous les prescripteurs. Ce support doit permettre d’enregistrer l’administration.


 

  • La prescription informatisée

Les avantages de l’informatisation de la prescription sont

  • une prescription en temps réel ;
  • une intégration de la prescription au dossier informatique du patient permettant une meilleure traçabilité des informations ;
  • le partage d’informations relatives à la prescription et la sécurisation de leur transmission entre les prescripteurs, les pharmaciens et les infirmières ;
  • l’aide à la prescription grâce à l’accès possible depuis tout poste connecté sur le réseau de l’établissement de santé à des protocoles locaux validés par la commission ad hoc et à des banques de connaissances à jour, par exemple :

+ les bases de données sur les médicaments : le livret thérapeutique de l’établissement (ou document équivalent), le site de l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé http://afssaps.sante.fr/ la base Thériaque du Centre national hospitalier d’information sur le médicament http://www.theriaque.org/ le dictionnaire des monographies des médicaments (par exemple, le Vidal http://www.vidal.fr/ ), une base d’interactions médicamenteuses, etc.,
+ Les bases de recommandations de bonne pratique ou de protocoles thérapeutiques validées et actualisées (http://www.has-sante.fr ou  http://afssaps.sante.fr/ , etc.).
 

L’enregistrement des conditions d’exécution


Il convient d’enregistrer en temps réel toute administration de médicaments en utilisant les logiciels informatiques ou à défaut, le support de prescription évoqué dans le paragraphe I.4.1.
Les retranscriptions sont à proscrire, ainsi que la présence dans la chambre des patients, de documents décrivant les conditions d’exécution de l’administration de médicaments.

Au moment de l’administration, il est nécessaire de
 

  • vérifier l’identité du patient ;
  • le questionner sur une éventuelle allergie au médicament ;
  • apprécier le niveau d’autonomie du patient pour gérer l’administration de son traitement : si le patient est autonome pour une auto administration, s’assurer de la compréhension des modalités d’administration du traitement ; si le patient est dépendant, l’assister dans la prise de ses médicaments ;
  • respecter les vitesses d’injection intraveineuse ;
  • respecter les règles d’hygiène et de sécurité pour le patient et pour soi-même.


Ces tâches peuvent faire l’objet de procédures internes.

L’objectif recherché est la sécurité du patient. C’est la raison pour laquelle il faut toujours s’assurer au minimum de l’identité du patient. Des établissements mettent en place des bracelets à tous les patients pour éviter tout risque d’erreur d’identité. Un patient prémédiqué vous répondra sans avoir vraiment bien entendu et compris la question et pas de chance ce n’était pas le bon patient. Il est préférable un bon clic du bracelet qu’une bonne claque en se rendant compte d’une erreur d’identité des patients.
 

Surveillance thérapeutique du patient


La surveillance du patient relève du rôle propre de l’infirmier. La surveillance peut être définie comme un examen attentif de la personne afin de déceler tout signe potentiellement révélateur d'une anomalie.

L'observation peut porter sur :
 

  • l'état de conscience du patient,
  • son comportement et tous signes cliniques.


L'intérêt de cette surveillance est de déceler toute anomalie afin d'appeler le médecin si l'infirmier estime que le traitement ne relève pas de sa compétence ou d'agir directement pour éviter toutes conséquences dommageables pour le patient.

La surveillance thérapeutique du patient permet d’évaluer le bénéfice rendu et de repérer la survenue éventuelle de tout effet indésirable, y compris mineur.

Ce dernier fait l’objet d’un enregistrement dans le dossier du patient, d’une déclaration selon les procédures en vigueur dans l’établissement et d’une analyse en vue d’une action corrective et d’une réévaluation.
Cour d’Appel de Lyon 1989
L’erreur de perfusion d’un produit particulièrement toxique (produit antimitotique) durant un laps de temps englobant toute la matinée a bien été directement commise par un infirmier.
Le médecin, sous l’autorité duquel le traitement était appliqué et qui avait, à l’égard du patient, une obligation de moyen, commet une faute en ne surveillant pas de près les conditions de la perfusion, compte tenu d’une part de la toxicité du produit injecté et d’autre part de la longue durée de l’opération
La responsabilité du dommage est conjointe entre le médecin qui a manqué à son obligation de moyens par son défaut de surveillance eu égard à la nature de la perfusion et la clinique dans laquelle l’infirmier travaille en qualité de salarié et qui doit répondre de la faute de l’infirmier, son préposé (CA de Lyon, 1989).


 

Distribution des médicaments, quelle chaîne de responsabilités ?


Dans les établissements de santé, le principe est assez simple : la prescription est faîte par le médecin, l’infirmier distribue les traitements aux patients. Si le patient est autonome l’infirmier donne le traitement au patient, s’il n’est en mesure de le faire, l’infirmier va aider à la prise ou l’aide soignant. Quoi qu’il en soit, la distribution des médicaments relève de la seule compétence des infirmiers dans les établissements de santé.

