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Coordination des exercices et outils numériques : pas l’un sans l’autre

Publié le 06/01/2020
Coordination des exercices et outils numériques : pas l’un sans l’autre

Coordination des exercices et outils numériques : pas l’un sans l’autre

Difficile aujourd'hui de concevoir la coordination des professionnels de santé sans outils numériques. Mais lesquels précisément et comment ? Et quel positionnement notamment des infirmiers libéraux dans cet écosystème en mouvement ? Éléments de réponse à l'occasion du 6e forum régional URPS Infirmiers Occitanie organisé par l'URPS Infirmiers de la région et qui s'est tenu le 28 novembre dernier1 à Toulouse sur le thème "Exercices coordonnés, Idel connectés".

Des outils numériques que les professionnels de santé doivent s’approprier quand bien même "en France, le numérique en santé, c’est un peu le "bazar""…

L'exercice des professionnels de santé libéraux se conjugue de plus en plus en mode coordonné. Maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), équipes de soins primaires (ESP), communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), télémédecine (téléconsultation, télé-expertise, télésoin) s’intègrent en effet progressivement au paysage libéral de santé, avec une approche patientèle pour les ESP, de bassin sur un territoire pour les MSP et populationnelle s’agissant des CPTS. Comme les autres professionnels de santé, les infirmiers libéraux (Idel) s'attellent donc à s'approprier ces nouveaux modes d'exercices coordonnés et, avec eux, les outils numériques qui vont de pair.

Quels outils ?

Côté outils, cela passe en pratique par la création2 et surtout l'utilisation des dossiers médicaux partagés (DMP) de leurs patients, quand bien même il reste encore à faire en la matière puisque seuls 8 millions de DMP ont à ce jour été créés – on est encore loin de l’objectif du gouvernement qui l’a fixé à 40 millions d’ici 2022 –, que peu d’Idel l’utilisent3 et qu’il est très très peu rempli selon Dominique Pon, pilote du chantier numérique gouvernemental Ma santé 2022 et directeur général de la clinique Pasteur à Toulouse, et qui s’est exprimé dans le cadre d’une interview diffusée lors de ce 6e forum.

Pourtant, avec l’historique des soins des 24 derniers mois automatiquement alimenté, de même que les antécédents médicaux, les résultats d’examens, les comptes rendus d’hospitalisation, les directives anticipées, les coordonnées des proches à prévenir en cas d’urgence, le DMP a vocation à faciliter le partage d’informations entre soignants.

L’usage d’une messagerie de santé sécurisée (MSS – Mailiz, Medimail…) est également de mise pour l’envoi et la réception des données de santé des patients. Rappelons en effet que les professionnels de santé qui échangent des données de santé par messagerie doivent garantir que le service est bien sécurisé. Mais cela n’est pas encore toujours le cas . Nombre de soignants avouent régulièrement échanger par mail ou SMS des données sensibles (pathologies, traitements, photos de plaies, résultats d’examens, comptes rendus…) concernant leurs patients. À noter par ailleurs l’extension, au plus tard au 1er janvier 2022, de la MSS aux acteurs du médico-social, ainsi qu’aux citoyens français (via l’espace numérique de santé).

Autre outil en cours de déploiement progressif en cette fin 20194, la e-cps (appli disponible sur Google Play et l'App Store). Cette évolution de la carte CPS doit permettre aux professionnels de santé de s'authentifier directement auprès d'un service en ligne avec leur mobile ou leur tablette, sans passer par un poste configuré et équipé d'un lecteur de carte[…] la détention d’une carte CPS n’est donc plus indispensable, précise l’Asip Santé. Les éditeurs peuvent aujourd’hui tester ce nouveau service et se rendre conformes a ajouté Dominique Pon à ce propos.

Notons encore comme autre outil prochainement disponible l’identifiant national de santé (INS), dès lors que l’on parle d’un dossier patient, et qui sera rendu obligatoire au 1er janvier 20216. Quant à l’identifiant national pour les acteurs de santé, il sera étendu à l’ensemble des acteurs décommissionnés Adeli dans un nouveau répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) élargi (au 1er janvier 2022).

Enfin, élément emblématique du virage numérique, un espace numérique de santé accessible en ligne sera créé par défaut pour tous les Français au plus tard au 1er janvier 2022. Ces derniers pourront ainsi accéder notamment à leurs données administratives, leur DMP, leurs constantes de santé […], l’ensemble des données relatives au remboursement de leurs données de santé, des services développés pour favoriser la prévention et fluidifier les parcours, les services de retour à domicile… 7.

Inzee.care , une solution de mise en relation, présentée lors de ce 6e Forum de l’URPS Infirmiers Occitanie.

