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IDEL

Coup de gueule - Une ordonnance pour "pansement" assez hérissante !

Publié le 10/10/2017
Ordonnance pansement

Ordonnance pansement

Cher Docteur, je prends connaissance via les réseaux sociaux* de votre « ordonnance » pour une patiente que vous avez sans doute opérée, j'ignore de quel appareil, mais ceci n’a pas grande importance. C'est plutôt la « qualité » de vos conseils qui me donne envie de réagir, voire de rugir... Explications circonstanciées.

Me permettrais-je, cher Docteur, de vous rappeler toutes les recommandations internationales en matière de cicatrisation des plaies.

J’avoue que la première phrase de cette « ordonnance » est déjà « hérissante »… Que la patiente soit invitée à faire elle-même son pansement, malgré le côté discutable de la chose, passe encore. Mais qu’il soit instamment demandé qu’il ne soit pas réalisé par une infirmière (sic) !???!!!! J’avoue que mon sang commence à bouillir. Avez-vous une dent particulière contre les infirmières ? Mais poursuivons…

Nettoyage à la B... scrub, alors que toutes les recommandations internationales ne vont pas en faveur d’un nettoyage systématique d’une plaie, qu’elle soit post-opératoire ou chronique, avec un antiseptique, à large spectre qui plus est. Un très récent guideline en parle d’ailleurs1. Si je lis la notice de la povidone iodée (je pense que l‘ANSM est une source sérieuse) je retrouve des indications pour Le traitement local d'appoint et le nettoyage des affections de la peau et des muqueuses, infectées ou risquant de s'infecter ; Lavage antiseptique des mains (…) ; Lavage antiseptique pré-opératoire. Je ne retrouve aucunement de préconisation de lavage de plaie post-opératoire, me permettant de vous rappeler qu’une plaie n’est pas une « affection de la peau », mais une effraction cutanée.

Si je poursuis ma lecture, je vois que la précaution est donnée sur L'iode contenu dans ce médicament [qui] peut traverser la peau, en particulier en cas d'usage répété ou sur certaines peaux fragiles ou fragilisées et passer dans la circulation générale. Mais j’imagine que votre patiente n’a pas de risque de ce côté-là, ou du moins que vous vous en êtes au préalable assuré. J’ose espérer de même qu’elle n’est pas atteinte d’une insuffisance rénale… ni même enceinte !

Une plaie n’est pas une « affection de la peau », mais une effraction cutanée

Nous arrivons à une partie assez croustillante de la prescription… Après une douche avec un antiseptique, que nous rinçons, je précise, à l’eau de la douche (?), nous voilà sortant le séchoir à cheveux pour bien sécher (assécher) la peau.

Me permettrais-je, cher Docteur, de vous rappeler que, là encore, toutes les recommandations internationales en matière de cicatrisation des plaies préconisent le milieu humide. Dès 1915, les frères Lumières expérimentèrent l’arrêt des antiseptiques, puis G Winter en 1962 (cette année-là, vous savez !) démontra l’intérêt d’un milieu humide, grâce à ses 3 petits cochons2… J’avoue que l’idée du sèche-cheveux sur une peau fragile m’effraie un peu. Mais que ce soit un médecin/chirurgien qui le préconise me terrifie carrément ! Pour parfaire le tout, cette dame devra appliquer un pansement sec, après avoir donc bien détergé et asséché sa plaie.

Ce pauvre Winter doit réellement se retourner dans sa tombe !

L’affaire pourrait s’arrêter là, mais non… Après votre visite (post-op je présume ?), elle pourra mettre en place un pansement de type siliconé = Mé...ex (au passage je remarque que vous ne vous embarrassez guère avec les classes des dispositifs médicaux. Préconisons les noms commerciaux, tant qu’à faire ! Les concurrents apprécieront).

J’en profite pour vous livrer une petite info rapide sur l’usage de l’hydrocellulaire3 (dont Mé...ex fait partie) : au bout de 15 jours une plaie post-op est quasiment refermée. Or l’intérêt de ces pansements dits « nouveaux » est de réguler les exsudats et de maintenir un écosystème favorable à la cicatrisation.  On peut donc utiliser l’hydrocellulaire dès le stade de bourgeonnement (soit en sortie d’hopital) et jusqu’à la fin de la cicatrisation. L’utiliser uniquement APRES 15 jours n’a pas de sens, autant continuer les pansements secs.

Au final ce courrier démontre votre totale méconnaissance des principes de base d’une cicatrisation bien menée, et il me semble qu’à ce stade vous pourriez permettre à votre patiente de bénéficier des services d’une infirmière, lui garantissant ainsi une sécurité dans ses soins et sans doute une cicatrice de meilleure qualité. A toutes fins utiles, le montant total d’une telle prise en charge ne devrait guère excéder les 30 euros (sur une base d’un pansement tous les 2 ou 3 jours ; à 6,30 euros le soin). Soit environ la moitié d’une de vos consultations post-op… Mais là, nous entrons dans un autre débat.
J’ose tout de même espérer que ce courrier est un fake ou un jeu pour la chambre des erreurs. Dans ce cas, Bravo ! Vous avez su réunir tout ce qu’il ne faut pas faire…

Bien à vous.

Florence AMBROSINO  Infirmière de pratique avancée (IPA)  Formatrice en cicatrisation des plaies fambrosino13@gmail.com

*Cette ordonnance a été postée sur facebook par Christophe Minghetti, Président du syndicat des infirmiers libéraux FNI des Hauts de Seine, CDOI Hauts de Seine.
- Lire aussi le billet d'humeur sur le même sujet de la blogueuse La seringue atomique intitulé "Do It Yourself !"

Notes

  1. Berríos-Torres, S. I., Umscheid, C. A., Bratzler, D. W., Leas, B., Stone, E. C., Kelz, R. R., ... & Dellinger, E. P. (2017). Centers for Disease Control and Prevention guideline for the prevention of surgical site infection, 2017. JAMA surgery.
  2. Winter, G. D. (1962). Formation of the scab and the rate of epithelization of superficial wounds in the skin of the young domestic pig. Nature, 193(4812), 293-294.
  3. HAS. (2011). Les pansements, Indications et utilisations recommandée.

Source : infirmiers.com