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INFOS ET ACTUALITES

« Dans trois nuits, je serai seule... »

Publié le 09/10/2013

En novembre 2006, Marge, tout juste diplômée, faisait ses débuts d'infirmière au sein d'une clinique. Sur son blog, elle raconte comment s'est déroulée sa première année d'exercice. Un témoignage qui, sept ans plus tard, est toujours d'actualité...

Jour-J

Une année dans la blouse de Marge, une infirmière témoigne

10h30 : J'entre dans la clinique, le cœur qui bat... Voilà, j'ai rendez-vous avec l'infirmière en chef. C'est elle qui m'a reçue lors de mon entretien d'embauche. Mais aujourd'hui, je vais enfin signer le contrat, un CDI (ouf) de roulant de jour et de nuit. Je vais tourner dans les différents services de jour comme de nuit :

  • 2 services de chirurgie (ortho et viscéral) ;
  • les soins continus (post-op et médecine) ;
  • le service de médecine ;
  • le service de jour (chirurgie) ;
  • l'accueil non programmé ou autrement dit "les urgences".

20h15 : Ça y est je vais prendre la relève mais heureusement, je suis doublée pendant trois nuits et je serai seule durant la quatrième. Je commence aux soins continus, service où j'ai effectué mon stage pré-professionnel de dix semaines lors de mes études (je l'adore) mais je n'ai pas eu de poste fixe (dommage!). Je suis au bord de la crise de nerfs mais je ne laisse rien transparaître. Je suis perdue entre mon ancien statut de stagiaire et mon nouveau statut d'infirmière. Je n'arrête pas de me dire c'est bon, ne t'inquiète pas, tu n'es pas seule, il y a l'infirmière et puis mais enfin, dans trois nuits c'est moi et personne d'autre (mince alors quel dilemme!). Le service est composé de six lits. Habituellement, il y a une infirmière et une aide-soignante. Ce soir, nous sommes trois et à vrai dire, c'était assez dur de se positionner mais tout s'est bien passé...

J+4 

20h15 : Aïe, aïe, aïe, je crois que je n'ai pas le choix, ce soir les responsabilités ne sont rien qu'à moi (chouette, j'suis gâtée!). L'équipe qui fait la relève me connaît bien. Elles me demandent comment je vais (mais voyons tout va bien!). La relève commence et j'apprends qu'un des patients est assez mal ; mon cœur se sert... (je me suis acheté des fleurs de Bach, le "rescue", traduction le sauvetage, ça veut tout dire mais j'ai l'impression que ça calme pas mal).

20h45 : Tout le monde est au lit sauf mon aide-soignante et moi. Elle me demande depuis combien de temps je fais de l'intérim (hummmmm, comment dire ?). Je lui explique avec tact que je suis diplômée depuis à peu près neuf jours et que je travaille depuis trois jours (ah bon!). Étonnée mais pas inquiète (ouf).

6h30 : Il est venu le temps de la relève. Je n'ai plus les yeux en face des trous mais il faut assurer et ne pas oublier de donner toutes les infos. Ça y est, je l'ai fait... Une nuit seule sans encombre... Tout le monde va plutôt bien, tant mieux.

Je suis perdue entre mon ancien statut de stagiaire et mon nouveau statut d'infirmière

J+9

J'ai déjà fait d'autres nuits depuis mais celle-ci, je m'en rappelle comme si c'était hier, je la nommerai TACHYCARDIE. Mais vous me direz Pourquoi ?. Parce que cette nuit là, la fréquence cardiaque d'un des patients s'élevait à 180 bpm, je n'avais jamais vu ça avant. Ce soir là j'étais avec une sympathique aide-soignante, jeune diplômée qui effectuait sa première expérience des soins continus... Là, j'ai vraiment dû prendre les choses en main. Tout d'abord, réassurance du patient, histoire d'écarter l'éventualité d'un coup de stress... Une minute passe, mais rien n'y fait, le patient ne semble pas ressentir la tachycardie, il me parle normalement... Après cinq minutes, je prends le téléphone. Il est à peu près une heure du matin, il faut appeler l'anesthésiste rapidement très rapidement. Allô.... J'explique le problème... Il faut le remplir, il est déshydraté, Ringer lactate à fond. Me voici en action, je pose mon Ringer et l'ouvre à fond, mais rien ne passe... rinçure... rien ne passe, le cathéter est KO... En effet, il était coudé, juste au bon moment. Aïe, aïe, aïe, il tachycarde toujours. Les alarmes du scope n'arrêtent pas de sonner... Je prends vite le nécessaire pour piquer et bien sûr, mauvais capital veineux. La deuxième c'est la bonne. J'ouvre à fond le Ringer et 10 minutes plus tard, magique, la fréquence cardiaque diminue et se stabilise à 80 bpm. Là, je me dis c'est gagné ! Le patient se sent aussi bien qu'avant, c'est vraiment étonnant. L'anesthésiste me rappelle et je lui explique que tout va bien, très calme, il me dit il était tout simplement déshydraté, bonsoir.

M+2

Voilà deux mois que je travaille. Les premiers jours, je me disais : est-ce que je vais pouvoir atteindre deux mois de travail... on verra quand on y sera. Hé bien voilà, vous direz pas très rassurant son témoignage mais cela me permet de mettre le doigt sur un problème, celui du fossé qui existe entre les études et la prise de poste. Mes collègues, qui ont déjà plusieurs années d'expérience et qui ont déjà encadré pas mal d'étudiants, me disent que la formation est trop orientée vers du « par cœur » en masse et s'éloigne beaucoup de la logique que doit avoir une infirmière en poste. En effet, on ne va pas à l'essentiel et l'ensemble des cours nécessite plus un apprentissage par cœur et peu de réflexion. Au final, on ne retient pas le plus important...

