Petite question par curiosité :
êtes-vous infirmier ?

Merci d'avoir répondu !

INFOS ET ACTUALITES

Décès après un accouchement

Publié le 03/12/2007

Sophie Porte est décédée le jour de ses 39 ans, sept heures après avoir accouché de son deuxième enfant, le 7 mai 1998 à la clinique Sainte-Isabelle de Neuilly, des suites d'une hémorragie de la délivrance dont l'importance avait été insuffisamment évaluée puis mal prise en charge par l'équipe médicale de l'établissement.

Après une instruction de plus de sept ans au cours de laquelle plusieurs juges se sont succédé, quatre personnes, dont la clinique en tant que personne morale, avaient finalement été renvoyées en octobre 2006 pour homicide involontaire devant le tribunal correctionnel de Nanterre.

Le gynécologue-obstétricien, l'anesthésiste-réanimateur et la sage-femme qui avaient supervisé l'accouchement, ainsi que les représentants de la clinique, ont ainsi comparu les 18 et 19 octobre pour répondre de négligences graves dans la prise en charge de la patiente.

Le tribunal a condamné le gynécologue-obstétricien, le Dr Patrick Sibella, à deux ans de prison avec sursis, assortis d'une interdiction définitive d'exercer sa profession.

L'UN SE REND A SON CABINET DE VILLE, L'AUTRE PART AU GOLF

Le parquet reprochait à ce médecin spécialiste, âgé de 57 ans, d'avoir quitté la clinique peu de temps après l'accouchement, pour aller consulter dans son cabinet de ville, sans s'être assuré de l'état de santé de la maman, qui venait de subir une hémorragie de la délivrance qu'il croyait stabilisée.

Les experts mandatés lors de l'instruction avaient notamment estimé que le gynécologue, qui a livré plusieurs témoignages contradictoires au cours de l'enquête, n'avait pas effectué, comme il le prétendait, de révision utérine après la naissance du bébé, dont le poids de 4,740 kg majorait fortement les risques d'hémorragie utérine.

Il avait par ailleurs été informé dès le 29 avril 1998 que Sophie Porte avait déjà subi un antécédent hémorragique lors de son premier accouchement, ce qui constituait un facteur de risque supplémentaire, mais n'en avait pas averti ses confrères.

L'anesthésiste-réanimateur, âgé de 60 ans, Didier Bouquiaux, a été condamné à une peine de neuf mois de prison avec sursis et deux ans d'interdiction d'exercice.

L'enquête avait montré que le praticien avait quitté la clinique peu après l'accouchement pour aller jouer au golf, en coupant son téléphone portable, et sans assurer de suivi post-opératoire en signalant le cas de la patiente à un de ses confrères anesthésistes.

Il affirmait que Patrick Sibella l'avait convaincu que tout risque était écarté.

Le tribunal a en revanche relaxé la sage-femme, Françoise Bicheron, contre laquelle le parquet avait requis 3.000 euros d'amende.

Laissée seule avec la patiente par les deux médecins, la sage-femme -ancienne présidente de l'Ordre des sages-femmes-, aujourd'hui âgée de 81 ans, était poursuivie pour avoir tardé à mobiliser une intervention médicale en essayant en vain de joindre les deux médecins, alors qu'elle était à l'origine de l'alerte initiale et avait pris la mesure de la gravité de la situation.

Elle avait ainsi indiqué pendant l'instruction que moins d'une heure et demie après l'accouchement, Sophie Porte avait déjà perdu plus de deux litres de sang.

"DYSFONCTIONNEMENTS GRAVES" DANS L'ORGANISATION DE LA CLINIQUE

Par ailleurs, le tribunal a prononcé une peine de 100.000 euros d'amende à l'encontre de l'établissement, la clinique Sainte-Isabelle de Neuilly.

Le tribunal a observé dans son argumentation que le Dr Patrick Sibella, qui était coadministrateur de la clinique à l'époque des faits et directeur médical de l'établissement, n'avait pas mis en oeuvre de dispositif pour assurer la continuité des soins et que le jour du drame, il avait autorisé Didier Bouquiaux à s'absenter sans lui poser la question du suivi et sans qu'aucune organisation ne soit en place.

L'instruction avait montré de nombreuses insuffisances dans l'organisation des gardes, qui n'était pas formalisée par une liste précise, et l'absence de tenue de dossier médical pour chaque patiente.

Deux rapports d'inspection de l'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH) d'Ile-de-France faisant suite au décès de Sophie Porte, établis en 1999, avaient d'ailleurs signalé des "dysfonctionnements graves susceptibles de mettre en péril la sécurité des patients", selon l'ordonnance de renvoi.

Dans ce document, dont APM a eu copie, le procureur observait que l'instruction s'était heurtée, dès le début, "à des difficultés conséquentes qui tiennent d'une part à une absence de rigueur voire d'honnêteté dans la gestion et le suivi des documents médicaux et d'autre part aux comportements des principaux protagonistes de ce drame qui n'ont eu de cesse de se renvoyer, les uns sur les autres, la responsabilité [du décès de Sophie Porte">".

Il relevait notamment que les documents médicaux retraçant l'intervention, "loin de constituer un dossier médical fiable, sont un agrégat de documents plus ou moins retravaillés à la fiabilité incertaine", plusieurs témoins ayant affirmé pendant l'instruction que le dossier médical de la victime avait été retouché après son décès.

La prise en charge de la victime apparaissait "affectée par une carence caractérisée en termes de continuité et de coordination des soins créant une situation d'insécurité majeure qui n'a pu être inversée à temps et a abouti au décès de celle-ci".

PRES DE 1,6 MILLION D'EUROS DE DOMMAGES ET INTERETS

Les deux médecins et la clinique devront verser solidairement à Jean-Marie Porte, l'époux de la victime, une somme de 1,128 million d'euros de dommages et intérêts au titre du préjudice matériel, 80.000 euros au titre du préjudice moral, 100.000 euros pour la perte de chance, plus de 128.000 euros de frais médicaux et d'aide à domicile, et 10.000 euros pour les frais de justice.

Ils devront également s'acquitter d'une somme de 150.000 euros pour les deux filles de Sophie Porte au titre du préjudice moral.

Le tribunal a assorti sa décision de l'exécution provisoire, c'est-à-dire que le versement devra être engagé sans attendre le jugement d'appel s'il y en a un, ce que l'un des conseils des parties civiles, Me Sophie Maltet, jointe jeudi par l'APM, analyse comme "un signe fort pour que la clinique prenne ses responsabilités" et décide de son attitude à l'égard de Patrick Sibella, qui y exerce toujours.

Les avocats des parties condamnées ont dix jours pour interjeter appel du jugement.


Source : infirmiers.com