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CADRE

D'infirmier à cadre de santé : quand le projet se concrétise

Publié le 28/10/2014
équipe de soignants hopital

équipe de soignants hopital

Benjamin s'apprête à passer le concours d'entrée en Institut de Formation des Cadres de Santé. Depuis quelques mois, il exerce en tant que "faisant fonction" de cadre. Il partage aujourd'hui ses réflexions sur les spécificités de son statut et ses attentes.

Devenir cadre de santé  : un projet mûrement réfléchi

La qualité de la prise en charge du patient a toujours été au centre de mes intérêts professionnels, que cela soit dans le cadre de ma formation initiale et ensuite en tant qu'infirmier diplômé. Poursuivre dans cette voie a donc été très naturel lorsque j'ai commencé à envisager mon projet de devenir cadre de santé.

En effet, dès ma formation, j'ai rencontré de nombreux cadres de santé qui m’ont donné envie de suivre leur exemple. J’ai eu la chance de travailler avec des soignants dont le seul objectif était de dispenser des soins de qualité, n’hésitant pas à accompagner leurs équipes lors d'un coup de chaud dans l’unité et ensuite, partager le café avec elles. Lorsque j'ai commencé à exercer en tant qu'infirmier, j’ai tout de suite décidé de m’impliquer dans la vie de mon unité et de mon centre hospitalier. Un projet, un groupe de travail ? J’étais toujours partant et volontaire. J’organisais ma vie de jeune homme autour de ces rendez-vous professionnels. A la maison, je continuais mon implication en prenant sur mon temps personnel pour m’investir sur le forum d'Infirmiers.com et apporter des réponses aux nombreux internautes. Inscrit depuis 2005 sur le forum (je préparais alors le concours), je suis devenu par la suite modérateur. Lors de ma participation au comité de rédaction d'Infirmiers.com , j'ai fait la connaissance de personnes ayant, comme moi, envie de faire évoluer le monde soignant. Là encore, le patient s'est toujours trouvé au centre de toutes les discussions. Au gré des rencontres, des cadres de santé et des cadres supérieurs investis m'ont donc transmis leur engagement, leur passion du soin. Oui, on peut parler de passion quand des professionnels mettent tout leur cœur au profit de la qualité des soins. Certes, ils n’ont pas les réponses à toutes les problématiques mais le sens de leur action les guide.

Après avoir travaillé quelques temps dans un centre hospitalier spécialisé, ma vie privée fait que je dois changer de lieu de travail. Se pose alors la question du choix du service de mutation. Je rencontre plusieurs directions des soins à qui j’expose ma démarche : je souhaite changer de spécialité. Alors que certains directeurs des soins accueillent plutôt bien cette idée, d’autres restent dubitatifs. Je sais que je me dois d’enrichir mon parcours professionnel avant de prétendre à d'autres fonctions et notamment à celle de cadre de santé. Un hôpital me propose de prendre le seul poste infirmier dans une unité de médecine de 25 patients. Je saisis cela comme une chance... C’est une remise en question professionnelle et je dois ressortir mes cours d’Ifsi pour que, dès ma prise de poste, je puisse accompagner au mieux ces patients. Mes nouveaux collègues sont surpris de ma démarche :  pourquoi passer d’une spécialité qu’on aime à une autre inconnue ? Pour moi cette démarche est indispensable à mon évolution professionnelle. Comment pourrais-je travailler au sein d’un centre hospitalier sans avoir découvert différentes prises en charge, spécialistés, pathologies ? Etre polyvalent, de nos jours, est un plus.

J'estime qu'il vaut mieux une démarche réfléchie et pour laquelle on a pris le temps d’évaluer les bénéfices et les risques qu’une démarche de “consolidation” qui répondra, certes, à une demande rapidement et contentera le demandeur, mais qui ne sera pas forcément pérenne à long terme

D’infirmier à faisant fonction cadre de santé

Nous sommes peu en France à devenir cadre de santé après seulement les quatre années d'exercice obligatoire avant d’intégrer l’IFCS. Lors d’une réunion de travail, on me propose un poste de "faisant fonction" cadre de santé. Mon projet était en effet connu de la direction des soins et soutenu par la cadre de mon service. Trois mois après cette annonce, j'investis le poste. Je découvre alors un nouveau chez moi : "mon bureau de travail". Responsable de plusieurs unités, je découvre le travail de cadre de santé de l’intérieur. Cette nouvelle fonction, je l’ai réfléchie, je l’ai préparée, mais rien ne vaut l’expérience...