Pour en revenir à mon boulot, j'ai maintenant fait le tour des autres services mais la plupart du temps en doublure les deux premiers jours et le troisième seule, ce qui m'amène à dire que je suis encore loin d'être à l'aise. J'ai quand même la chance de tomber avec des collègues compréhensibles, qui restent disponibles pour les questions que j'ai à poser et qui ne s'offusquent pas de mes relèves parfois désordonnées... J'ai également eu la joie de travailler la nuit du 24 décembre. Ce n'était pas prévu mais on m'a appelée la veille pour remplacer. Pour me réconforter, je me dis que ce n'est ni le premier ni le dernier Noël où je devrais travailler. Je n'ai pas encore d'enfants et côté famille, c'est assez restreint...

Cela me permet de mettre le doigt sur un problème, celui du fossé qui existe entre les études et la prise de poste...

M+3

Cela me fait plaisir d'écrire aujourd'hui. Le mois de février 2007 se termine et je suis assez contente de moi, les collègues et les cadres des différents services semblent être également contents de moi. J'ai passé une bonne partie du mois à travailler en médecine et je tiens à en parler car c'est un service où la charge de travail est énorme et où l'infirmière doit vraiment être au top côté pathologie. Il y a de tout, et surtout beaucoup d'antécédents chez les patients pris en charge. On doit traiter à la fois la pathologie pour laquelle les patients entrent mais aussi d'autres qui s'ajoutent. La découverte de cancer est fréquente et la moyenne d'âge est très élevée... De plus, il y a un gros travail autour du devenir. On effectue de nombreuses demandes de convalescence. « La paperasse » est donc importante. Il faut également être vigilant sur les nombreux examens passés (scanner, écho, radio, scinti, ponction, gastro-colo, broncho et j'en passe). Ce qui m'amène au problème majeur que j'ai rencontré, la relève ! Vous me direz encore elle !!

Concrètement :

  • la relève de la nuit : une IDE pour les deux secteurs (logique) ;
  • la relève du matin : une des deux IDE refait la relève aux AS (illogique) ;
  • la relève de l'après-midi : deux IDE chacune leur secteur (logique) ;
  • la relève du soir : une IDE pour les deux secteurs, l'autre IDE part plus tôt (illogique).

Mon but n'est pas de juger l'organisation mais pour moi il a été difficile de faire face à chaque relève. Chaque patient est passé au crible avec tous les examens faits antérieurement, ceux à venir, traitements etc... On passe son temps à faire de la recherche dans le dossier. Quand on ne connaît pas les patients, c'est vraiment dur. Un des avantages de la médecine, c'est que la relation avec le patient est vraiment plus importante et j'ai pu retrouver ce pourquoi je suis infirmière. Pour finir, ce paragraphe sur la médecine, je dirais que je pense être plus à l'aise dans les services de chirurgie après cette expérience...

M+6

Nous voici début mai et beaucoup de choses ont changé... Le 23 avril dernier, j'ai quitté le poste de roulante pour être assimilée au service de chirurgie viscérale. Un poste était à pourvoir dans ce service. J'ai donc fait ma demande immédiatement car ce service a plusieurs points positifs :

  • les chirurgies sont variées. On trouve de la gynécologie, urologie, proctologie, gastro-entérologie bien sur mais aussi ORL, dentaire ;
  • le travail d'équipe est super, on peut compter les uns sur les autres (ce n'est pas toujours le cas!) ;
  • les chirurgiens sont sympathiques et à l'écoute de tout le personnel.

Un autre point non négligeable : j'ai enfin l'avantage d'avoir un planning stable avec de vrais repos de deux jours d'affilée ce qui n'était pas le cas en tant que roulante !! Je travaille exclusivement de journée ! Je me sens bien et bien plus à l'aise mais une chose est sûre, je suis loin de l'idéal que je m'étais fait durant ma formation. La charge de travail est élevée et il est parfois dur de travailler dans de bonnes conditions... Travailler en tant qu'infirmière dans le secteur privé n'est pas vraiment adéquat avec certaines de mes valeurs. On parle souvent de rentabilité, d'activité et ça, ça ne plaît pas ! Il faut bien commencer quelque part et l'important est que j’acquière de l'expérience !

M+12

Nous voilà, un an, jour pour jour et vraiment quand je relis les paragraphes précédents, j'ai l'impression que c'était hier...

Beaucoup de choses ont évolué mais je suis toujours en chirurgie viscérale et je m'y plais beaucoup. Depuis, la clinique a changé de directeur, d'infirmière générale, des postes ont été supprimés ou non remplacés. Beaucoup de collègues ont démissionné. Comme dirait une collègue, on tourne en service minimum malgré l'activité croissante...

Je me sens à l'aise mais la charge de travail devient de plus en plus oppressante et frustrante... On fait vite et au mieux... pour le perfectionnisme, on repassera (terrible de dire ça...). La peur de poser une sonde urinaire est un vieux souvenir... J'ai déjà fait deux notes de stages pour des étudiantes infirmières et je me sens maintenant loin de tout ça. On perd beaucoup au niveau des méthodologies (démarches de soins, techniques apprises à l'école).

Une rumeur circule : on changerait de roulement pour passer en 12h et on tournerait dans tous les services de jour comme de nuit et là franchement ça me fait peur... Retourner au statut de roulante et en 12h, aïe, aïe, aïe... J'espère que cette rumeur en restera une... Voilà un peu les dernières nouvelles... Joyeux anniversaire...

Marge rmarseb@aol.com Le Site perso de la Profession Infirmièrewww.facebook.com/LSPInfirmiere


Source : infirmiers.com