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Décès d'un homme à la sortie des urgences

Publié le 22/11/2008

Les deux médecins avaient laissé sortir des urgences le 2 septembre 2004 Jean-Claude Thomas, âgé de 60 ans, sans avoir pris connaissance des résultats d'analyses alarmants sur son état cardiaque, rappelle-t-on.

Le parquet de Nancy avait requis fin octobre 12 mois d'emprisonnement assortis du sursis et 3.000 euros d'amende à l'encontre des deux médecins.

Le médecin sénior a été condamné vendredi à huit mois de prison avec sursis et à une peine d'amende de 3.000 euros, a-t-on appris auprès du tribunal correctionnel de Nancy. Il a obtenu une dispense d'inscription de la peine à son casier judiciaire. L'interne a pour sa part été condamné à six mois de prison avec sursis et à 3.000 euros d'amende. Les deux hommes devront aussi verser solidairement 1.500 euros d'amende au titre des frais de procédure.

Contacté vendredi par APM, l'avocat du médecin sénior, Me Yves Scherer, a jugé cette condamnation "logique", rappelant que son client avait reconnu sa responsabilité. Il a indiqué qu'il ne ferait "a priori" pas appel.

Me Gérard Michel, qui défendait l'interne, a estimé que ces peines, "en deçà des réquisitions du procureur de la République", étaient "modérées" et correspondaient bien à la hiérarchie des responsabilités. Il a indiqué vendredi à l'APM qu'il ne pensait pas que son client souhaite faire appel.

Joint vendredi par APM, Me Hélène Strohmann, avocate des parties civiles, a précisé que ses clients, la famille du défunt, étaient satisfaits que le principe de culpabilité ait été retenu mais déçus par le quantum des peines prononcées. Elle a indiqué qu'elle ferait parvenir la décision à l'Ordre des médecins.

Rappel des faits

Le 2 septembre 2004, Jean-Claude Thomas, âgé de 60 ans, oppressé par de fortes douleurs à la poitrine qu'il ressent depuis la veille, se rend chez son médecin traitant vers 8h30, relate Me Hélène Strohmann, avocate des parties civiles, jointe jeudi par l'APM.

Ce dernier l'accompagne alors au service des urgences de l'hôpital central du CHU de Nancy, où il remet une lettre de pré-diagnostic à destination de ses confrères, dans laquelle il fait part de ses suspicions de nécrose, d'embolie pulmonaire ou de dissection aortique et demande que soient effectués des examens ainsi qu'une radio pulmonaire.

Jean-Claude Thomas est pris en charge vers 9h00 par l'un des internes présents aux urgences et subit plusieurs examens mais pas la radio pulmonaire réclamée par son médecin traitant.

Vers 11h40, il est invité par l'interne à rentrer chez lui mais sans que les médecins aient pris soin de consulter les résultats des analyses médicales, qui lui sont remises dans une enveloppe avec une prescription de test d'effort à effectuer dans les jours suivants, explique Me Strohmann.

Il décide d'accomplir à pied les cinq kilomètres qui le séparent de son domicile, où il sera retrouvé mort six jours plus tard par ses filles qui s'inquiétaient de n'avoir aucune nouvelle.

LES RESULTATS D'EXAMENS N'AVAIENT PAS ETE CONSULTES

Dans l'enveloppe, encore cachetée, qui sera confiée au médecin traitant, ce dernier découvre des résultats d'analyses "catastrophiques", selon Me Strohmann, montrant un taux de D-dimère extrêmement élevé, caractéristique d'une embolie pulmonaire, qui aurait dû interdire toute sortie au patient et conduire à son hospitalisation.

Une expertise conduite dans le cadre de l'instruction ouverte après la plainte déposée en octobre 2004 par les filles de la victime, conclura que la cause probable de la mort, survenue vraisemblablement le jour même de son hospitalisation compte tenu d'éléments matériels constatés à son domicile, résulte d'une "embolie pulmonaire massive", à la suite d'une "succession de fautes" de la part des deux médecins.

Le corps de M. Thomas n'a jamais pu être autopsié, ayant été incinéré avant le début de la procédure, précise-t-on.

Me Strohmann pointe un "enchaînement d'erreurs grossières", dont le fait de ne pas avoir analysé les résultats d'examens, pourtant disponibles dès 10h33 et imprimés à 11 heures, selon le dossier médical, l'absence de réalisation de radio pulmonaire qui aurait pu être déterminante pour poser le diagnostic, en dépit des préconisations du médecin traitant, et l'absence de mise à disposition d'un moyen de retour à domicile pour une personne à laquelle tout effort risquait d'être fatal.

Me Strohmann a regretté que le CHU, en tant que personne morale, n'ait pas été également renvoyé devant le tribunal correctionnel dans cette affaire.

L'urgentiste, un praticien hospitalier qui exerce actuellement dans le sud de la France, souhaite assumer sa responsabilité dans le fait de "ne pas avoir vérifié les allégations de l'interne" qu'il supervisait, a indiqué à l'APM jeudi son conseil, Me Yves Scherer.

"L'interne a expliqué que les douleurs avaient disparu, que l'électrocardiogramme était normal et qu'il n'y avait pas de signes biologiques. Il a conclu à une angine de poitrine" et a renvoyé le patient chez lui, explique Me Scherer, indiquant que le jeune médecin, qui effectuait son dernier mois d'internat, aurait dû "attendre les résultats" des analyses avant de laisser partir son patient.


Source : infirmiers.com