Je prends le temps d’apprendre à connaître les professionnels, leur fonctionnement ainsi que celui des différentes unités. Les demandes de travaux ne se font pas attendre. Plusieurs projets sont en cours, il faut les poursuivre. Les équipes m’attendent, ils sont en demande de présence et de temps. J’écoute donc chaque personne et j'élargis mes épaules, qui du haut de leur 25 ans, doivent soutenir une trentaine de professionnels. Je prend du temps, j’en discute avec mes supérieurs et j’apprends en même temps que je vis les situations. C’est cela je pense, la différence entre le cadre de santé qui commence en tant que cadre de santé, et le faisant fonction cadre de santé qui devient cadre de santé avant d’être formé à cette mission. Je me donne une seule obligation : le sens. J'analyse donc chaque situation. Je suis soignan. À moi de transférer les compétences acquises en formation et durant mes quelques années de pratique professionnelle : savoir, savoir- être et savoir-faire. Ces dernières sont mes outils principaux. De plus, j’ai la chance d’avoir des collègues cadres de santé qui m’accompagnent lorsque je les sollicite.

On peut parler de passion quand des professionnels mettent tout leur cœur au profit de la qualité des soins.

Quelques surprises

Ma première surprise en tant que cadre de santé est ce que j'appelle le travail invisible. Il y a des journées où je travaille plus que ce que j'aurais dû sans même pouvoir dire, le soir, ce que j'ai réellement fait. Ce métier est si riche et ouvre tellement de possibilités qu'il est difficile de ne pas se perdre dans les demandes et désirs de chacun.

La “surprise” la plus difficile pour moi est le rôle d’éponge du cadre de santé. Mon bureau est ouvert aux équipes et il n’y a pas une journée sans qu’un professionnel vienne me parler, me donner son avis ou faire des propositions pour améliorer le travail. Chacune de ces rencontres est très riche, mais émotionnellement difficileà gérer. Je ne peux pas ne pas accorder de temps aux professionnels. Répondre est une véritable problématique de cadre de santé. On dit que l’on ne répond pas à une demande mais qu’on la traite. Il n'est toutefois pas toujours aisé d'expliquer cela. Dans une société où toute action engendre une réaction, de nombreux professionnels ne comprennent pas que les centres hospitaliers et les unités ne fonctionnent pas ainsi.

Partisan du “sens”, j'estime qu'il vaut mieux une démarche réfléchie et pour laquelle on a pris le temps d’évaluer les bénéfices et les risques qu’une démarche de “consolidation” qui répondra, certes, à une demande rapidement et contentera le demandeur, mais qui ne sera pas forcément pérenne à long terme.

Avant de devenir faisant fonction, mes collègues me mettaient en garde contre la hiérarchie, mais j’ai découvert en exerçant qu’il est difficile d’accompagner toutes les demandes. En effet, il s'avère parfois compliqué pour moi qui suis encore en formation de répondre. J’ai tendance à prendre l’ensemble des demandes pour moi et les désaccords comme des reproches sur mon travail. C’est une charge émotionelle importante qui pose la question de la mise à distance, cette distance dont on nous parle si souvent à l’Ifsi... Passer par le satut de faisant fonction cadre de santé permet de découvrir ses propres limites.

Répondre, c’est une véritable problématique de cadre de santé. On dit que l’on ne répond pas à une demande mais qu’on la traite.

Vers le concours cadre de santé

En cette fin d’année tout se précipite. Le concours d’admission à l’IFCS approche, mais les demandes et le travail avec les équipes doit continuer. J’ai fait le choix de travailler pour le concours sur mon temps personnel. Ce n’est pas parce que je passe un examen que les professionnels avec qui je travaille et les patients doivent en pâtir. J’avais lu un témoignage d'un faisant fonction cadre de santé qui se sentait bloqué par son statut : être cadre sans l’être. J’ai la chance de ne pas être mis à l'écart de la communauté cadre de mon centre hospitalier. Je me positionne à l’égal tout en admettant mes méconnaissances et en m’appuyant sur mes pairs.

Il est difficile de percevoir le métier de cadre de santé sans l'avoir pratiqué, d'où l'intérêt d'être faisant fonction. Cela permet d'en découvrir les coulisses mais aussi les contraintes qui ne sont pas imaginables en tant que soignant. J’ai ainsi entrevu un monde qui oeuvre quotidiennement pour la qualité de la prise en charge des patients, mais avec d’autres armes que les soignants qui sont sur le terrain. J’ai découvert la face cachée des soins. C’est un point dont je vais me servir pour faire la différence lors du concours de l’IFCS. Le travail au quotidien auprès des équipes est une chance et ces quelques mois d'exercice confirment mon choix de projet professionnel et l’ont enrichi. Je vis chaque jour avec cet objectif de qualité pour les patients. C’est pour eux que j’ai exercé en tant qu'infirmier et que j'ai décidé de devenir cadre de santé. C’est aussi pour eux qu’au quotidien je travaille avec les équipes. Cette dernière phrase pourrait laisser croire que c’est de la prétention mal placée ou l’utopie d’un jeune homme de 25 ans. Pourtant, il s'agit du carburant de mon travail au quotidien, de l’idéal qui me fait avancer et pour lequel je me bats chaque jour.

Benjamin JULIAN   Faisant fonction cadre de santé


Source : infirmiers.com