Numérique en santé : La France a quinze ans de retard

Des outils que les professionnels de santé doivent s’approprier quand bien même en France, le numérique en santé, c’est un peu le "bazar", avec des systèmes d’information qui ne communiquent pas entre eux, beaucoup d’initiatives sur les territoires mais des ruptures dans les parcours de soins avec des mauvaises connections entre les logiciels, ceux de ville, de l’hôpital, de la pharmacie… et que le pays a quinze ans de retard dans ce domaine, a franchement reconnu Dominique Pon. De fait, ce dernier a rappelé la philosophie de la feuille de route du plan Ma santé 2022, à savoir y aller étape par étape, les pouvoirs publics reprenant la main sur le socle de base numérique (DMP, messagerie sécurisée, système d’authentification sécurisé, INS, IN) tout en laissant les acteurs de l’écosystème créer la valeur ajoutée métier. Ainsi, tout ce qui est outils de parcours numériques ne peut pas être porté au niveau national. Cela doit être collé au terrain, proche des usages car cela dépend des territoires, des pathologies, des organisations locales. En jeu, c’est bien l’interopérabilité qui se joue, et par-delà l’essor réel du numérique en santé avec une fluidité d’accès aux services de santé. Et le pilote du chantier numérique d’enfoncer le clou : Posons les fondations de la maison qui vont nous permettre de mieux faire échanger les logiciels et faisons respecter le code d’urbanisme par tous les éditeurs. Et une fois que les choses seront techniquement plus simples, il faudra aussi engager les professionnels de santé à jouer le jeu.

Quelques chiffres de la coordination en Occitanie

  • 784 000 DMP ouverts
  • CHU de Toulouse, 2e CHU au niveau national en termes d’alimentation du DMP
  • 112 MSP dans lesquelles 1/3 des professionnels qui y exercent sont infirmiers.
  • 54 projets de CPTS (identifiés au 24 oct. 2019)
  • Plus de 25 000 professionnels de santé ou médico-sociaux recensés dans l’annuaire régional Medimail.
  • 3 212 infirmiers inscrits sur Inzee.care (1 inscrit – plusieurs infirmiers/cabinet, soit près de 14 % de couverture Idel)

Quid de la relation de soins et de l’éthique dans tout cela ?

Des professionnels de santé pas tous encore enclins à s’y mettre, aujourd’hui certainement plus en raison du manque d’interopérabilité des logiciels que d’une réelle volonté à ne pas vouloir partager. Reste encore le sujet de la relation soignant/soigné, pour certains, mise à mal avec les outils numériques en santé. Ainsi, quelle attitude avoir face au progrès alors qu’aujourd’hui ce colloque singulier est pluriel,) voire non présentiel ? C’est tout l’enjeu des nouveaux outils numériques en santé. Pour sa part, François Vialla, professeur des universités et directeur du Centre européen d’études et de recherche droit & santé (CEERDS – Montpellier,  a notamment conseillé, au cours d’un exposé très complet sur la structuration de l’exercice coordonné, de bien choisir les outils (logiciels) permettant l’exercice coordonné, d’autant qu’il peut y avoir  des pratiques commerciales trompeuses (hameçonnage), également d’ identifier quelles informations peuvent bénéficier à qui dans le cadre d’un système d’information partagé et de ne pas manquer d’ en avertir le patient. Et d’ajouter que quel que soit l’outil, c’est le professionnel qui le pilote et le maîtrise dans le savoir-faire et dans le savoir être. De son côté, Dominique Pon a considéré ces nouveaux outils comme des outils d’interaction et de pouvoir des patients qui les rendent acteurs et [nous] font changer nos organisations. Et de conclure : Je crois en un numérique qui n’est pas désincarné. […] Et si l’on est empreint d’éthique et surtout de pragmatisme, les choses vont se construire dans le sens d’une éthique et de plus d’humanité.

Notes

  1. Forum qui s'est également tenu parallèlement le 3 décembre 2019 à La Grande Motte. Au total, près de 450 Idel ont répondu présent.
  2. Un euro par DMP créé pour les Idel.
  3. D’après le questionnaire de l’URPS Infirmiers Occitanie réalisé dans le cadre du forum de Toulouse le 28 nov. dernier, seuls 17 Idel sur un total de 187 répondants (et 33 sur 273 répondants pour les deux journées) ont déjà utilisé le DMP pour eux-mêmes ou leurs patients. À noter que s’agissant de ce faible taux d’Idel utilisant le DMP (création, mise à jour pour eux-mêmes ou les patients), Jean-Pierre Pontier, Idel nimois et élu URPS Infirmiers Occitanie a jugé utile de préciser que les Idel ne pourront alimenter les DMP que par le biais du BSI qui verra le jour le 1er janvier 2020 pour les patients dépendants de plus de 90 ans.
  4. Les professionnels libéraux, dont les Idel, peuvent dès à présent activer leur e-CPS et l’utiliser sur le service en ligne TOPS
  5. Voir décret n°2019-1036 relatif au référencement des données de santé avec l’INS publié au JO du 10 oct. 2019
  6. Le déploiement de l'INS est d’ores et déjà en cours de préparation avec une phase pilote prévue pour début 2020 associant une vingtaine de structures de santé et leurs éditeurs respectifs (source : esante.gouv.fr).
  7. Loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

Valérie Hedefvalerie.hedef @orange.fr


Source : infirmiers.com