Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

INFOS ET ACTUALITES

Décès d'un enfant à Saint-Vincent-de-Paul : un an de prison avec sursis pour l'infirmière

Publié le 23/11/2016
hôpital Saint-Vincent-de-Paul

hôpital Saint-Vincent-de-Paul

Le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a prononcé le 22 novembre 2016 des peines de six mois à un an de prison avec sursis, pour homicide involontaire, à l'encontre de l'infirmière, de la cadre supérieure de santé et du pharmacien poursuivis à la suite du décès d'un enfant en 2008 à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul (Paris, AP-HP). L'Assistance publique-hôpitaux de Paris est condamnée, en tant que personne morale, à 150.000 euros d'amende.

Crédit photo : Mbzt - L'hôpital Saint-Vincent-de-Paul

Amené par ses parents pour soigner une angine qui s'était compliquée, Ilyès, âgé de 3 ans, est décédé le 24 décembre 2008 dans le service de pédiatrie de l'hôpital, après l'administration par erreur de chlorure de magnésium au lieu d'un sérum glucosé (B46), en raison d'une probable erreur de livraison.

Le procès s'est déroulé devant la 31ème chambre correctionnelle sur cinq demi-journées, du 26 septembre au 5 octobre. Le jugement rendu le 22 novembre est plus sévère que les réquisitions du parquet . La procureure avait demandé six mois de prison avec sursis pour l'infirmière et la cadre supérieure de santé et une amende de 100.000 euros pour l'AP-HP. Elle avait laissé au tribunal le soin d'apprécier la responsabilité du pharmacien chef de service de la pharmacie à usage intérieur (PUI) de l'établissement.

Sylvie Fumoux, l'infirmière qui a administré le chlorure de magnésium, est condamnée à un an de prison avec sursis pour avoir, par imprudence, inattention ou négligence, involontairement et directement causé la mort de l'enfant, a annoncé la présidente de la 31ème chambre, Evelyne Sire-Marin. Le tribunal a notamment retenu que la soignante n'avait pas vérifié l'inscription figurant sur l'étiquette du flacon qu'elle avait pris dans la réserve du service.

La cadre supérieure de santé , Louisa Hilmi, reçoit la même peine d'un an avec sursis, assortie d'une interdiction d'un an d'exercer ces mêmes fonctions. Vous pouvez continuer à travailler à l'AP-H sur un autre poste, lui a signifié la présidente. Elle est actuellement cadre supérieure en pédiatrie à l'hôpital Necker (Paris). Il lui est reproché d'avoir créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou de n'avoir pas pris les mesures qui auraient permis de l'éviter. Le tribunal l'a jugée coupable de négligences ou imprudences caractérisées exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer de par sa profession, c'est-à-dire une erreur de délivrance de médicament ou produit dangereux. Il a pointé des défaillances dans l'organisation de son service [...] en particulier en ce qui concerne le circuit du médicament et sa sécurisation, de la commande dont elle était responsable à la réception aux fins de contrôle, de la gestion et du stockage de ces produits jusqu'à la distribution aux patients du service de pédiatrie générale. La chambre relève aussi des lacunes dans la surveillance générale de son service [...] se traduisant notamment par l'absence de procédures et consignes strictes de préparation des commandes, de rangement, d'approvisionnement des postes de soins, effectués sans traçabilité et sans lecture systématique des étiquettes.

Alain Dauphin, désormais à la retraite, était au moment des faits chef de la pharmacie à usage intérieur (PUI) de Cochin tout en dirigeant par intérim celle de Saint-Vincent-de Paul. Il est condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis. La présidente a relevé une organisation et une surveillance défaillantes des opérations pharmaceutiques, dans le suivi des lots et la distribution de médicaments et produits. Là encore, elle a souligné l'absence de procédures et consignes strictes de réceptions des commandes, de rangement et de manutention, ainsi que "l'absence de délivrance des solutés [dans le service] par une personne qualifiée au sens du code de la santé publique" (pharmacien ou préparateur).

Ni l'instruction, ni les débats n'ont permis de déterminer avec précision la date de la livraison erronée de chlorure de magnésium au sein du service de pédiatrie, ni les personnes qui ont placé le carton de 12 flacons au sein de la grande réserve, pas plus que celles qui ont ensuite alimenté les armoires à pharmacie de deux des trois unités avec le produit, rappelle-t-on. La confusion des soignants a été facilitée par le conditionnement du chlorure de magnésium, médicament qui entre dans la composition des poches de nutrition parentérale notamment pour les bébés prématurés, dans des flacons quasiment identiques à ceux des solutés de B46 auxquels les cadres et infirmiers du service étaient habitués.

L'AP-HP est elle aussi jugée coupable d'avoir involontairement causé la mort d'Ilyès, pour les mêmes motifs que le pharmacien et la cadre supérieure de santé. Elle est donc condamnée à 150.000 euros d'amende. Pour homicide involontaire, les prévenus encouraient une peine maximale de trois ans d'emprisonnement et 45.000 € d'amende pour les personnes physiques et une amende de 225.000 € pour les personnes morales.

Au titre des frais de justice, le TGI condamne les trois professionnels et l'AP-HP à verser, conjointement, un total de 14.000 euros aux 14 membres de la famille qui se sont portés partie civile. Une procédure d'indemnisation se poursuivra devant la justice administrative.

"Le tribunal a voulu marquer le coup"

Ce jugement montre une position ferme, a commenté Me Benoît Chabert, avocat de l'AP-HP, interrogé par l'APM à l'issue du délibéré. Le tribunal a voulu marquer le coup avec ce jugement exceptionnel pour un véritable drame, a-t-il ajouté.

Lors du procès, le directeur général de l'AP-HP, Martin Hirsch, était venu présenter à la famille d'Ilyès les très sincères et très humbles excuses de son institution, reconnaissant une nouvelle fois sa pleine responsabilité. Il a assuré que la chaîne de responsabilité était désormais bien mieux définie, avec des procédures internes ainsi que des moyens matériels et humains renforcés.

La famille n'a pas souhaité faire de déclaration. L'avocate des parents d'Ilyès, Me Anne-France Roux, a simplement indiqué que pour elle, la condamnation de tous les prévenus constituait un minimum.

Nous regrettons la décision, a souligné l'avocat du pharmacien, Me Bernard Grelon. Il a toutefois fait part de sa satisfaction quant à la reconnaissance de la responsabilité relativement limitée de son client, désormais à la retraite, car celui-ci a été condamné à une peine d'emprisonnement plus courte.

L'avocat de l'infirmière n'a pas pu être joint par l'APM. La cadre supérieure de santé avait quant à elle renvoyé ses avocats peu avant l'audience.


Source : infirmiers.com