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Dire non. Etre entendu. Ou pas

Publié le 01/02/2016
blog patiente impatiente

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main non

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Cet article, repéré par la rédaction et partagé avec nous par une blogueuse « patiente et (imp)patiente » doit nous interpeller...  Ou l'importance de savoir - ou pouvoir - "dire non" à des soignants et d'être entendu... ou pas...

Où est le pouvoir de dire non lorsqu'on est patient...

Je vais écrire mon article basé sur deux récits vécus pendant mon enfance et adolescence. Je suis insuffisante rénale chronique (IRC) depuis ma naissance. On s'est rendu compte de mon IRC à l'âge de huit ans. Depuis ce jour, la médecine a, bien malgré moi, fait son apparition dans ma vie. Je suis suivie par le Pr X, éminent néphrologue pédiatrique d'un CHU du sud de la France. Je le vois régulièrement en consultation. Je n'aime pas y aller. Il m'ausculte, si tout va bien je reste dans le cabinet, et si quelque chose ne va pas, il me fait sortir et discute avec mes parents qui m'annonceront - souvent - la mauvaise nouvelle lors du retour dans la voiture.

Je suis régulièrement hospitalisée. J'ai entre huit et treize ans. Je suis dans une chambrée de trois ou quatre enfants. La visite magistrale s'annonce. Autour de mon lit d'hôpital, une quinzaine de soignants. Je me sens emprisonnée. Le Pr X prend la parole et explique son cas à ses étudiants. Je suis dépersonnalisée. Je suis « elle ».  Je n'ai plus de prénom. Je n'existe pas. Je ne suis pas dans la chambre. Le Pr X parle de moi à la troisième personne. Il me prescrit des examens, des médicaments sans un regard. Les internes et externes regardent attentivement le professeur. C'est au tour des autres enfants.

J'ai treize ans. Je suis à nouveau hospitalisée. La visite magistrale s'annonce. Cette fois, je vais dire non au Pr X. Je le regarde dans les yeux et lui dis que je ne souhaite pas de visite avec tout ce monde autour de moi, que je me sens mal avec tout ce monde.  Il me regarde, je ne lâche pas son regard, c'est un défi mutuel. Il me répond, très bien et change de lit. Il finit ses visites avec ses étudiants. Il sors de la chambrée. Il revient 10 minutes après, seul et fait sa visite à mon chevet. A partir de ce jour là, le Pr X me demandera toujours si il peut faire sa visite avec quelques étudiants. Jamais plus de 3. Je répondrais toujours oui. Les consultations prendront également une autre tournure. Il ne me fera plus sortir et m'annoncera lui même les choses concernant ma maladie.

J'ai 17 ans. J'ai été greffée d'un rein. ça se passe mal. L'équipe n'arrive pas à faire face à cet échec tant médicalement que psychologiquement. Je suis momentanément transférée chez les adultes. Le Pr Y me prescrit une Ponction Biopsie Rénale. Je suis dans une petite salle sans fenêtre. J'ai peur.

C'est la première fois que j'ai une PBR sans anesthésie générale. Je vois le néphrologue préparer le pistolet pour la ponction. Je suis chez les adultes, je suis une adulte, je suis courageuse. On endort la zone de biopsie. On pique. J'ai mal. J'ai peur. J'ai mal. J'ai mal, j'ai peur. Je pleure. Je commence à m'agiter. On repique. Plusieurs fois. Je leur demande d'arrêter. Ils appellent des soignants en renfort. Je m'agite beaucoup.  je demande à ce qu'on arrête. Je me sens mal. On repique. Les soignants me tiennent. Je me débats. Je veux partir de cette pièce. J'entends les néphrologues dire  à plusieurs reprises "ça ne passe pas, ça a rebondi, le fragment n'est pas bon". Ce sont  les derniers mots dont je me rappelle. Je tombe dans les pommes. Tout le monde s'affaire autour de moi. Le lendemain, j'ai une PBR sous anesthésie générale. Le greffon était nécrosé.

Désormais adulte, je suis parfois amenée à dire non à des soignants. J'ai toujours cette boule et je me demande si on va m'entendre. Ou pas.

Cet article a été publié le 15 janvier 2016 sur Patiente (im)patiente, le blog d'une patiente impatiente...


Source : infirmiers.com