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AS

Dans le couloir... Bien commencer l'année !

Publié le 02/01/2018
bonne année

bonne année

Nous l'avons découvert il y a peu et il ne pouvait en être autrement que de partager les histoires qu'il nous raconte. Sur sa page facebook intitulée « Dans le couloir... », Alexis, aide-soignant, nous ouvre une à une les portes des chambres de son service de soin et raconte. Derrière chacune d'entres elles se cachent des histoires et des vies différentes ... » Régulièrement nous publierons ces jolies chroniques, une invitation qui vous est faite pour les découvrir et les aimer ! Son dernier billet nous raconte la première journée de la nouvelle année vécue en équipe et avec ses patients dans son service de soins. Un billet de circonstance qui nous permet de renouveler nos voeux pour 2018 !

Dans le couloir…

Aide-soignant diplômé en 2013, Alexis il a toujours exercé à l'hôpital. Je prends plaisir à être le spectateur assidu de mes meilleurs acteurs : les patients et le personnel soignant. Ce contact me permet d'apprendre beaucoup sur l'humain, ses travers parfois, les cultures du monde, les difficultés du quotidien... Cet apprentissage de la vie, j'en garde une trace depuis cinq ans. Dans un carnet qui me sert d'exutoire, je relate des anecdotes professionnelles. Depuis, j'essaie de formaliser cela sur un support accessible et ludique. C'est ainsi que j'ai créé une page Facebook sur laquelle je délivre régulièrement une histoire courte. Parfois humoristiques, parfois touchantes, elles sont le reflet du quotidien d'un aide-soignant travaillant à l'hôpital. Pourquoi avoir choisi comme nom "Dans le couloir" me direz-vous ? A la fois une entrée et une sortie, cet élément anodin d'un service représente le passage et c'est, à mon sens, l'essence même de l'hôpital. Passeur d'âmes et passeur d'histoires je souhaite faire découvrir ce monde troublant.

Découvrez Alexis et son message lors de la Journée internationale de l'aide-soignant le 26 novembre 2017.

Chambre 140

"Nous voici repartis pour une nouvelle année sur les chapeaux de roues !"

A l'hôpital, nous ne rompons pas avec les traditions de fin d'année. Même si le lieu n'est pas, par essence, celui de la fête, il serait dommage de ne pas faire le plein de gaieté durant cette semaine particulière. Alors aujourd'hui, jour de l'An, c'est décidé, on ne prépare pas les tasses pour le café, mais plutôt les coupes de champagne pour ravitailler nos collègues de l'étage et les patients !

Pour entamer notre périple, avec une desserte hors d'âge mais increvable, les précautions d'usage s'imposent toutefois. En tête de liste de nos vérifications, une chose élémentaire ne doit pas être oubliée : le carburant ou, devrais-je plutôt dire, le champagne. Pas n'importe lequel car, notre véhicule ayant la tuyauterie plutôt sensible, nous préférons rouler au brut ! Mais, comme de bien entendu, la fête de Noël étant passée par là, nous avons épuisé le fond de cuve depuis bien longtemps…

Après notre raid soignant pendant tout ce week-end sylvestre qui nous a littéralement asséchés, nos mines défraîchies et notre état de déshydratation extrême suffisent pour que notre chef de service nous propose une halte rafraîchissante dans son bureau. Ce que l'on pensait être un mirage était finalement bien réel et, lorsqu'il a ouvert une caisse contenant plusieurs bouteilles de champagne, nos yeux se sont illuminés devant cette oasis pétillante.

Tandis que notre sponsor officiel gonfle à bloc nos réserves de carburant, nous apportons les derniers détails au véhicule tout terrain : coupes en plastiques, assiettes en carton et jus de fruit pour les plus sages. Il ne nous manque plus que l'huile pour moteur : les douceurs sucrées. En effet, pour être continuellement plein gaz en chirurgie digestive, mieux vaut avoir l'estomac bien rempli !

Notre locale de l'étape, Madame W., est sur le pont du ravitaillement depuis plusieurs jours déjà. Elle est en suivi post-opératoire d'une énième laparotomie abcédante et soignée depuis plusieurs années pour un cancer devenu maintenant multi-viscéral, son ventre ressemble aux dunes du Sahara tant il est vallonné cicatrices multiples. Malgré ses 98 ans affichés au compteur, elle n'admet aucun allumage des feux de détresse, même lorsque, parfois, la situation s'enlise. Bon, le contrôle technique n'est plus tout à fait vierge, mais ce sont tout de même les vieilles voitures qui ont les meilleurs moteurs !  dit-t-elle en s'amusant de nos visages fatigués par une course qui a vu s’enchaîner réveillon et travail. Étant donné son record de présence dans le service, nous avons proposé à Madame W., quelques jours plus tôt, une place de choix au sein de notre joyeux équipage. Démarrant au quart de tour, comme à son habitude, elle nous propose de réconforter notre glycémie et embraye sur la solution : Je sais que c'était Noël la semaine dernière, mais pas la peine de nous faire avaler vos madeleines étouffe-chrétien, mon gendre est pâtissier, je me charge des gâteaux ! Tout est dit, la feuille de route commence à se dessiner.

Vu l'organisation, la mécanique paraît bien huilée. Pas le moindre grain de sable pour s'infiltrer dans nos rouages. C'est ainsi qu'à 15 heures, l'équipe au grand complet est prête pour sa folle embardée. Derrière l'épaisse cargaison de victuailles et de boissons, notre passagère, invitée d'honneur du jour, semble impatiente. Aussitôt dit, aussitôt fait, le top départ est donné avec une première bouteille de champagne, débouchée sans attendre par Madame W. qui ne manque pas d'huile de coude ! Celui qui conduit, c'est celui qui ne boit pas lit-on en prévention routière, mais cette recommandation, Madame W. ne l'a pas bien comprise car elle ne manque pas de trinquer à chaque occasion. A notre grande surprise, comme si elle cherchait à compenser notre abstinence, nous lui trouvons une bonne descente !

Après plus de deux heures d'escapade, nous entamons notre dernière escale pour déposer précieusement au garage la pièce maîtresse : Madame W. Les joues rosées et riant aux éclats, elle s'allonge délicatement dans son lit et s'enfonce dans son oreiller. Les yeux mi-clos, les batteries épuisées par un usage intensif inhabituel, elle conclut notre route des vœux par : Et surtout, les enfants, une bonne année et une bonne santé ! La boucle est bouclée car chacun s'éloigne avec le plein, mais pas n'importe lequel : un savoureux mélange de sourire et de bonheur.  Le téléphone sonne, un appel d'urgence s'enclenche... Nous voici repartis pour une nouvelle année sur les chapeaux de roues !

Dans le couloir, chambre 140, mardi 2 janvier 2018


Source : infirmiers.com