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Décès d'un enfant au bloc: la procureure requiert la relaxe de l'AP-HP

Publié le 15/01/2009

A la fin de l'audience qui a duré plus de trois heures, le jugement a été mis en délibéré au mardi 10 février à 13h30.

Au cours de cette audience, le tribunal a examiné dans le détail le déroulé de la prise en charge de Cédric entre le moment où il a commencé à avoir des malaises vers 22h30 le 21 juin et son décès constaté à 4h20 le 22 juin d'un arrêt cardiaque provoqué par une hémorragie abdominale à bas bruit.

Atteint de la maladie de Minkowki-Chauffard, maladie génétique héréditaire qui affecte les globules rouges, Cédric, 12 ans, avait dû subir une ablation de la rate en raison de l'augmentation du volume de l'organe.

L'intervention, réalisée sous coelioscopie, s'est déroulée dans l'après-midi du 21 juin 2004, sans problème. L'enfant a quitté la salle de réveil vers 22 heures et a été remonté dans sa chambre.

Entre 22h30 et le moment de son décès, il a subi trois malaises, le premier alors qu'il était dans sa chambre, les deux autres lorsqu'il se trouvait de nouveau dans la salle de réveil.

A chaque malaise, il a été examiné par des médecins, dont l'anesthésiste de garde, le chirurgien senior au moment du premier et après le troisième malaise et par l'interne en chirurgie aux deuxième et troisième malaises.

Lors de l'audience, les débats ont été beaucoup centrés sur le fait que les médecins qui ont réalisé différents examens biologiques et cliniques au fil des heures pour vérifier qu'il n'y avait pas d'hémorragie, n'ont effectué une échographie qu'après le troisième malaise.

Les discussions ont aussi porté sur la sous-spécialité en chirurgie orthopédique des deux chirurgiens de garde, les parties civiles estimant qu'ils n'avaient pas suffisamment de compétences en chirurgie viscérale et qu'ils auraient dû appeler un chirurgien viscéral plus tôt que ce qu'ils ont fait, c'est-à-dire après le troisième malaise.

L'hémorragie a été diagnostiquée qu'après le troisième malaise, à 2h30.

L'interne de garde a alors appelé le chirurgien senior de garde, seul habilité à décider une reprise opératoire, mais qui est arrivé avec près d'une demi-heure de retard, en raison, semble-t-il, d'un problème de bip.

L'enfant a perdu une nouvelle fois connaissance à 2h45. L'échographie qui a alors été pratiquée a confirmé la présence d'une hémorragie et le chirurgien viscéral d'astreinte à domicile a été appelé pour pratiquer l'opération.

L'enfant est mort plus d'une heure plus tard d'un arrêt cardiaque sur la table d'opération. Deux litres de sang ont été retirés de son abdomen mais l'origine de l'hémorragie n'a pas été identifiée y compris lors de l'autopsie.

L'AP-HP qui était le seul prévenu, comparaissait pour homicide involontaire.

Il lui était reproché d'avoir causé involontairement la mort de Cédric par des fautes d'imprudence ou de négligence.

Plus précisément, il lui était reproché le système d'organisation des gardes dans le service de chirurgie qui a conduit dans la nuit du 21 au 22 juin à la présence sur place de deux chirurgiens infantiles spécialisés en orthopédie (un senior et un interne) mais aucun chirurgien viscéral.

L'AP-HP était également accusée d'avoir contribué à l'arrivée tardive du chirurgien senior de garde au moment du troisième malaise de l'enfant, en raison d'un dysfonctionnement du système de bip. Ce dysfonctionnement aurait conduit à un retard de 30 minutes de l'arrivée du chirurgien senior dans la salle de surveillance pots-interventionnelle alors qu'il était le seul habilité à pouvoir décider d'une nouvelle opération.

PAS DE FAUTES PENALES

Lors de l'audience, l'assesseur a indiqué qu'aucun des médecins présents cette nuit-là dans le service de chirurgie de l'hôpital Robert Debré n'avait été renvoyé devant le tribunal correctionnel.