La question est beaucoup plus délicate dans les résidences pour personnes âgées, EHPAD. En 2005, les conclusions du groupe de travail sur la prise en charge des médicaments dans les maisons de retraites médicalisées ont été publiées (Rapport 20005-022 ; IGAS)
 

Quelques définitions


distribution des médicaments Distribution des médicaments

Il convient de bien distinguer l’acte de délivrance des médicaments et la distribution ; La délivrance peut être nominative ou globalisée.
La distribution correspond à l’action de donner les médicaments à différents bénéficiaires c'est-à-dire aux patients ou résidents lorsque l’on exerce dans une résidence pour personnes âgées.

administration des médicaments L’administration des médicaments

C’est l’acte par lequel le personnel fait absorber un médicament à un patient. Son organisation doit assurer la sécurité du patient (obligation de vérification de la prescription).

 

Qui doit préparer les médicaments ?


Réponse du groupe de travail sur la préparation des doses à administrer :

« Sur la préparation des doses à administrer et le rôle possible du pharmacien d’officine, deux solutions sont envisagées par le groupe de travail :
 

  1. Soit la préparation des doses est effectuée par le personnel infirmier au sein de l’établissement ; c’est la solution de droit commun, qui a été prise en compte dans l’allocation des moyens de soins à l’établissement ;
  2. Soit la préparation des doses est effectuée par un pharmacien d’officine, titulaire ou adjoint, au sein de l’établissement […] »


Quelle que soit la solution retenue, le groupe de travail recommande de préparer les doses et les mettre sous piluliers pour une durée maximum d’une semaine et de prévoir une procédure spécifique pour gérer les changements de traitements.
Il est essentiel de prévoir une procédure pour prévenir tout risque d’interaction médicamenteuse suite à l’oubli d’un traitement ou mise à jour du traitement d’un résident suite à la prescription faite par le médecin.
Pour la préparation des doses à administrer sont visés dans les conclusions du groupe de travail le personnel infirmier et pharmacien et /ou le préparateur en pharmacie sous la responsabilité du pharmacien et selon les mentions de la prescription médicale. A contrario cela signifie que toute autre personne ne peut pas préparer les piluliers (ASH notamment ne sont pas habilités à le faire).
 

Qui doit les distribuer ?


Le Conseil d’Etat (décision du 22 mai 2002) a jugé que relève de la compétence des aides-soignants la distribution des médicaments lorsqu’il s’agit d’apporter une aide, un soutien à une personne qui a perdu son autonomie. Dans les résidences, maisons de retraites, établissements médico–sociaux, les personnes accueillies ont pour l’ensemble perdu une partie de leur autonomie. Dès lors, il semble être acquis pour les établissements que les aides soignants peuvent et doivent distribuer les médicaments. Il semblerait que la justice légalise cette pratique en validant le refus de distribuer des médicaments par le personnel cité à l’article R.4311-4 du code de la santé publique comme faute professionnelle.
Article R. 4311-4 Lorsque les actes accomplis et les soins dispensés relevant de son rôle propre sont dispensés dans un établissement ou un service à domicile à caractère sanitaire, social ou médico-social, l'infirmier ou l'infirmière peut, sous sa responsabilité, les assurer avec la collaboration d'aides-soignants, d'auxiliaires de puériculture ou d'aides médico-psychologiques qu'il encadre et dans les limites de la qualification reconnue à ces derniers du fait de leur formation. Cette collaboration peut s'inscrire dans le cadre des protocoles de soins infirmiers mentionnés à l'article R. 4311-3.

Une notion importante semble être oubliée, le même article précise bien dans la limite de la qualification reconnue à ces derniers du fait de leur formation. Avec la pratique généralisée des génériques la tâche va être difficile pour les aides soignants. Certes, le texte précise que la mission de l’aide soignant est, en fait, d’apporter le traitement au résident qui a temporairement ou durablement perdu son autonomie. Le texte ne demande pas un contrôle de la part de l’aide soignant.

La préparation des piluliers est faite par l’infirmier et sous sa responsabilité puis la distribution est faite dans certains établissements médico-sociaux par les aides soignants. Cependant, l’aide soignant seul la nuit dans le service à qui s’adresse t-il s’il a le moindre doute ?

L'arrêté du 25 janvier 2005 relatif aux modalités d'organisation de la validation des acquis de l'expérience pour l'obtention du diplôme professionnel d'aide-soignant précise que l’aide soignant aide à la prise du médicament.

Comment doit-on comprendre cette notion dans les résidences et établissements médicaux sociaux ? L’aide à la prise semble signifier que l’aide soignant apporte le traitement aux résidents si on se réfère aux décisions de justice qui ont validé la qualification de faute professionnelle le refus de distribuer les médicaments.

En conclusion

Pour garantir la qualité de la prise en charge des personnes et surtout leur sécurité, il est important qu’un véritable travail de groupe se fasse entre les infirmiers et les aides-soignants, aides médico-psychologiques. Les piluliers devront être préparés avec mention du nom du résident, horaires des prises et préparer des fiches d’information à l’attention du personnel qui se trouve seul dans le service à manipuler des traitements pour lesquels il n’a pas reçu la formation.

Au-delà de la responsabilité juridique nombreux professionnels s’inquiètent en terme de responsabilité morale.

Bibliographie

Webographie

Nathalie LELIEVRE
Juriste spécialisée en droit de la santé
AEU droit médical, DESS droit de la santé
Chargée de Conférence
Membre du comité Ethique et douleur méditerranéen
Membre du comité de rédaction infirmiers.com
nathalie.lelievre@infirmiers.com

Source : infirmiers.com