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Décès d'un enfant à l'AP-HP : prison avec sursis requise

Publié le 05/10/2016
justice marteau

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Le parquet a requis des peines de six mois d'emprisonnement assorties du sursis à l'encontre de l'infirmière et de la cadre supérieure de santé poursuivies devant le tribunal correctionnel de Paris avec un pharmacien et l'Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) en tant que personne morale, pour le décès d'un enfant en 2008 à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul .

Décès d'un enfant à l'AP-HP : de graves défaillances dans le circuit du médicament ont été mises en lumière.

La procureure a par ailleurs requis une amende de 100.000 € à l'encontre de l'AP-HP en tant que personne morale, mais laissé au tribunal le soin d'apprécier la responsabilité du pharmacien chef de service de la pharmacie à usage intérieur (PUI) de l'établissement.

Le procès, qui doit s'achever ce mercredi 5 octobre 2016 devant la 31ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance (TGI) de Paris, doit permettre de déterminer les responsabilités des quatre personnes mises en cause dans le décès d'Ilyès, 3 ans, survenu le 24 décembre 2008 dans le service de pédiatrie de l'hôpital, après l'administration par erreur de chlorure de magnésium au lieu d'un sérum glucosé (B46), en raison d'une probable erreur de livraison.

Au travers d'un long réquisitoire prononcé le 4 octobre 2016 après les plaidoiries des parties civiles, la procureure a tenté de dégager les responsabilités respectives de chaque prévenu, soulignant d'emblée la difficulté de l'exercice en matière d'homicide involontaire, qui requiert l'existence d'un lien de causalité direct et une faute "caractérisée". C'est l'une des affaire les plus difficiles, les plus douloureuses, que l'institution judiciaire peut être amenée à juger, a souligné la procureure, soulignant le caractère indicible de la douleur des parents, repartis seuls d'un hôpital où ils avaient conduit leur enfant pour une angine.

Le procès a mis en lumière les graves défaillances qui ont émaillé le circuit du médicament, dans un contexte rendu difficile par la fusion des hôpitaux Cochin et Saint-Vincent-de-Paul, a résumé la représentante du parquet. L'audition des trois soignants s'était concentrée sur les dysfonctionnements du circuit du médicament, avant que l'un des experts commis dans la procédure, le Pr Patrice Prognon, chef de service de la pharmacie à usage intérieur (PUI) des Hôpitaux universitaires Paris-Ouest, ne confirme le manque de moyens disponibles pour sécuriser l'ensemble de la chaîne de distribution des médicaments . Ni l'instruction, ni les débats n'ont permis de déterminer avec précision la date de la livraison erronée de chlorure de magnésium au sein du service de pédiatrie de Saint-Vincent-de-Paul, ni les personnes qui ont placé le carton de 12 flacons au sein de la grande réserve, pas plus que celles qui ont ensuite alimenté les armoires à pharmacie de deux des trois unités avec le produit. La confusion des soignants a été facilitée par le conditionnement du chlorure de magnésium, médicament qui entre dans la composition des poches de nutrition parentérale notamment pour les bébés prématurés, dans des flacons quasiment identiques à ceux des solutés de B46 auxquels les cadres et infirmiers du service étaient habitués.

La procureure a requis une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis à l'encontre de Sylvie Fumoux, l'infirmière qui a changé la perfusion de réhydratation d'Ilyès en lui administrant par erreur du chlorure de magnésium au lieu du soluté B46, après s'être servie dans l'une des armoires à pharmacie et sans avoir pris la précaution de lire l'étiquette du flacon ni de se renseigner sur la prescription de l'enfant. L'infirmière, qui exerçait à l'époque des faits depuis 11 ans et était très bien notée par sa hiérarchie, avait immédiatement reconnu son erreur, ce qu'elle a confirmé à l'audience. La procureure a également requis une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis contre Louisa Hilmi, la cadre supérieure de santé du service de pédiatrie, estimant qu'elle n'avait pas pris ses responsabilités en matière de sécurisation du circuit du médicament, notamment en mettant en place un système de contrôle des produits au moment de la livraison, de gestion des stocks de médicaments, ou en s'assurant du rôle assumé par les cadres de santé dans l'alimentation des armoires à pharmacie. La cadre supérieure de santé, qui a renvoyé ses avocats peu avant l'audience et déposé il y a quelques jours une plainte pour "non dénonciation de crime" auprès du parquet de Paris dans le cadre de ce dossier, avait argué que la sécurisation du circuit du médicament ne faisait pas partie de ses attributions.

La procureure indulgente pour le chef de la PUI

En revanche, la procureure n'a requis aucune peine à l'encontre d'Alain Dauphin, qui était au moment des faits chef de la pharmacie à usage intérieur (PUI) de Cochin tout en dirigeant par intérim celle de Saint-Vincent-de Paul. Elle s'en est remise à "la sagesse" du tribunal, relevant qu'en dépit des dysfonctionnement rencontrés dans la sécurisation du circuit du médicament, il avait alerté à plusieurs reprises sur le manque de moyens dont il disposait pour mener à bien ses missions, lancé des améliorations pour assurer la dispensation correcte dans certains services, tout en étant contraint de faire des choix dans le déploiement de ses équipes.La réalité de ces structures publiques, c'est que vous faites parfois avec les moyens que vous avez, a résumé la procureure, tout en soulignant l'absence de personne qualifiée pour la réception des médicaments livrés par la plateforme pharmaceutique de l'Agence générale des équipements et produits de santé (Ageps) et l'absence de supervision de la préparation des commandes pour les différents services par une personne compétente.

Enfin, elle a requis une peine de 100.000 € d'amende pour l'AP-HP, dont la responsabilité est parfaitement établie et reconnue, et qui avait indiqué à l'audience que la sécurisation du circuit du médicament n'était pas, à l'époque, une priorité. La procureure a estimé que, dans un contexte aggravé par une fusion d'établissements encore imprécise, et faute de réglementation bien définie sur le circuit du médicament, il revenait à la direction générale de remettre de l'interface, de la transversalité, afin de remédier à la segmentation des services et à la dilution des responsabilités.

En matière d'homicide involontaire, les prévenus encourent une peine maximale de trois ans d'emprisonnement et 45.000 € d'amende pour les personnes physiques et une amende de 225.000 € pour les personnes morales, rappelle-t-on.

A l'issue des plaidoiries de la défense, la présidente de la chambre correctionnelle devrait mettre le jugement du tribunal en délibéré et rendre sa décision d'ici plusieurs semaines.


Source : infirmiers.com