Elle a ajouté que le Parquet avait même requis un non lieu général.

Lors de sa réquisition, la Procureure a indiqué qu'il n'était pas possible de reprocher pénalement à l'AP-HP son organisation des gardes dans la mesure où la chirurgie infantile constitue une unique spécialité regroupant la chirurgie viscérale et la chirurgie orthopédique et où aucun texte n'impose légalement une organisation spécifique des gardes.

"Ce n'est pas à la justice d'établir des normes sanitaires. Nous devons pour notre part nous interroger sur la faute pénale", a-t-elle insisté.

Une faute en la matière aurait pu être trouvée s'il n'y avait eu aucun médecin senior de garde cette nuit-là mais tel n'était pas le cas, a-t-elle souligné.

La procureure a également estimé que l'AP-HP ne pouvait être mise en cause en ce qui concerne la défectuosité du système de bip.

Elle a considéré que le retard dans l'arrivée du médecin senior au moment du troisième malaise de Cédric en raison de cette défaillance n'avait pas forcément eu une "influence directe" sur son décès.

"Au plus peut-on parler de perte de chance pour l'enfant", a-t-elle déclaré en jugeant qu'il était " impossible de dire que l'enfant aurait pu être sauvé si le chirurgien était arrivé une demi-heure plus tôt".

Présent à l'audience, le directeur des affaires juridiques et des droits des patients de l'AP-HP, Jean-Marc Morin, a confirmé qu'il n'existait pas de sous-spécialités en chirurgie infantile et de texte réglementaire contraignant à la présence d'un chirurgien infantile viscéral et d'un chirurgien orthopédique. Néanmoins, l'AP-HP a fait évoluer le système en donnant la possibilité aux infirmières d'appeler directement le médecin senior et le chirurgien opérateur.

Il a également précisé que le système de bip a été changé en avril 2006 après une procédure de marché public "lourde" qui a duré près de deux ans.

Il a indiqué que l'AP-HP s'estimait responsable sur le plan civil et était prête à verser des indemnités aux parents de Cédric pour reconnaître ainsi la perte de chance dont leur enfant a pu être victime.

L'AP-HP a en revanche toujours considéré qu'il n'y avait pas eu de faute caractérisée de la part des médecins et qu'il n'y avait pas lieu de prendre des sanctions contre eux.

LA MERE DE CEDRIC CRIE SA SOUFFRANCE

L'avocate des parents de Cédric a déploré que les médecins n'aient pas été renvoyés devant le tribunal correctionnel, se disant convaincue que des erreurs avaient été commises lors de la prise en charge, par le fait qu'aucune échographie n'avait été réalisée lors de son premier et deuxième malaise ou que le chirurgien viscéral d'astreinte n'avait été appelé que tardivement.

Elle a demandé au tribunal de condamner pénalement l'AP-HP "dans sa plus stricte sévérité".

Ne pouvant solliciter le versement de dommages et intérêts, elle a souhaité son renvoi devant le tribunal administratif pour la responsabilité civile.

Invitée lors de l'audience à prendre la parole, la mère de Cédric, Carole Périgueux, a crié sa "souffrance" et son incompréhension.

"Je voudrais comprendre. J'ai amené mon fils à 40 km de chez moi pour qu'il soit opéré par des gens compétents dans un hôpital renommé. Cette opération devait le guérir de sa maladie", s'est-elle insurgée en indiquant que son mari qui souffre également de la maladie de Minkowski-Chauffart avait eu aussi une ablation de la rate et allait bien.

Refusant d'accepter que le décès de son fils puisse être lié à un problème de bip, la mère de Cédric a mis en cause le manque d'écoute et d'humilité des médecins, déploré que personne "n'ait utilisé ses jambes" pour aller prévenir le chirurgien ou n'ait réalisé d'échographie suffisamment tôt.

"Nous avons donné à Cédric une petite soeur qui a la même maladie. Où va-t-on aller? Donnez-moi une adresse, des noms de médecins pour l'opérer", a-t-elle lancé, la voix brisée par l'émotion.


Source : infirmiers.com